A l'occasion de la fête du travail, il y a eu l'inauguration de l'avenue Habib Achour au lac de Tunis, de la salle Saïd Gagui, au siège de l'organisation syndicale à la Place Mohamed Ali à Tunis en signe de reconnaissance pour leur militantisme et leur dévouement à la cause des travailleurs. Deux gestes symboliques qui ne peuvent que concourir à consolider la mémoire militante de l'Ugtt et la transmettre aux jeunes et aux moins jeunes. Deux gestes qui sont sensés rappeler, par ailleurs, tout un dispositif des garanties sociales et d'acquis réalisés dans les luttes de plusieurs décennies au profit des travailleurs et dans le sens du progrès de la société. Or, dans les conditions d'aujourd'hui, c'est l'ensemble de ce dispositif qui se trouve menacé non pas par des données exclusives à la Tunisie, mais par une logique ultralibérale, par les grandes fortunes qui gonflent et les boursicoteurs qui jubilent ici et là dans le monde et où sévissent la logique du profit et la dictature de l'avoir. C'est une évidence que de dire qu'un « sans-emploi » est un exclu, un sans-droit, sans-espoir parce que sans-avenir. C'est une évidence que de dire qu'un « sans-emploi » ne peut retrouver une dignité, un statut, une liberté que grâce à un travail. C'est autre vérité d'évidence que de rappeler le renouveau historique de la Tunisie de l'après 14janvier 2011 s'est fondé sur les mots d'ordre de « Dignité, liberté, justice.» C'est-à-dire trois grandes valeurs diamétralement opposées à la logique de l'exclusion et de la société à deux vitesses, de la santé à deux vitesses, du développement à deux vitesses, de l'école à deux vitesses. C'est donc à partir d'une approche renouvelée de la citoyenneté solidaire -prise dans toutes ses dimensions- qu'il devient possible d'ouvrir une voie réellement prometteuse pour le droit de l'homme au travail et dans le sens d'un meilleur vivre ensemble. C'est pourquoi les implications nécessaires de l'Etat, des organisations socioprofessionnelles et de la société civile, dans tous les domaines de la formation et de l'emploi, sont à repenser. On a réellement besoin d'une citoyenneté solidaire tracée en positif, pour définir les choix économiques et sociaux les meilleurs loin des surenchères et de la langue de bois. Pour ce faire, il faut organiser des « Etats généraux » de l'emploi, de la lutte contre la pauvreté et pour l'intégration sociale et régionale et consacrer une conférence nationale à toutes les questions en relation avec l'emploi et avec les mutations que connaît le monde de travail aujourd'hui. Et surtout se situer au-delà du folklorisme de ceux qui prétendent être les donneurs de leçons et les pourvoyeurs de solutions. C'est tout le système ultralibéral dominant dans le monde qui touche à ces limites et toutes les difficultés ne sont pas propres qu'à la situation sous nos propres cieux. Par conséquent, l'urgence est d'arriver à démêler le bon grain de l'ivraie dans la culture économique dominante. Mais, c'est aussi et surtout de pouvoir placer les questions sociales et celles du progrès social au centre des politiques, des comportements économiques de l'Etat et de ses partenaires dans l'œuvre de développement. L'intelligence est de soutenir l'effort de l'Etat dans l'œuvre du développement national. Chaque jour sur le terrain, il ne s'agit pas seulement de déclarations lyriques sur les « richesses nationales », sur l' « impérialisme » , mais d'actes concrets visant à faire vivre l'indispensable respect de l'Etat de droit et des droits de l'homme à la dignité et à l'emploi. Tout ceci est indicatif de la manière inédite dont se pose de nos jours la question de dignité et de liberté. Sans négliger ou nier les conditions de sécurité pour le développement et la croissance. C'est dire l'importance du préventif et du prédictif, le fait aussi que la solidarité et l'humanisme ne peuvent plus être pensés seulement comme des valeurs à atteindre, mais comme des atouts majeurs de développement pouvant s'incarner dans les moyens et les technologies disponibles. Fondées sur les paradigmes de l'humanisme, de la société organique, du progrès et de la citoyenneté inclusive, la dignité et la liberté impliquent une ouverture des «possibles» dans le cadre d'une responsabilité citoyenne accrue. Celle des Tunisiens à l'égard de leurs concitoyens. Celle du Tunisien vis-à-vis de lui-même, de ses ressources, de sa volonté, de sa créativité, de son sens de l'effort et de sa détermination à aller de l'avant dans une démarche moralement et politiquement mobilisatrice.