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Tunisie : Partie II : Déconstruction rampante de l'Etat et de l'héritage de Bourguiba !
Publié dans Tunisie Numérique le 08 - 01 - 2014


La suite de la Partie I :
A grandes pompes, le gouvernement a annoncé, en Mai 2012, le dégel de l'enseignement dans la Mosquée Zitouna et la reprise de ses cours religieux, système éducatif parallèle auquel Bourguiba a mis un terme en 1962. Une décision que jusqu'à nos jours la mouvance islamiste juge infondée, arbitraire, voire carrément contre l'Islam. Dès lors qu'il s'agit de Bourguiba, les islamistes de tout bord, fidèles à leur ligne outrancière, subjective et injuste de dénigrer Bourguiba à tout-va, occultent ou éludent l'action de ce dernier en faveur de la modernisation de la Zitouna et son initiative de créer, en substitution, l'université théologique de Tunis, pour focaliser leur contestation sinon leur haine sur sa décision de mettre fin à la mission d'enseignement de la Zitouna.
D'ailleurs, la date choisie pour réactiver le système, à savoir le 12 Mai 2012, n'est guère fortuite, connaissant que le 12 Mai 1881, fut signé le traité du Bardo du 12 mai 1881, instrument instituant le protectorat de la France sur la Tunisie. Dans leur esprit, en redonnant vie à l'enseignement religieux à la Zitouna, à une date aussi chargée de symboles et ressentiments , il s'agit d'une revanche prise sur le passé et sur la France en particulier, responsable sinon coupable, de leurs avis, de l'introduction de l'enseignement public et républicain dans nos contrées,.
Dans ce cadre, et à titre illustratif, serait-il décent ou objectif de passer sous silence la diatribe fielleuse et revancharde de Moncef Ben Salem, Ministre de l'Enseignement Supérieur, à l'encontre de Bourguiba en le traitant de » Juif, sioniste, traitre, ennemi du peuple tunisien« . Cette envolée acide et teigneuse trahit la haine viscérale qu'éprouvent encore les islamistes envers Bourguiba, qui, de sa tombe, continue de narguer ses détracteurs.
Faisant valoir l'argument que le retour de l'enseignement religieux à la Zitouna n'est pas un substitut à l'éducation civile mais un complément, les promoteurs de ce projet semblent, par contre, beaucoup plus obsédés par l'idée de démanteler une œuvre de Bourguiba (redonner son lustre d'antan à la Zitouna) que par le souci de réformer le système éducatif dont l'état de délabrement est épinglé par tous les professionnels et les experts. Ces derniers estiment que le dégel de l'enseignement pose plus de problème qu'il n'en résout et qu'en dernière analyse, il n'apporte rien, bien au contraire, au système d'enseignement national, sinistré et inefficient. En outre, leur opposition s'articule autour des principaux griefs suivants :
- Coexistence, simultanée et contre nature, de deux types d'enseignement : Le premier moderne sous la coupe et l'autorité de l'Etat et le deuxième religieux échappant à tout contrôle, interdisant la mixité, d'où risque de dérive et d'endoctrinement.
- La décision de Bourguiba, qui était en prolongement du mouvement de réforme, était également mue par une autre considération éducative et pédagogique, à savoir, l'enseignement à la Zitouna était moribond, obsolète et peu attractif, avec des cours dogmatiques et des méthodes de travail archaïques (même les Cheikhs tunisiens se gardaient d'y inscrire leurs enfants, préférant les envoyer aux écoles publiques modernes). En quelque sorte, Bourguiba a sauvé la Zitouna de l'inéluctable déchéance.
- Le retour de la Zitouna dans le champ éducatif signifie la mise en place d'un clergé religieux, d'une justice parallèle et la précipitation de l'atomisation de l'unité nationale, faisant ainsi le lit de l'Etat théocratique ainsi que le dépérissement de l'Etat civil. A l'heure des nouvelles technologies de l'information et de la communication, ce genre d'enseignement constitue un grand pas en arrière, menaçant les acquis sociétaux de la Tunisie et les fondements de l'enseignement en Tunisie.
- Pour les islamistes, la réactivation de la Zitouna est d'abord un enjeu politique et idéologique, plus qu'un projet s'inscrivant dans un processus de refonte du système d'enseignement en Tunisie.
Dans son projet moderniste, à forte dimension sociale, Bourguiba n'était aucunement opposé à l'Islam, auquel il a toujours revendiqué son appartenance, son identité de tunisien et sa culture d'homme, mais essentiellement à la société traditionnelle. En fait, Bourguiba, en totale harmonie avec l'Islam tunisien, en a développé une lecture contemporaine, redéfinissant son rôle dans l'environnement social, culturel et politique tunisien. Conséquent avec soi-même, menant son combat à l'intérieur de l'héritage arabo-musulman et non contre lui, il ne pouvait forcément intégrer une niche traditionnelle et déliquescente, comme était la Zitouna à l'époque, dans son schéma de modernisation qu'il ambitionnait pour la Tunisie.
Le wahhabisme rampant :
Depuis plus deux siècles, la Tunisie a constitué une forteresse imprenable face aux assauts de la doctrine wahhabite. En effet, le rejet de cette ténébreuse doctrine remonte au début XIXe siècle (l'année 1810 plus exactement), quand le Bey Hammouda Pacha avait reçu une lettre d'Ibn Saoud et de Mohamed Ibn Abdelwahab l'appelant à rejoindre le mouvement wahhabite. Le Bey, comptant sur l'appui inconditionnel et éclairé des éminents théologiens de la Zitouna, notamment le Cheikh Ibrahim Riahi , a chargé les cheikhs de la grande mosquée de leur répondre. A coups d'arguments puisés dans la source même de l'Islam, ces derniers ont tranché la question et refusé cette doctrine qu'ils ont jugée extrémiste et dangereuse, en défaisant ainsi le socle et le fondement, sans appel ni sans concession. Depuis cette cinglante réponse, le mouvement wahhabite n'a pu percer et infecté la société tunisienne, hormis sur le plan individuel.
Paradoxalement, il a fallu que les tunisiens, mus par les idéaux de justice sociale et de liberté, se révoltent et jettent la dictature déchue à la poubelle de l'histoire pour que cette voix wahhabite, venue des bas-fonds d'un douloureux passé, s'infiltrent dans le corps national, tel un virus, et trouvent écho dans la société tunisienne. N'en déplaise à ses adversaires et autres détracteurs, la Tunisie a sa propre culture et son propre socle identitaire, basé sur une lecture éclairé de l'Islam. Et c'est là le nœud de l'affaire. La Tunisie est ciblée car différente, longtemps imprenable, imperméable et rebelle à la doctrine wahhabite.
Le bal des prédicateurs, dans leurs habits de prosélytisme féodal, relayé par des tunisiens en crise existentielle et spirituelle, n'a pas cessé, avec la connivence, voire la complicité du gouvernement. Ce revenant des sombres replis de l'histoire s'est greffé sur l'identité tunisienne et sur sa conception modérée et sociale de l'Islam pour semer l'exclusion, la brutalité, l'extrémisme et faire basculer une partie de la jeunesse tunisienne, désorientée, en mal de vivre, en quête d'idéal et de modèle, dans l'abîme de l'insociabilité, de la réclusion et de la violence. L'Islam tunisien, fait d'ouverture et de pondération, est menacé, outragé et voué aux pires gémonies. L'Etat tunisien, tel que la population l'a toujours vu, est également dans l'œil du cyclone. Un Etat hérétique à réduire en miette pour édifier sur ses décombres le Califat.
Mouvement radical, rigide et intolérant, la doctrine wahhabite, bien qu'opposée à toute forme d'entremise auprès de Dieu, même celle du prophète, cultive en quelque sorte une attitude de clergé. Les wahhabites s'affichent ouvertement comme détenteurs exclusifs de la vérité et de la quintessence de l'Islam. Réfléchir en dehors de leur moule est hérétique et passible d'agression. L'esprit wahhabite n'admet ni pensées critiques ni penseurs libres, il ne vit que de ses propres dogmes et de son extrême orthodoxie. Pour la doctrine wahhabite, le monde musulman succombe à une néo-préhistoire (jahiliya jadida) et, à ce titre, doit être ré-islamisé par la force, la violence, en quelque sorte par la guerre sainte (Jihad).
En tout état de cause, l'histoire tunisienne enseigne que, depuis l'antiquité et jusqu'à nos jours, les tentatives d'inoculer le virus confessionnel ou de semer les germes de la sédition religieuse n'ont pas fait long feu. La constante de modération, de tolérance et d'ouverture a toujours constitué un pilier caractéristique de la personnalité de notre pays, qui a toujours refusé, entre autres, l'extrémisme dans toutes ses formes et manifestations, qu'elles soient d'ordre politique ou religieux.
Par conséquent, la doctrine wahhabite s'est cassé les dents sur les murailles de la Tunisie depuis plus de deux siècles, et ce n'est pas aujourd'hui, dans ce contexte révolutionnaire, qu'elle peut réussir à mordre à pleine dent dans le corps tunisien. Econduits, aplatis et laminés naguère par des arguments cinglants puisés dans le terreau de l'Islam, les wahhabites et leurs laquais et valets de service, qui n'ont jamais été des hommes de dialogue mais des partisans de la terreur, tentent aujourd'hui de nous forcer la main par la violence, le prosélytisme et le terrorisme intellectuel, physique, moral et matériel. Ils ne passeront pas !
Nombre de tares minent le système éducatif tunisien. La situation s'est aggravée après la révolution. L'enseignement républicain, citoyen et moderne est devenu le parent pauvre de la Tunisie nouvelle. Les vélléiétés d'en remodifier les structures sont légions et rivalisent d'initiatives de sape. Des voix caverneuses s'élèvent, ci et là, pour détricoter le tissu éducatif, tout simplement parce qu'il s'agit d'un héritage de Bourguiba et non parce qu'il nécessite une refonte en règle. Il n'est aucunement question de poursuivre le mouvement de réforme dont la Tunisie a toujours été le théâtre mais de rompre avec lui.
De part sa capacité à former, à inséminer, à imprégner et à cloner les esprits et les mentalités, l'enseignement est maintenant relégué au rang d'outil pour instrumentaliser la masse. Il n'est plus qu'un enjeu politique et idéologique. S'approprier le système éducatif est le meilleur moyen de garantir l'allégeance des générations futures, désormais acquises à la cause, de préparer la société à la relève islamiste et de poser les fondements d'un nouvel Etat, à forte densité théocratique. Il est bien connu que l'école est le premier lieu de formatage.
A cet effet, les initiatives et les appels ne manquent pas, et qui, quoique à contre-pied du mouvement de l'histoire et du sens de la modernité, s'inscrivent dans une démarche visant à poser les premières pierres d'un Etat théocratique, incompatible avec le creuset socioculturel et le socle identitaire de la Tunisie, toutes couches sociales confondues.
- Le dégel de l'enseignement religieux à la Zitouna et le risque qu'il fait courir sur l'unité, la modernité, la mixité et l'accessibilité du système éducatif (voir plus haut).
- Revendication de changer les jardins d'enfants en écoles coraniques, outre la prolifération de ces dernières depuis l'arrivée au pouvoir d'Ennahdha.
- L'échec et l'abandon scolaires, deux défaillances majeures du système éducatif tunisien, ont vu leur taux empirer depuis la révolution (100.000 abandons au cours de l'année 2012-2013 dans les écoles primaires et secondaires), sans compter les disparités et les inégalités, de plus en plus flagrantes, entre les genres, les catégories sociales et les zones régionales. L'accès à un enseignement de qualité, équitable, inclusif et universel n'est plus garanti.
- Sous couvert religieux, certains illuminés prônent l'interdiction de la mixité et incitent les parents, notamment des familles démunies, à déscolariser leurs filles. Tout au plus, celles-ci sont autorisées à fréquenter uniquement les écoles coraniques.
- La démocratisation de l'accès à l'enseignement, pilier de l'œuvre de développement humain de Bourguiba est aujourd'hui, plus que jamais, menacée par d'autres formes d'enseignement notamment à caractère religieux. Le souffle séculier étant pourchassé.
- Le grand nombre des jeunes chômeurs diplômés est symptomatique d'un mal profond rangeant le système éducatif tunisien et traduit un net déséquilibre entre l'enseignement universitaire et le marché de l'emploi. L'absence d'une véritable indexation pénalise aussi bien le système éducatif, notamment universitaire, que le l'appareil économique.
Une main basse sur l'éducation et sur l'enseignement traduit un triste constat et à une amère réalité.
L'Etat n'est plus l'unique et légitime détenteur de la violence, n'est plus l'appareil répressif exclusif, d'autres forces se démènent, souvent dans l'obscurité et l'impunité, voire dans la complicité, pour lui contester ses fonctions premières (Sécurité, justice, territoire,....) et d'agir comme groupes investis par un destin régalien. L'espace public et social, notamment dans les zones d'ombre, les quartiers difficiles, les bandes de non-droit, où l'Etat n'est pas trop présent, pâtît de stigmates jusqu'ici inconnus : La police parallèle, la flicaille sur la conscience, sentinelle d'un nouvel ordre moral imposé, le vigilantisme (auto-justice, exercice de la loi sans aucun mandat et aucune légalité).
Ce nouvel Etat dans l'Etat s'implante sur le plan local en substitution de l'autorité publique, devant , par la force des choses, un acteur de la vie socioéconomique ( fourniture de cours de soutien scolaire, mise à disposition de quelques formes d'aide sociale, règlement des différends de voisinage, gestion des problèmes et conflits d'ordre local, insertion dans l'économie informelle, ....). Louables actions diraient certains ! Sans doute si ces services sont accordés non dans une quête effrénée de remplacement de l'Etat et de prosélytisme et de dogmatisme religieux, mais dans une démarche de partenariat avec l'appareil de l'Etat et dans une logique participative associative.


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