Le chômage des jeunes a été le terreau sur lequel s'est développée la Révolution tunisienne. Neuf mois après le départ de Ben Ali, une partie de la jeunesse se sent toujours marginalisée et les manifestations de diplômés chômeurs continuent. Voici les doléances de l'un de ces jeunes insatisfaits, transmis à un responsable du ministère de l'Emploi: jeudi 29 septembre, matin, sur l'avenue Habib Bourguiba, à se croire aux premiers jours de janvier 2011, alors que la Révolution battait son plein. Des jeunes scandaient “Le travail est un droit, bande de voleurs !”, le même slogan entonné contre le Gouvernement de Ben Ali. Dans plusieurs régions de Tunisie, les diplômés chômeurs continuent à se mobiliser. Le 14 janvier dernier, Ben Ali a fui le pays en laissant derrière lui 700 000 chômeurs diplômés. Maher Hamdi est membre de l'Union des diplômés chômeurs: “Nous avions déjà manifesté lundi devant le ministère de l'Education, mais nous avons été violemment pris à partie par la police. Nous nous sommes donc réunis à nouveau jeudi pour dénoncer la violence policière, car les méthodes n'ont décidément pas changé. Notre association a été créée officieusement le 25 mai 2006, mais elle n'a jamais eu d'existence légale sous le régime de Ben Ali. Après le 14 janvier, nous avons adressé une demande de reconnaissance au ministère de l'Intérieur qui n'a pas donné suite à notre requête. Sans décision du ministère sous 90 jours, il nous était possible de nous adresser directement à l'imprimerie du Journal Officiel pour faire reconnaître notre association. C'est ce que nous avons fait. Nous nous considérons pourtant représentatifs de la jeunesse au chômage. Nous avons plus de 120 bureaux dans toutes les régions du pays, même si certains ont été fermés par les autorités. Nous ne faisons pas que contester, nous présentons également des propositions de réformes du système éducatif et du système de l'emploi. Malheureusement, les ministères font la sourde oreille. Celui de l'Education nationale a refusé de nous rencontrer. Quant aux responsables du ministère de l'Emploi, nous nous sommes réunis avec eux deux fois, mais sans que rien ne sorte de ces entretiens. Ce que nous contestons, ce n'est pas tant le nombre de postes créés que les critères de recrutement. Par exemple, pour les concours de l'Education nationale, le ministère a instauré un système de score qui prend en compte les résultats obtenus par l'étudiant au concours, les stages qu'il a fait et sa situation familiale. Or tout le monde sait que la prise en compte des stages favorise les privilégiés de l'ancien régime, puisqu'à l'époque de Ben Ali, ceux qui avaient des proches bien placés obtenaient plus facilement des stages. Nous trouvons aussi injuste que la situation sociale du candidat ne soit pas prise en compte, de même que son âge et l'année de l'obtention de son diplôme. Cinq listes indépendantes de jeunes diplômés chômeurs se présentent à l'élection de la constituante, le 23 octobre. Le but est de profiter des trois minutes d'antenne accordées à chaque liste pour faire passer notre message. Nous aimerions notamment que le droit au travail soit inscrit dans la nouvelle Constitution. Mais je ne me fais pas trop d'illusions.”