Les tunisiens ont été secoués hier soir (pas tant que çà, d'ailleurs) par les nouvelles venant du front de la guerre contre le terrorisme, du côté du Chaâmbi. Les tunisiens ont été interloqués ce matin, en apprenant au compte goutte l'ampleur du désastre et de la tuerie qui a fauché bien plus que les deux martyrs annoncés la veille. N'empêche que la vie a repris, insensiblement son cours normal, avec la tournée des étalages à la sortie des bureaux, où on avait savouré un bon somme, pour récupérer d'une veillée assez tourmentée la veille. Tourmentée par la tournée des boutiques de prêt à porter, à la recherche des habits de l'aïd pour les enfants. Ensuite çà a été l'habituelle course en automobile, et c'était à qui ferait montre de plus de maladresse et de méchanceté gratuite envers les autres. Puis vint le moment de la sacrosainte sieste, qu'il n'était pas question de rater sous aucun prétexte... Et puis après ? Que va-t-il se passer ? Comment va réagir le pays à cette tragédie ? Quel impact aura-t-elle sur le cheminement déjà par trop chaotique de la transition politique ? En fait, nul besoin d'autant de questions, ni d'autant d'appréhension, puisque la réponse du paysage politique du pays est devenue, maintenant après tant de catastrophes, archi-connue. Ce qui va se passer, est très simple, et aveuglant à force d'être prévisible. Nous allons avoir droit à une multitude de plateaux TV, garnis de personnalités qui ne semblent aucunement fatiguées de toujours distiller les mêmes insipidités à leurs concitoyens. Les plus prompts ont déjà envahi les studios des radios pour crier les slogans de toujours, comme quoi, il va falloir descendre dans la rue... Il va falloir dissoudre l'ANC... Il va falloir demander des comptes aux membres du gouvernement... Il va falloir revoir çà dans le cadre du sacré dialogue national... Puis, et très rapidement, Ramadan oblige, les gens vont se désintéresser de « la chose », et repartir à leurs occupations habituelles. Ensuite, on va se rendre compte qu'on avait raté le premier acte de l'opération de préparation aux élections. Et çà va repartir de plus belle, en criant à qui mieux-mieux au complot... Finalement, quelques vieux sages vont avoir la brillantissime idée de calmer les ardeurs avec une vitrine, pas encore usée, d'un simulacre de dialogue national, avec des coulisses d'intrigues et de jeux de coalitions et de contre-coalitions, qui vont se jouer dans les salons feutrés des palaces... Finalement, et passant outre tout çà, « on » va décider de continuer sur le « droit chemin », en décidant d'investir l'ANC de prérogatives législatives plus élaborées, au nom de la sacro sainte peur du vide constitutionnel. Le gouvernement continuera à faire sa sombre tâche commandée de par delà les mers et océans, et comme il ne sera plus question d'élections ou de toute autre opération « inutile », on va trouver un terrain d'entente pour désigner un président consensuel (décidément, depuis le temps qu'on nous rabâche les oreilles avec çà), et peut-être même qu'on reconduira Marzouki au même poste, puisqu'il joue si bien son rôle, et puisque çà plairait à nos amis du Qatar. Et pour le reste, nous disposons toujours de quelque cinq cent kilomètres de côtes, comme l'a dit quelqu'un. Donc, en théorie, nous n'aurons pas de problèmes notables pour boire de l'eau de mer !