TUNIS, 4 mai 2010 (TAP) - L'Académie tunisienne des sciences, des lettres et des arts (Beit al-Hikma) à Carthage a organisé mardi une journée d'étude sur le réformateur tunisien Kheireddine Pacha (1820-1889), et notamment sur l'influence de ses idées sur le mouvement national tunisien, ainsi que ses rapports aux ouléma de la Zitouna, et son exercice du pouvoir en tant que Grand vizir (1873-1877). A l'ouverture de cette rencontre, le professeur Abdelwaheb Bouhdiba, président de l'Académie, a indiqué que Kheireddine, qui compte parmi les figures de proue de la pensée et de la modernité en Tunisie et dans l'ensemble du monde musulman, avait participé, par sa pensée et son action, à l'élaboration d'un projet réformiste, et avait contribué à la promulgation du Pacte fondamental (Ahd El Amane) et à la constitution de 1861. Il a ajouté que les idées réformistes de Kheireddinne témoignent d'une vision prospective et globale et d'une conscience de la nécessité d'une réforme intégrale touchant tous les domaines (administration, enseignement, politique, économie), et demeurent, de ce fait, d'actualité. M. Bouhdiba a estimé, par ailleurs, que ce qui caractérise le projet réformiste de Kheireddine Pacha est sa conciliation entre la tradition et l'ouverture, et que ses idées prônent l'innovation et l'effort d'interprétation (ijtihad) en ce qui concerne la compréhension du texte religieux, de manière à être en phase avec l'esprit de l'époque, et en veillant à tirer profit de la culture et des sciences européennes. Cette démarche lui a value d'être appelé ''le ministre réformateur'' et considéré comme étant l'un des plus importants réformateurs du milieu du XIX siècle. Dans une intervention intitulée ''l'influence des idées réformistes de Kheireddine Pacha sur le mouvement national tunisien'', le professeur Ali Mahjoubi a mis en exergue, pour sa part, les fondements et le background institutionnels et théoriques du projet réformiste de Kheireddine, rappelant qu'il est fondé sur la relation étroite entre ''nationalisme'' et ''réforme''. Marqué par l'esprit de la Révolution française et la philosophie des Lumières, Kheireddine était partisan de la limitation du pouvoir absolu, qui constituait, à ses yeux, la cause du sous-développement du monde islamique. Le professeur Ali Mahjoubi a estimé que le mouvement national est le prolongement du mouvement réformiste, et précisément du projet de Kheireddinne Pacha, fondé sur la modernité, l'ouverture et le développement des méthodes de l'enseignement, projet qui a influencé les activités des associations de la Khaldounia (1896), de la Sadikia (1905), le mouvement de la jeunesse tunisienne (1907), le parti du Destour (1920) et le Néo-Destour(1934). En ce qui concerne la relation entre Kheireddine et les oulémas de la Zitouna, le professeur et chercheur Kamel Omrane a indiqué que la pensée dominante parmi les Zeitouniens, basée sur le Fiqh et ses différentes écoles, a conduit à un repli sur soi et au refus de toute nouveauté dans la société et la culture. Ceci explique la tension et la rupture qui ont marqué les rapports entre le projet moderniste de Kheireddine et les oulémas de la Zitouna, qui se sont opposés, pour la plupart, au Pacte fondamental, considérant qu'il contrevenait aux préceptes de la religion islamique. Le professeur Hedi Temoumi a évoqué, de son coté, le contexte socio-politique du Grand vizirat de Kheireddine (1873-1877), caractérisée par une crise démographique causée par une forte mortalité dont l'apogée a été atteinte en 1867, et qui a pesé lourd sur l'activité agricole et artisanale.