C'est un de ces retournements de situation qui plombent le moral des ardents défenseurs des grands idéaux et nous font dire que la vertu est très loin de l'emporter face au pragmatisme et à la realpolitik. Il y a encore quelques jours qui aurait cru que Washington irait jusqu'à débloquer 6 milliards de dollars pour oxygéner une économie iranienne exsangue du fait de l'embargo, en échange de la libération de cinq prisonniers ? Décidément la prise d'orages paye bien par les temps qui courent (et pas qu'en Iran d'ailleurs, au Sahel aussi les groupes djihadistes prospèrent avec ce sinistre business)… La répression sanglante des mouvements de contestation de la jeunesse iranienne, le fait que l'Etat théocratique foule au pied tous les droits humains et qu'il se permette de braver la communauté internationale avec son programme nucléaire jusqu'à oser expulser les inspecteurs de l'AIEA… Tout ça n'a pas pesé lourd face à la vie de cinq Américains. «Un avion du Qatar se trouve déjà en Iran pour évacuer vers Doha cinq citoyens américains [qui étaient détenus dans ce pays] et deux de leurs proches», d'après une confidence depuis Doha, sous le sceau de l'anonymat. «Les Iraniens et les Américains ont été notifiés du transfert depuis la Suisse vers des comptes bancaires au Qatar de l'intégralité des six milliards de dollars», qui étaient confisqués en Corée du Sud, a indiqué la même source. L'Iran a confirmé que l'argent a bien été encaissé. «Nous avons reçu hier une lettre officielle du Qatar indiquant que les comptes de six banques iraniennes avaient été activés», a dit le gouverneur de la Banque centrale iranienne à la télévision d'Etat… «Aujourd'hui, l'équivalent de 5.573.492.000 euros a été déposé sur le compte des banques iraniennes auprès de deux banques qataries», a ajouté Mohammadreza Farzin. Pour le moment les USA ne souhaitent pas commenter cette affaire très embarrassante qui écorne un peu plus l'image de la Maison Blanche. A noter que les cinq Américains doivent être échangés contre cinq Iraniens emprisonnés aux Etats-Unis, d'après l'accord entre les deux parties, sous la houlette de Doha. Parmi les Iraniens qui quitteront le pays de l'oncle Sam «deux retourneront en Iran, un autre se rendra dans un pays tiers où vit sa famille et les deux derniers resteront» aux USA, d'après Nasser Kanani, porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères. Ainsi va le monde. Plus rien ne doit plus nous étonner. Puisqu'on a vu l'Arabie saoudite réchauffer ses liens avec l'ennemi historique – l'Iran -, puisqu'on a vu la Turquie en faire de même avec les Wahhabites, puisqu'on a vu la France accrocher sa plus haute distinction sur la veste du Premier ministre indien après l'avoir fait avec le président égyptien, puisqu'on a vu le président américain absoudre de ses péchés le prince héritier saoudien, "Plus Rien Ne M'étonne", comme l'a chanté le célèbre reggaeman ivoirien Tiken Jah Fakoly.
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