Petit rappel de l'histoire Tout d'abord essayons de comprendre le problème et de parcourir ce qui a été relaté dans les médias. Le 9 février 2011, un accord a été signé entre le syndicat des PTT, le PDG de Tunisie Telecom par intérim, le Secrétariat d'état des technologies de la communication et l'inspection du travail. Cet accord de 12 articles, dont la valeur juridique est contestée par le partenaire stratégique Emirati de Tunisie Telecom , comprend le fameux article 10 qui stipule l'arrêt du travail d'une catégorie d'employés de Tunisie Telecom dits les contractuels qui touchent des salaires au dessus de la grille salariale stipulée par le statut de la société et de n'en garder éventuellement qu'un certain nombre d'entre eux jugés comme des compétences rares. Une déferlante d'articles et de discussions dans les réseaux sociaux, s'en est suivie et ces fameux contractuels se sont vus traiter de tous les noms : « mercenaires », « Agents de Ben Ali et des Trabelsi », « profiteurs d'emplois fictifs pour servir les intérêts des familles » « symboles de la corruption » et j'en passe et des meilleures. Les salaires de ces personnes ont été étalés sur la place publique, leurs fiches de paies partagées sur les réseaux sociaux, leurs parcours académiques et professionnels déformés ensuite médiatisés, leur honneur et intégrité bafoués sans que ces derniers ne réagissent. En bons soldats, les contractuels ont respecté le souhait de leur Direction générale de se taire afin de ne pas polluer le débat et trouver une issue à ce problème. Le résultat malheureux de cette affaire c'est que la Direction générale a sorti un petit communiqué de presse qui s'est vite noyé dans la masse et l'opinion publique s'est vite imprégnée des propos diffamatoires circulant sur Internet et dans les médias. L'objectif de cet article comme mentionné précédemment c'est d'essayer un tant soit peu de rétablir certaines vérités et donner à l'opinion publique une autre vision des faits pour pouvoir se faire une idée plus claire du sujet. Qui sont ces contractuels et pourquoi ils sont là ? En 2006, Tunisie Telecom a ouvert 35% de son capital et s'est associé à EIT (Emirates International Telecommunications) en tant que partenaire stratégique et actionnaire de la société. Selon le pacte d'actionnaires, le partenaire stratégique avait de fait 3 postes clé dans l'entreprise, le poste de DGA, de Directeur Commercial et de Directeur Financier. Le partenaire stratégique souhaitait enrichir le patrimoine déjà riche en ressources humaines de Tunisie Telecom par des compétences tunisiennes qui ont évolué dans le domaine des télécommunications mais aussi d'autres métiers, avec des expériences nationales et internationales et des formations académiques pointues : ingénieurs des grandes écoles françaises et tunisiennes, gestionnaires, experts comptables, docteurs ... L'objectif était de dynamiser l'activité de Tunisie Telecom et l'enrichir avec des expériences diverses et variées sans pour autant dénigrer ses compétences qui ont participé à faire de Tunisie Telecom le premier opérateur intégré du pays. Afin d'attirer ces compétences qui évoluaient dans des entreprises privées et donc avaient un autre niveau de prétentions salariales et face à la rigidité du statut du personnel de Tunisie Telecom , un nouveau cadre de recrutement a été crée qui était celui des contractuels. Reconnaissant aussi que Tunisie Telecom regorgeait de compétences et de hauts potentiels, certains cadres statutaires de Tunisie Telecom se sont vu proposer ce nouveau statut et l'ont accepté. Malheureusement, la procédure n'a pas été menée à terme ce qui a pu créer une certaine frustration auprès de certains potentiels qui n'ont pas été concernés par cette procédure. Qu'en est-il des salaires mirobolants des contractuels ? Les contractuels ont été débauchés d'entreprises privées tunisiennes et de multinationales. Certains ont dû rentrer de l'étranger et renoncer à des salaires plus importants pour intégrer Tunisie Telecom. Ces salaires sont d'ailleurs inférieurs à ceux pratiqués par Tunisiana et Orange Tunisie et d'autres entreprises privées en Tunisie, malgré la précarité des contrats à durée déterminée qui dans toute logique économique justifierait des montants supérieurs. Des contractuels bac + 3, jardinier et caissière à carrefour ? On atteint là le summum de la déformation d'information et de la diffamation. Les contractuels ont suivi des parcours académiques de haut niveau. Parmi eux on retrouve des ingénieurs des grandes écoles françaises et tunisiennes, gestionnaires, experts comptables, docteurs etc. La « caissière de carrefour » est en fait une gestionnaire qui a travaillé chez carrefour et a été chef de projet pour mettre en place tout le système d'information de carrefour. Le « jardinier » est en fait ingénieur avec 11 années d'études supérieures et qui a aussi enseigné dans plusieurs institutions universitaires nationales et internationales Les soit disant bac +3 ou techniciens supérieurs sont des maitrisards et des docteurs. Les contractuels, j'en suis sûr, seront prêts à partager leurs CV sur la place publique s'il le faut. Les contractuels, les Trabelsi et le clan Ben Ali En plus des salaires « mirobolants » qu'ils touchaient, les contractuels se sont fait traiter de tous les noms : agents des Trabelsi, agents du Clan Ben Ali, symboles de la corruption, ... Or, si les Trabelsi ou les Ben Ali ont des affaires louches avec Tunisie Telecom, il est impensable qu'ils aient attendu vingt ans avant de s'attaquer à Tunisie Telecom. Il est inimaginable que Tunisie Telecom soit exempte de corruption avant l'arrivée des contractuels. La corruption est un fléau national voire international et n'a aucun lien de cause à effet avec les contractuels. Si mal il y a, il a existé avant et après les contractuels. D'ailleurs au lieu de s'attaquer à l'honneur et l'intégrité des personnes en les diffamant ceux qui ont des doutes n'ont qu'à s'adresser à la justice qui punira les coupables et absoudra les innocents. Les contractuels, est-ce vraiment le cœur du problème de Tunisie Telecom ? Tous les projecteurs ont été braqués sur le sujet des contractuels alors que le problème de fond de Tunisie Telecom est ailleurs. La vraie question concerne le statut du personnel de Tunisie Telecom qui est inadapté au contexte concurrentiel actuel et qui devrait subir une refonte complète afin de s'aligner aux contraintes du marché. Quoi maintenant ? Alors que le Président directeur général de Tunisie Telecom promettait qu'il n'y aurait aucun licenciement, voilà que le 25 Avril 2011, un nouvel accord entre M. le PDG et le syndicat est signé et qui annonce l'arrêt de 50 contractuels sur 60 d'ici le 9 Mai 2011. Six parmi ces contractuels ont déjà été suspendus pour abandon de poste et 44 devraient suivre d'ici le 9 Mai. Sous la menace des Sit-in et des grèves, la solution de facilité est bien évidemment de donner les contractuels en boucs émissaires plutôt que de s'attaquer au fond du problème et adresser les problèmes structurants. En cédant aux menaces du syndicat et en se mettant à dos son partenaire stratégique, Tunisie Telecom crée un précédent grave qui risque de mettre en péril la pérennité de l'entreprise, et de nuire aux conditions d'investissement en Tunisie. Pour conclure, En tant que citoyen, bientôt quatre mois après la révolution, il est crucial de se poser des questions de fond : - Sur le rôle du Syndicat qui se bat pour licencier et mettre au chômage 60 personnes et mettre 60 familles en difficulté financière ? - Sur le réel agenda d'un PDG qui licencie abusivement sans aucune raison justifiée des employés dont l'entreprise a besoin, et va dépenser des sommes importantes pour les indemniser alors qu'il aurait pu allouer ces sommes pour augmenter les salaires des statutaires. - Sur le rôle de l'Etat et de ses représentants qui ferment les yeux sur des accords illégaux et laissent les haines s'attiser et détruire les entreprises fleurons de l'économie tunisienne ? Abandonnés par le syndicat, par notre PDG et par l'état et ses représentants, qui va nous protéger maintenant ?