En mars dernier un journal espagnol a ébruité l'implantation d'une base aérienne américaine à l'extrême sud du Sahara. Par ailleurs Washington accordera à Rabat un rare privilège : Produire au Maroc une partie de la dernière génération des F-16, des avions que le royaume a commandés. Mais là on parle de quelque chose de beaucoup plus volumineux et impactant sur le plan stratégique : Déloger les deux bases militaires américaines en Espagne pour les transférer vers le royaume chérifien… Le journal ABC rapporte que l'idée a été agitée par le général à la retraite Robert Greenway, suite à la colère piquée par le président Donald Trump face au refus de l'Espagne de faire monter ses dépenses militaires à 5% de son PIB, comme s'y sont engagés les 31 pays membres de l'OTAN à l'horizon 2035, même si le doute est permis. «Il est temps de transférer les bases de Rota et Moron... au Maroc», a pesté le général. Précisons que le haut gradé s'est exprimé à titre personnel, il n'y a rien d'officiel à ce stade, mais quand un général de la trempe de Greenway parle on l'écoute forcément. L'homme est à la tête d'Allison Center for National Security au sein de la Heritage Foundation, un think tank conservateur très influent dans les cercles républicains. Et puis il ne faut pas minorer le coup de sang du président américain lors du dernier Sommet de l'OTAN, les 24 et 25 juin à la Haye (Pays-Bas)… Alors que toute la cohorte des pays européens étaient au garde-à-vous devant « Daddy Trump« , transis par la flatterie éhontée du secrétaire général de l'Alliance, Madrid lui a joué au rebelle, au « Dernier des Mohicans ». Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez, qui ne se démonte sur aucun sujet (Israël en sait quelque chose), a jeté à la face de Trump qu'il ne fera pas un geste de plus pour s'armer. Il a argué que ses caisses n'ont pas les moyens de dégager 300 milliards d'euros par an, à moins de dépouiller la santé, l'éducation, etc. Tout au plus Madrid consent à monter jusqu'à 2,1% pour muscler sa Défense. Il est certain que la plupart des dirigeants dans la salle pensaient exactement la même chose que Sanchez mais n'ont pas eu le courage d'affronter le courroux du républicain. Ils se sont dit qu'il était plus sage de rentrer dans les rangs et que l'imprévisible Trump ne sera plus là en 2035 pour s'assurer que tout ce beau monde paye – comprenez achète américain – à la hauteur des engagements. Les Européens avaient raison de craindre la colère de Washington. Tout de suite après la bravade de Sanchez Trump a annoncé lors d'une conférence de presse des représailles commerciales, en assurant que l'Espagne «acceptera, c'est garanti». Donc quand ce général américain propose de délocaliser les bases stratégiques nichées en Andalousie pour les installer au Maroc il faut lui prêter l'oreille. Si on a appris une chose c'est qu'avec Trump tout est possible. Les bases de Rota (Cadix) et Moron (Séville) sont des relais majeurs pour les USA pour opérer dans la zone euro-méditerranéenne. Ces sites abritent principalement des dispositifs clés du bouclier antimissile, des escadres aériennes et des forces de projection rapide. Leur positionnement géostratégique permet de mener des actions en Afrique du Nord, au Levant mais également dans le golfe de Guinée. Alors le simple fait d'évoquer leur déménagement, même officieusement, fait forcément jaser en Europe et en Afrique. Et puis il y a un élément qui pèse lourd sur la balance : la qualité du partenariat militaire entre les USA et le Maroc. Rappelons que ce dernier est une pièce maîtresse du Commandement des Etats-Unis pour l'Afrique (Africom) et du méga exercice militaire annuel « African Lion ». Rabat paye cher auprès de son opinion publique cette coopération mais les Américains savent qu'ils peuvent compter sur la solidité de cette alliance. Alors oui, pour Washington il est très tentant de miser sur un pays nord-africain stable politiquement et sur le plan sécuritaire. En plus il y aurait l'avantage de prendre racine au sud du détroit de Gibraltar. Reste à savoir comment réagirait l'Espagne si le Maroc lui « volait » son bouclier américain, Madrid qui a d'excellentes relations avec Rabat par ailleurs. Et puis il y a l'autre acteur majeur : l'Algérie. Cette dernière est une des priorités de l'administration Trump en Afrique. Inutile de vous dire qu'Alger verrait d'un très mauvais oeil qu'une puissance telle que les Etats-Unis donne cet avantage stratégique aux Marocains. Donc la suggestion du général Greenway n'est pas simple, elle est même kafkaïenne.
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