Ils peuvent enfin demander le droit d'exister. Ignorés et maltraités sous l'ancien régime, les Berbères libyens multiplient les démonstrations de force dans la capitale, Tripoli. Lundi 26 septembre, ils ont tenu une conférence dans un grand hôtel de la ville, à l'occasion de laquelle ils ont demandé que leur langue, le tamazight, bénéficie du statut de langue officielle, à égalité avec l'arabe. Un évènement inédit. C'est la fin de plus de quarante ans de calvaire pour ceux qui étaient considérés, jusqu'ici, comme des habitants de seconde zone. Disciple du nationalisme arabe de Nasser, Mouammar Kadhafi n'a jamais caché sa détestation des Berbères (lesquels se nomment eux-mêmes les Amazighs). En 1985, le Guide déclare que la langue tamazight est un “poison“. En 1997, il affirme que les défenseurs de cette langue sont des “collaborateurs de la France, des Etats-Unis et d'Israël”, accusations alors punies de mort. En 2010, il informe des journalistes marocains que les Amazighs “ont disparu et n'existent plus”. Jusqu'à la chute de Tripoli, de nombreux artistes et militants culturels amazighs étaient emprisonnés ou exilés. En conséquence, les Amazighs, qui représentent près de 10 % de la population libyenne, jouent, dès février 2011, un rôle important dans la révolution. Concentrés dans l'ouest du pays, dans les montagnes du Nefoussa et dans la ville côtière de Zouara, plus de mille kilomètres les séparent de Benghazi, “capitale” de la révolte. Pendant de longs mois, ils luttent contre les troupes de Kadhafi dans un isolement total. Mais lorsqu'à la fin du mois d'avril, leurs combattants s'emparent d'un poste frontière avec la Tunisie, la guerre change de visage : en août, c'est du Nefoussa que vient le gros des troupes qui mènent l'assaut final contre Tripoli.