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Charlie Hebdo : « On a vengé le prophète » ont-ils crié. De quel prophète s'agit-il ?
Publié dans Tunisie Numérique le 09 - 01 - 2015

« On a vengé le prophète » ont-ils crié après avoir assassiné d'une manière lâche et froide douze personnes dont l'unique crime est leur impertinence, leur parodie et leur traitement au vitriol de l'institution religieuse, entre autres sujets traités ou plutôt maltraités. Des hommes d'art, de lettres et de culture, qui militent, par la caricature et le verbe, contre l'injustice, l'inégalité et l'impérialisme de quelque nature qu'il soit. Leurs seules armes sont leurs crayons, leur conscience est dans leur gomme, leurs couleurs sont les miroirs de leurs convictions. Là où ils ont fait couler l'encre, les barbares ont fait couler le sang. Quand ils utilisaient leur plume, les barbares dégainaient leur revolver. Quand ils crachaient leurs mots acides comme des coups de fusils, les barbares tiraient, à profusion, à bout portant sans un mot. Là où ils chantaient la vie, les barbares semaient la mort.
« On a vengé le prophète » ont-ils crié. De quel prophète s'agit-il ? Le prophète, messager de Dieu, homme de foi et de compassion, est dans un rang tellement élevé, au firmament de l'esprit et de l'histoire, dans une position tellement inaccessible pour être affecté par une caricature aussi acerbe et outrageuse qu'elle soit. Vouloir le venger c'est le descendre des hauteurs spirituelles, le ravaler au niveau de l'engeance humaine et lui ôter toute sacralité. Si le prophète, n'importe quel prophète, existait aujourd'hui, Charlie Hebdo en main, il aurait esquissé un sourire tout aussi moqueur, placé quelques pieuses paroles. Il aurait peut-être mal pris la chose mais sans se départir de sa quête de convaincre, de prêcher et de montrer le droit chemin. Jamais il n'aurait chopé un flingue pour punir ou un sabre pour décapiter ses contradicteurs aussi insolents qu'ils soient.
« On a vengé le prophète » ont-ils crié. Si les barbares se référaient au prophète Mohamed, ils auraient du d'abord s'inspirer de son exemple, suivre sa trace, assimiler sa conduite. A l'aube de l'Islam, le prophète Mohamed a subi les pires offenses, sans commune mesure avec ce qu'un simple dessin peut signifier, il n'a jamais réagi dans la violence, dans l'excès, dans la vengeance, dans la haine. Bien au contraire, toute la Sounna témoigne de sa modération, de son sens pratique, de sa lucidité et de sa mesure. A la conquête de la Mecque, le prophète Mohamed a pardonné à tous ses détracteurs et autres adversaires, les protégeant de tout réflexe de revanche, leur accordant la liberté et la sécurité. Donc, quel prophète les barbares ont-ils invoqué ? En aucun cas le prophète Mohamed. Il est innocent de leurs crimes et de leurs arguments. Ils se sont lourdement trompés de mentor. Jamais le prophète Mohamed n'aurait accepté que le sang fût versé en son nom, même pour le venger d'un pire ennemi. Que dire alors quand il n'est question que de mots et de figures !!
« On a vengé le prophète » ont-ils crié. Au-delà de sa légalité et de son mobile, l'idée de vendetta repose, par définition et par essence, sur la double notion de crime établi et de proportionnalité de réaction. Est-ce le cas ?! Loin s'en faut. La ligne éditoriale abrasive de Charlie Hebdo vaut ce qu'elle vaut, on aime ou on n'aime pas. Mais de là à perpétrer un carnage dans les locaux d'un journal que rien ne justifie sauf la folie meurtrière des coupables, il n'y a qu'un pas, un grand pas, un vaste fossé à vrai dire, que les « fous de Dieu », otages de leur haine aveugle et de leur déni de la vie humaine, ont sombrement franchi, pour s'écraser certainement tout droit sur le mur de l'insondable rancune et de la non moins insoutenable notion de néant. Autrement dit, les barbares n'ont rien vengé, ils ont tout simplement commis un crime tout aussi gratuit qu'odieux, une exécution en règle, sommaire et fourbe, sans toute autre forme de procès que leur abîme de ressentiments et d'égarements. Ont-il saisi que Seul Dieu juge les intentions et les consciences. La justice humaine, même de la jungle, ne se prononce que sur les actes tangibles. Mais les barbares n'en ont cure ! Comme les charognards, tapis dans l'ombre et la veulerie, ils ne se nourrissent que de leur lâcheté. Et encore, l'animal ne tue pas par volonté de représailles mais par instinct de survie.
« On a vengé le prophète » ont-ils crié, reprenant, haut et fort, « Allahou Akbar ». Dans les yeux vitreux de tels criminels, aucun Dieu n'est grand, aucun Dieu ne veut y voir à ce point rabaissée son image pure, transcendante et impénétrable. Un Dieu cautionnant le crime le plus abject n'est pas un Dieu, mais un funeste complice, les mains tout aussi sales, un diable sourd et muet. Ce jour, le Dieu de l'Islam, le prophète de l'Islam et le peuple de l'Islam sont en colère, à la renverse, saignant de toute part. Quelque part, on les a tués aussi. Aujourd'hui, les barbares n'ont pas « tué Charlie Hebdo« , comme ils voulaient se convaincre, ils ont assassiné, encore une fois, la énième fois le Dieu de l'Islam, le prophète de l'Islam et le peuple de l'Islam. Ils n'ont pas « tué Charlie Hebdo« , ils ont souillé le Coran. Ils n'ont pas massacré dix hommes deCharlie Hebdo (outre les deux policiers), ils ont abattu les dix compagnons du prophète Mohamed promis au paradis.
« On a vengé le prophète » ont-ils crié. Le prophète de l'Islam ?! L'Islam n'a jamais été aussi manipulé, aussi défiguré et aussi accusé. L'histoire enseigne que l'Islam a été beaucoup plus desservi par ses partisans que par ses ennemis. Le Coran a été beaucoup plus manipulé par ses défenseurs, pour servir un intérêt personnel, un caprice du prince ou une raison d'Etat, que déformé par ses adversaires. L'Islam aurait aujourd'hui toute autre presse si ses théologiens avaient soumis le Coran à une lecture historique, sociale et moderne. Malheureusement, ils étaient en quelque sorte coincés dans une triple position, juges, parties et bourreaux, d'où cette lecture figée et non moins egocentrique. Comble du paradoxe : Plus de 14 siècles après, l'esprit et la pratique du prophète Mohamed sont aujourd'hui beaucoup plus révolutionnaires que la posture réactionnaire de nombreux musulmans. Le prophète Mohamed est l'exemple mais malheureusement son esprit n'a pas été suivi, sa quête de secouer la société dans une perspective historique est restée lettres mortes. On le vénère mais on ne suit pas son enseignement, d'où défiguration de l'image de l'Islam.
»On a vengé le prophète » ont-ils crié. La communauté musulmane doit assumer ses responsabilités, se faire violence pour pouvoir s'immuniser définitivement de sa gangrène. Et l'Islamisme extrémiste, comme toute gangrène, ne se guérit qu'à l'amputation. L'Islam est malade de ses terribles enfants, toujours en posture victimaire et vindicative, éblouis par le néant. La terre d'Islam souffre de cette herbe sauvage, de ce pédoncule contre-nature dans le corps, excroissance doctrinaire et sectaire que les musulmans regardent grandir et à la quelle ils peinent à identifier l'antidote culturelle. La « Grande Discorde » est encore en nous, sapant nos bases et fragilisant notre système de défense. Les Kharijites de l'ère moderne s'en nourrissent et en envahissent les brèches, les pires dogmes en bandoulière et les armes affutées de la sédition plein les mains. Aujourd'hui, plus que jamais, le véritable débat n'est nullement sur le patrimoine de l'Islam mais au sein même de ce patrimoine. Les écrits classiques et les corpus des exégètes ne sont pas un héritage immuable et intouchable, mais un patrimoine à réinterroger, à faire évoluer et à épurer de ses pesanteurs anachroniques et archaïques.
« On a vengé le prophète » ont-ils crié. L'humour abrasif et la réplique irrévérencieuse n'ont jamais tué personne, encore moins un prophète. L'Islam, fort de quinze siècles de conquête, de civilisation et d'apport à l'humanité, ne peut être réductible à sa frange fourvoyée. Le cœur de l'Islam pétille d'humanisme et de tolérance. Aucun mot, même le plus injurieux, aucun acte, aussi sulfureux qu'il soit, ne sont en mesure de corrompre son message et son fondement. Alors pourquoi voir une guerre contre l'Islam là où il y impérialisme, là où il y a enjeu géopolitique ou économique, là où il y a guerre de leadership mondial, c'est trop réducteur, c'est une simple vue de l'esprit. Pourquoi accuser l'Autre de mépriser l'Islam quand certains de ses adeptes, ou plutôt présumés adeptes, qui en fait n'en connaissent rien, en donnent une image aussi méprisable. L'Islam fait aujourd'hui peur car, d'abord dans son camp, et en son nom, on a commis les pires atrocités, et ensuite dans l'autre camp, la tentation de l'amalgame et le refus de comprendre ont élevé un écran de fumée et de rejet. De part et d'autre, on veut opposer l'Occident à l'Islam. Comment peut-on, autant théoriquement qu'empiriquement, opposé une région géographique à une religion ?!
« On a vengé le prophète » ont-ils crié. Qui a insinué que prophète Mohamed a besoin d'être vengé ? Qui est l'auteur de cette Fatwa ? Qui a dit que l'Islam est à ce point menacé pour que les hordes sauvages, minorité ténébreuse issue de son peuple, s'improvisent sauveurs de la religion et sortent, au nom de l'Islam et de tous les musulmans, leur glaive rouillé et féodal pour multiplier les exactions et les boucheries en guise de riposte. L'abus et l'arbitraire pour unique vision. Ce sont les musulmans, du moins sa partie d'illuminés, qui ont fait de l'Islam une terreur, une menace, un ennemi. Nul doute qu'à travers le monde il y a ceux qui ont attisé le feu mais faut-il qu'il y ait un foyer d'abord. On ne souffle pas sur des cendres froides ou des charbons sans vie. Le réflexe d'amalgame l'emporte sur la logique de clarté et de distinction. On croit sauver sa culture et son siècle en soufflant sur le feu du rejet de l'Autre et du repli sur soi. L'identité, quel qu'en soit son ancrage, n'est pas un naufrage mais une source de richesse et un lac de paix. L'islamophobie, dont la société européenne, et particulièrement française, bruit et se divise, est une infirmité culturelle que les musulmans nourrissent au même titre que leurs adversaires. A certain niveau d'abstraction, l'islamophobie est d'abord un enfant incestueux de la communauté musulmane avant d'être le mauvais rejeton de l'autre.
« On a vengé le prophète » ont-ils crié. Ils ont vengé l'ignorance et la vacuité. Il s'agit de crime contre la culture, contre l'humanité, contre la liberté d'expression, de pensée et de conscience. Le pire crime qui soit. Les fusils n'ont jamais gagné une bataille intellectuelle, bien au contraire. Nées libres, les idées le restent, elles survolent les générations et les époques, n'en déplaise aux pourfendeurs de la pensée critique. Les factions djihadistes abhorrent les idées, ils n'en ont pas. Pour eux, toute volonté de penser autrement l'Islam, de lire le Coran derrière une grille historique et sociale et d'interroger l'héritage musulman en dehors des canons d'interprétation traditionnellement consacrés, est considéré comme une velléité de désacraliser la parole divine, de souiller l'Islam et d'atteindre au sacré. Au nom de l'Islam, ils ont nourri la peur et le rejet. Ils ont fait de l'Islam un épouvantail. Ils ont usé de tous les syllogismes, même les plus tordus, pour emmurer le musulman dans un modèle figé duquel il n'a pas le droit de sortir, sous réserve d'être égorgé ou brûlé vif.
« On a vengé le prophète » ont-ils crié. Ils n'ont pas supprimé Cabu, Wolinski ou Charb (pour ne citer que les plus illustres parmi les victimes), ils ont tué en nous, nous autres musulmans, la fierté d'être musulman, la force de défendre l'Islam et la foi en sa splendeur. Ils ont bafoué, en nous, l'idéal de liberté et le sens de l'art, ils ont étouffé, en nous, l'épopée de notre civilisation, notre dignité d'homme et notre quête d'affranchissement. Ils n'ont pas tué Cabu, Wolinski ou Charb, ils ont fait d'eux des héros, des légendes et des dieux. Ils n'ont pas réduit au silence Cabu, Wolinski ou Charb, ils leur ont donné une voix plus assourdissante, plus humaine et plus révoltée. Leur tombe n'est pas leur dernière demeure mais un point de ralliement, un centre de gravité, un sanctuaire, un repère de pèlerinage. Ils sont poursuivis par les assiduités de la postérité et du mythe alors que leurs criminels sont pourchassés par la police, comme des rats, traqués par la justice, assiégés par la mémoire.
« On a vengé le prophète » ont-ils crié. Les « Allahou Akbar » des barbaresprennent aujourd'hui la tonalité de la parjure, de la trahison et de l'hérésie. Les terroristes n'ont ni Dieu ni religion ni patrie ni race. Ils sortent des interstices de notre ignorance, des trous de notre humanité, des recoins de notre repli, des serrures pourries de notre porte, des volets mal fermés de notre fenêtre, des bruits de nos bottes, des chevilles de nos femmes et même des jouets de nos enfants. Ils mangent dans les mains de nos conflits, s'abreuvent des larmes de notre altérité, se drapent de nos feuilles de vigne, se tapissent dans les zones d'ombre de l'évolution, aux aguets de nos moindres faux pas pour bondir, brandir leur haine et poignarder l'humanité dans le dos.
« On a vengé le prophète » ont-ils crié. La nébuleuse djihadiste crie victoire comme si un meurtre lâche et hideux peut être assimilé à une apothéose. On ne triomphe point dans la bêtise. Attaquer le temple de la liberté, en tuant ses gardiens, n'est nullement un trophée. Si les criminels avaient deux neurones en état de marche, ils auraient compris qu'aucune balle ne peut venir à bout d'une pensée, d'un verbe ou d'un rêve et que l'esprit est immortel, un bastion imprenable, même attaqué de toutes part. Les hommes peuvent tomber dans le champ d'honneur de la liberté, mais jamais leur cause ne tombe. S'entêter à frapper le symbole est une attaque insensée dont seul un esprit déraciné et haineux est capable. C'est une guerre vouée à l'échec. Même si on parvient à faire taire la voix, jamais on n'arrive à faucher la pensée. Là où Cabu, Wolinski ou Charb étaient tombés, mille et un arbres ont poussé, dans leur sang versé le cœur de toute l'humanité bat. Là où Cabu, Wolinski ou Charb étaient tombés, ont fleuri mille et une perspectives, l'histoire a tressailli, un jour étincelant de promesses s'est levé. Les criminels leur ont offert l'éternité là où ils ont cru leur arracher la vie.
NB : Texte écrit avec beaucoup de douleur et de ressentiment. C'est un bouquet de sanglots. Je ne sais si je dois présenter mes condoléances ou en recevoir. J'ai grandi avec les coups de crayon, de plume et de gueule de Cabu et Wolinski, en particulier, je leur dois beaucoup. J'ai quelques uns de leurs livres. Ma bibliothèque est aujourd'hui plus triste que jamais. C'est aussi mon deuil. Une partie de moi-même est enterrée avec eux. Sans les connaitre qu'uniquement à travers leurs audacieux dessins, leurs féroces facéties, leurs cinglants mots, leurs brûlots de satire, j'ai aujourd'hui le sentiment déchirant et non moins confus d'avoir perdu des amis, des compagnons de route. Des hommes de cœur et d'art, humanistes jusqu'au bout des ongles, brandissant leurs crayons comme des fusils de combat et élevant la voix comme un cri de guerre, qui ont mené tambour battant, toute leur vie durant, une bataille sans merci contre toute forme de racisme, d'impérialisme et de haine. Les « insolents », journalistes militants devant l'éternel, ne sont morts que pour ceux qui croient que la pensée est mortelle, que la pistolet peut faire taire les mots et qu'une rafale peut réduire au silence le cri de cœur ou de raison, le chant des hommes libres ou l'appel des révoltés.
Bande de joyeux drilles, bravo, merci et adieu. Ils ne passeront pas !


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