Devant le désastre du règne de Ben Ali, à la fois moral et matériel, révélé jour après jour depuis le 14 janvier 2011, est-il encore possible de faire confiance à la politique et aux politiques ? Mensonges d'Etat, usurpation de richesses, clientélisme, clanisme, népotisme…les pouvoirs postrévolutionnaires auront, sans doute, fort à faire pour courber d'échine d'un tel legs ….pourvu qu'ils ne rééditent jamais une vérité aussi macabre ! Pour ma part, j'avoue être un naïf dans ces temps où la bonne éducation, le respect des autres et la morale n'ont plus beaucoup d'effet. Ce faisant, la politique dérogera-t-elle à être elle-même ; une action salvatrice détournée de son texte, de son principe, voire de son essence, assujettie à, et par la volonté d'un homme, d'un système capables de tous les retournements ? Vous qui rêviez de pouvoir, voilà que vous y êtes et que la révolution vous y installe. Magistrature, primature, législature vous annoncent et vous dénoncent aussi provisoires que durables ! Maintenant que de hasard et de volonté l'instant révolutionnaire enivré vous procure, qu'en sera-t-il demain de la Tunisie ! Car le temps des romances politiques est révolu ! D'autres que vous, bien avant vous, ont usé du mot et trahi la confiance. Devrais-je me contenter, pour vous croire, d'une promesse, d'un discours ? Trop tard. Car des discours, nous en avons eus, reçus, entendus, ils nous ont assaillis jusqu'à ternir nos esprits au seuil de la bêtise et de la niaiserie accablantes. Le moment était pourtant grave et nous n'en prenions pas conscience. La belle parole l'emportait, elle masquait la vérité, enjolivait la vie et dissimulait le tragique, dès lors que la persuasion s'exerçait sur nous comme un dictat, un effet de tambour aussi assourdissant qu'occultant. Ainsi donc, nous nous sommes retrouvés au piège de l'inexact, du « politiquement incorrect », en un mot la traitrise. Entre temps, encore des discours, toujours des discours résonnant comme un vacarme ensorcelant, habillant de mutisme et de tromperie notre déshonneur, de déconsidération et d'irrespect nos esprits. Les honnêtes gens, ceux que la morale imprime et exprime, une fois trompés, peuvent-ils redonner confiance ? Finis donc ces discours à portée morale - pour masquer l'immoral- d'accent vibrant - pour dissimuler le leurre- d'élan courageux, de volonté généreuse, de verve responsable, d'aspiration fondatrice, comme pour occulter l'escroquerie et pervertir le mensonge. Aux successeurs, aux survivants et aux suivants, j'ai peur qu'ils ne ressemblent aux départis, prédécesseurs. Qu'est ce qui justifierait que vous en soyez différents ? Face à son intérêt propre, le courage du politique n'est-il pas de s'en démettre pour s'en remettre à ce qui peut flatter son égo, le sauver, le pérenniser ? Lorsque la confiance crédule est assujettie au bon vouloir d'un trompeur, elle ne peut donc tenir à une parole ou à des convictions de circonstance, mais à des actes et à des réalisations. Et que de bonnes intentions ont dévié à chemin ultime aux hasards du nombrilisme, des déboires de l'autoritarisme et de la dictature politique, économique et intellectuelle ! Que de bons présages ont succombé aux tentations du totalitarisme.