Un Mushaf qui était à la disposition de Moncef Bey, des manuscrits du Cheikh Abdelaiz Djait, une décoration datant du Pacte fondamental de 1857 et pleins d'autres pièces historiques de la Tunisie seront mises en vente aux enchères à Paris. Cette vente aux enchères a créé une vive polémique, surtout en absence d'une réaction officielle. Dans le même fil d'idée, Nour El Houda Bey, juriste et descendante de Moncef Bey a réagi :
Je m'exprime rarement en tant que « bey » mais vu la vente aux enchères qui se profile, un petit point s'impose. A titre personnel, j'ai très (trop) souvent subi des jugements de valeur ou des préjugés mal placés du fait de l'histoire de ma famille ou de mon nom de famille. On m'a souvent dit que je devrais en avoir honte ou que je devais m'estimer heureuse de ne pas subir ce qu'ont subi les Romanov en Russie. J'ai parfois eu l'impression que je devais me justifier ou monter à qui voulait le voir que Bey n'est pas synonyme de mauvaises choses. A l'école primaire, certains enfants se moquaient de moi en me disant que « ma famille » avait « vendu le pays à la France ». Plus tard, lorsque les cours d'histoire se sont faits plus longs et plus riche en propagande bourguibiste, on m'a souvent demandé si mes grands-parents avaient des palais ou des bijoux royaux, de l'argenterie et j'en passe… Et on m'a souvent prise de haut car je n'avais pas honte d'assumer un nom probablement difficile à porter pour de longues raisons. Alors oui, j'en suis fière. Moncef Bey n'est pas epsilon dans l'histoire. :) Qu'aujourd'hui certains de ses biens soient mis à la vente aux enchères ne devrait pas être anecdotique, certes. Je m'étonne d'ailleurs de voir que certains en soient outrés. Si, toujours à titre personnel, je n'en suis pas du tout étonnée, je n'en suis pas moins dépitée. Admettons, il ne sert à rien de donner de l'importance à des peintures d'époque qui sont dispersées ça et là entre les familles et les maisons, il ne sert à rien de savoir qu'en est-il des Joyaux du Royaume de Tunisie. Très bien, les mémoires manuscrites de je ne sais quel Bey ou je ne sais quel ministre n'ont pas de valeur aux yeux de tout le monde. Le palais de Hammam Lif peut devenir une « kherba », le palais de Marsa plage pourrait être détruit. On pourrait ne plus enseigner ce qui s'est passé de 1705 à 1957, on pourrait n'en retenir que la folie des grandeurs de certains souverains ou la passion coloniale d'autres. Et après ? Le pays se sentira-t-il mieux ? Viverons nous dans la paix et la prospérité? Dans ce cas allons effacer 252 ans (et dix jours :)) de l'histoire de la Tunisie. Je n'ai jamais compris pourquoi préserver tout ce patrimoine était considéré comme une manière de « redorer le blason » d'une famille critiquée à tort et à travers par des gens qui ne la connaissent pas, qui ne la fréquentent pas. Car comme dans TOUTES les familles de ce bas monde elle est composée de bonnes et de moins bonnes personnes. Et ça se permet de s'ériger en donneurs de leçons d'humilité, de bienséance, de culture et j'en passe. On pourrait encore dire que ce ne sont que de petites babioles et que de toute façon nous n'avons pas de tradition muséale en Tunisie pour les conserver que cela est surcoté par rapport à ce que c'est mais je crois que nous faisons preuve de petitesse à l'égard des 3000 ans de civilisation. Ce ne sont pas 252 ans d'histoire personnelle ou de mémoires familiales mi-ottomanes mi-coloniales. 252 ans de Monarchie, c'est un sacré morceau des 3000 sné hadhara qu'on adore, je crois. Et c'est l'histoire d'une nation qu'on est en train de détruire, pour le malin plaisir de détruire (et assez souvent de régler des comptes avec untel ou unetelle dont on n'apprécie pas les propos, la posture ou la tenue etc.) au nom de politiques dépassées.