TUNIS (TAP) - La pratique de la torture s'est poursuivie lors de la période post-révolutionnaire, a affirmé la présidente de l'organisation tunisienne de lutte contre la torture, Radhia Nasraoui, précisant que l'Organisation en a des preuves concrètes en dépit de la négation des faits par le ministère de l'Intérieur. Lors d'une conférence de presse tenue, mercredi, à Tunis, consacrée à la présentation du rapport partiel sur la période qui s'étale de mi-janvier à fin septembre, Mme Nasraoui a exprimé l'espoir que des mesures décisives soient prises afin de changer la situation durant les mois à venir avant la publication du rapport final de l'Organisation. La poursuite de la torture et de l'usage excessif de la force est une responsabilité qui incombe au Gouvernement de transition, a-t-elle indiqué, ajoutant que l'Organisation oeuvrera pour que l'Assemblée Constituante adopte des mécanismes pour le jugement des responsables et la réparation des victimes depuis 1956. L'organisation, a-t-elle dit, n'a jamais constaté une reconnaissance officielle de la part du Gouvernement ou du ministère de l'Intérieur sur l'existence de la torture dans le passé et la disposition à ce que les coupables rendent compte de leurs actes. L'organisation, a-t-elle ajouté, plaidera en faveur de la présentation d'une excuse officielle de la part de l'Etat aux victimes de la torture. Le rapport partiel fait état de violations aux droits de l'Homme commises par les forces de sécurité dans les rues lors de la répression des manifestations de protestation et l'arrestation des manifestants dans les postes de police ou dans les casernes. Il a, également, évoqué la situation dans les prisons en période post-révolutionnaire. Le rapport présente plusieurs recommandations au Gouvernement tunisien, dont notamment, l'institution d'un mécanisme cohérent pour la justice transitionnelle, comportant la création d'une commission nationale pour la vérité et l'équité et un instrument judiciaire pour l'examen des affaires de torture, la création d'une cour de droits de l'Homme et d'un fonds public pour l'assistance judiciaire ainsi que la réparation des victimes de la torture. De son côté, M. Mondher Charni, secrétaire général de l'Organisation a affirmé que la police n'a pas changé, passant en revue les violations commises contre les manifestants ainsi que contre les personnes arrêtées et les prisonniers, notamment dans les prisons qui ont connu des troubles. Le gouvernement, a t-il dit, tente de se délier de la responsabilité et de l'obligation de rendre compte dans le domaine sécuritaire. Lors de cette conférence de presse, plusieurs victimes ont présenté leurs témoignages sur les agressions qu'ils avaient subies ainsi que leurs familles. M. Ridha Redadi, représentant du Réseau euroméditerranéen des Droits de l'homme (REDH), organisme qui a contribué à la réalisation de ce rapport, a estimé que "la révolution tunisienne n'a pas réussi à extirper la torture, ce kyste enfoui dans l'Etat tunisien". Le motif, a-t-il expliqué, est "le maintien des responsables sécuritaires relevant de l'ancien régime dans leurs activités sans rendre compte, sans poursuite et dans l'impunité. Le ministère de l'intérieur a nié plus d'une fois l'existence de la torture en tant que pratique systématique, avouant l'usage excessif de la force par des agents de sécurité lors des mouvements de protestation et dans les cas de dérive sécuritaire survenus dans le pays depuis le 14 janvier. Le ministère de l'intérieur avait promis d'instaurer des mécanismes de contrôle interne sur ses agents dans le cadre d'un programme de réforme sécuritaire qui a fait l'objet d'un débat entre le ministère, la société civile et les parties politiques.