Houcine Abassi, Secrétaire Général de l'UGTT, multiplie les sorties acides ces derniers temps notamment à l'égard de ses principaux partenaires au Dialogue National. Il n'a de cesse de leur taper sur les doigts (et les nerfs), quitte à employer un langage au vitriol. La lune de miel n'est plus qu'un lointain souvenir. On aurait dit qu'il se démène, la sensibilité à fleur de peau et le sabre de l'invective à la main, pour montrer qu'il est le premier de la classe dans une école de cancres et qu'il est beaucoup plus soucieux que quelconque partie de l'intérêt national, du devoir de vérité et de l'ordre de priorités des tunisiens. Il s'improvise porte-parole de la population en entier. Il lance des critiques à peine voilées contre le gouvernement Habib Essid, qui, de son avis, traite la situation économique dune manière « réactionnaire et désinvolte », ne fait rien pour la justice fiscale et la lutte contre la corruption et articule sa politique sur une logique d'endettement sans établir un nouveau modèle de répartition de la richesse dont les tares sont criardes. A ses yeux, ces choix sont de nature à installer « un chaos social incontrôlable ». Il s'appui sur le blocage actuel des négociations salariale dans le secteur public pour fustiger le manque de sérieux du gouvernement. Il brandit la menace rampante d'une seconde révolution, sur fond de mouvement social et de crise économique, épouvantail qu'il agite, convaincu que les signes prémonitoires en sont patents et que la Tunisie, en plein désordre à tout point de vue, est au bord d'une nouvelle rupture et risque, à tout moment, l'implosion, voire l'insurrection. Il épingle sévèrement l'UTICA, considérée presque comme un nid de prédateurs, dont les hommes d'affaires, du moins la bonne part, figés dans leur tour d'ivoire, pratiquent l'évasion fiscale, écrèment les privilèges et œuvrent, tels des rapaces, à s'approprier les fleurons des établissements publics à travers la privatisation. Pour Houcine Abassi, ce système de faveur consacre la paupérisation, viole les droits des ouvriers, au mépris du code du travail et de la constitution. Des piques acerbes contre lesquelles le patronat s'est déclaré vivement indigné et dont l'impact sera de nature à faire tort à la paix sociale et au respect de la loi. En résumé, et sans remettre en cause, en totalité ou en partie, l'analyse de Houcine Abassi, n'ayant pas tort sur divers points, il y a lieu de s'interroger sur le timing de tels propos et sur le mobile de ce ton acerbe employé, qui contraste un peu avec l'enjeu social présent. En tout cas, la question, qu'elle soit pertinente ou non, s'impose d'elle-même. D'aucuns estiment que l'entente au sein du trio, gouvernement / UGTT / UTICA, faisant bloc derrière un projet de relance et un mode de développement et de gouvernance, inscrits dans un cadre et une perspective de justice, d'égalité et d'équilibre, sont tout autant de leviers, garants d'un avenir meilleur pour tous les tunisiens, sans exclusive ni disparité ni clivage. Toujours est-il que personne n'a le monopole de l'amour ni le droit de distribuer, à la tête du client, les certificats de patriotisme.