Après la Tunisie et l'Egypte, l'Algérie ? Bien qu'interdite par le pouvoir, une grande manifestation est prévue aujourd'hui à Alger. La Coordination nationale pour le changement et la démocratie appelle les Algériens à manifester ce samedi dans la capitale. Le gouvernement a interdit la manifestation, mais les organisateurs sont décidés à passer outre. Ce mouvement de colère fait suite aux violentes manifestations qui avaient fait cinq morts en Algérie au mois de janvier. Depuis, la tension n'a pas baissé, à Alger comme dans le reste du pays. Manifestations, grèves se succèdent sans que le gouvernement ne cède de terrain. L'annonce de la levée de l'état d'urgence, instauré en 1992, a été la seule concession faite par le pouvoir. Les quelques mesures destinées à réguler les tarifs des denrées alimentaires n'ont pas relevé le moral des plus pauvres. Une trentaine de personnes se sont immolées par le feu ces dernières semaines. La semaine passée, un agent de sécurité de Staouéli a été sauvé de justesse par un collègue alors qu'il venait de s'asperger d'essence ainsi que sa fille lourdement handicapée. Interrogé par le quotidien El Watan, il a expliqué ainsi son geste : « Je brûle de l'intérieur, et l'enfer, j'y suis déjà ! » Travailleur précaire, il attend en vain une titularisation depuis des années. 250 avocats et des dizaines d'associations ont appelé à la grève de ce samedi à Alger. Des manifestations devraient également se tenir dans d'autres villes algériennes. Cette semaine, à Alger, plusieurs mouvements de protestation ont été organisés. Tous ont été bloqués par les forces de l'ordre, que ce soient les manifestants qui voulaient se rendre devant l'ambassade d'Egypte ou les chômeurs réunis devant le ministère du Travail. Le gouvernement a mobilisé de très nombreuses forces de sécurité depuis plusieurs semaines dans la capitale. Elles seront encore plus nombreuses ce samedi. « Le pouvoir n'a aucune légitimité » Cependant personne ne s'avance à prédire l'ampleur des rassemblements d'aujourd'hui et encore moins les conséquences de cette journée. Mokrane Aït Larbi, avocat et militant des droits de l'Homme, avançait hier dans le journal El Watan que « face au mécontentement général, le changement du système par un mouvement insurrectionnel n'est pas à exclure ». Il se livrait à une analyse sans concession du paysage politique algérien : « Le pouvoir n'a aucune légitimité populaire et l'opposition est faible et complaisante, pour ne pas dire inexistante ». L'ancien Premier ministre, Ahmed Benbitour, dans une tribune libre publiée par le quotidien Liberté, lançait récemment cet appel : « La nation est en danger et le pays est à la dérive. C'est le moment d'exprimer notre solidarité avec notre jeunesse ». Il dressait ensuite ce constat : « Face à l'impasse et au désespoir, il ne reste à la jeunesse, pour s'exprimer que la violence, qui est devenue le seul moyen de règlement de conflits parmi les individus et entre les individus et l'Etat. Cette double violence du pouvoir et de la société menace de devenir incontrôlable à tout moment ». Pour Ahmed Benbitour, « les récentes expériences algérienne, tunisienne et égyptienne, démontrent l'urgente nécessité de construire un interlocuteur valable face à un pouvoir aux abois et une jeunesse décidée à arracher sa liberté, y compris par la violence ». La coordination qui appelle à manifester a reçu le soutien de quelques partis politiques. Il lui faudra pourtant gagner en légitimité pour pouvoir canaliser la colère et le désespoir des Algériens.