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Un impératif de la révolution pour la dignité
Opinions - L'insertion des droits sociaux fondamentaux dans la Constitution
Publié dans La Presse de Tunisie le 14 - 05 - 2012


Par Mongi TARCHOUNA *
Il existe aujourd'hui un consensus général sur la valeur égale des droits politiques et des droits sociaux. Actuellement, la distinction traditionnelle des deux catégories de droits au point de vue de leur constitutionnalisation est bien dépassé car «nulle cloison étanche ne sépare les droits civils et politiques des droits économiques et sociaux», a déclaré, à juste titre, la Cour européenne des droits de l'Homme. En partant de la prémisse de l'indivisibilité de la dignité de l'homme qui est la source unitaire de la fondamentalité des deux catégories de droits, les systèmes, qui ont consacré dans leurs constitutions les droits sociaux, à côté des droits politiques, tendent à dégager une obligation globale de l'Etat de garantir une jouissance effective de tous les droits fondamentaux. L'équivalence et l'unité des deux catégories, en dépit de leurs différences quant à leur dimension structurelle et leur nature juridique, a pris corps dans la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948 qui consacre, aux côtés des droits civils et politiques, les droits économiques sociaux et culturels. Cette déclaration sera coulée dans le moule des deux pactes des Nations unies de 1966 relatifs aux deux catégories de droits. L'opinion dominante est que l'ensemble des droits fondamentaux représentent des catégories tout à fait équivalentes. La ratification par un grand nombre de pays des deux pactes, dont la Tunisie, atteste l'idée qu'il ne faut pas apporter aux deux catégories de droits un traitement constitutionnel différent par l'exclusion des DSF de l'ordre normatif constitutionnel.
Même si en général, les droits sociaux, notamment les droits créances, garantis par les constitutions, ne mettent pas à la charge de l'Etat une dette et au profit de leurs titulaires une véritable créance, au sens technique et obligataire des termes, il n'en reste pas moins que ces droits l'engagent à des obligations juridiques d'ordre général ayant trait à la politique économique et sociale et comme moyen de leur protection.
En général, les droits sociaux ont une force contraignante variable allant de simples principes programmatoires à des normes d'application directe (Grèce, Italie). Les dispositions constitutionnelles programmatiques sont destinées à orienter l'action future de l'Etat et mettent celui-ci devant ses responsabilités sociales en matière de politique d'emploi, de logement, de santé, etc.
Dans tous les cas, la plupart des systèmes constitutionnels admettent que les droits-créances sont d'application progressive dont la mise en œuvre dépend des moyens financiers qui leur sont attribués par les législateurs. Mais cette spécificité structurelle des droits sociaux par rapport aux droits politiques ne touche en rien à leur valeur normative et à leur dimension constitutionnelle égale.
En définitive, la distinction traditionnelle opposant les droits politiques aux DS au point de vue de leur constitutionnalisation, est aujourd'hui stérile. Il est aujourd'hui difficile de contester que les droits sociaux sont souvent une condition d'effectivité des droits politiques. Qu'importe le droit de vote ou la liberté d'expression pour l'individu sans logement ou sans nourriture ou sans protection sociale ou encore et surtout, sans emploi ? La compartimentation entre les droits qui protègent l'individu contre l'Etat (droits politiques) et les droits qui le protègent grâce à l'Etat (droits sociaux) est aujourd'hui largement dépassée. C'est ainsi que la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne a condamné ces classifications stériles en adoptant le principe de l'indivisibilité des droits fondamentaux, politiques et sociaux, pour les regrouper autour de six valeurs communes: dignité ; liberté, égalité ; solidarité ; citoyenneté ; justice. C'est en ayant à l'esprit ce principe de l'indivisibilité que la notion des droits fondamentaux prendra toute sa force.
En réalité, tout est question d'équilibre entre les deux catégories de droits. Cet équilibre forme le nœud de l'aménagement constitutionnel des droits fondamentaux dans une future société démocratique. Là où la démocratie revêt une coloration sociale, le modèle constitutionnel veillera à une juste pondération des deux catégories de droits fondamentaux. Par contre, là où règne l'autoritarisme, l'arbitraire, l'absolutisme, l'injustice et la tyrannie, les deux catégories de droits s'écroulent et souffrent de la même ineffectivité et des mêmes violations comme l'a révélé, au grand jour, la révolution du 14 janvier 2011. La démocratie politique et sociale étant indivisible, les droits politiques et sociaux, qui en sont le support, revêtent la même nature et les mêmes caractéristiques. La protection constitutionnelle des droits fondamentaux de la personne, sans aucune distinction, implique un choix de société, le choix de la démocratie, celui de la démocratie politique et de la démocratie sociale; en fin de compte, celui de la sauvegarde de la dignité de la personne.
Quelle démarche
du constituant ?
Le droit constitutionnel comparé nous enseigne que la démarche technique pour insérer les DSF dans la constitution obéit aux traditions constitutionnelles de chaque pays et au contexte sociopolitique du moment. De manière générale, il existe trois démarches essentielles allant de la simple formulation sommaire de principes généraux fondant les DSF, qui seront déterminés par les législateurs et les cours constitutionnelles, sur la base du principe de l'Etat social (Allemagne) jusqu'à l'adoption de catalogue détaillé des DSF, démarche suivie par les constitutions qui ont aboli les régimes dictatoriaux (Portugal, Espagne, Italie, Grèce), en passant par une formule intermédiaire énumérant de manière non limitative les DSF essentiels pour laisser aux législateurs et aux juges constitutionnels le soin de fixer d'autres droits sur la base de principes généraux insérés dans la constitution (France, Belgique)
La Constitution de 1959 et les droits sociaux fondamentaux
La Constitution de 1959 n'ignore pas totalement les DSF mais elle ne comporte ni un catalogue ordonné et détaillé ni énumération d'un « noyau dur » de DSF dans le corps du texte constitutionnel. Elle se réfère à quelques droits sociaux juxtaposés aux autres droits constitutionnels sans constituer une structure juridique homogène et ordonné. A l'exception du droit syndical et du droit de propriété, qui figurent dans le corps de la constitution (art. 8 et 14), les quelques rares droits sociaux stricto sensu, les droits créances, nécessitant un engagement de l'Etat et son intervention positive pour leur garantie effective figurent dans le préambule de manière vague et évasive et sous forme purement déclaratoire n'engageant l'Etat juridiquement à rien (droit au travail, à la santé, à l'instruction et à la protection de la famille).
Cette démarche constitutionnelle trop « souple » s'explique aisément par la conjoncture du moment. En effet, le premier problème auquel se heurta l'Etat nouveau, issu de l'indépendance, est la pauvreté révélée par un chômage structurel, l'analphabétisme et la précarité de la santé de la population. Les droits, en ces domaines clés, ne pouvaient être « enracinés » dans la constitution tant qu'ils constituent de simples vœux, et non de vrais droits, que l'Etat nouveau s'efforce de réaliser à moyen ou à long terme dans son entreprise de développement. C'est ainsi qu'il y a eu un grand débat, lors de l'élaboration de la constitution, sur l'insertion du droit au travail dans les articles de la constitution au motif que l'Etat ne peut pas s'engager à offrir des opportunités d'emploi en présence d'un taux d'investissement faible. Mais ultérieurement, la Constitution de 1959 est demeurée figée et non adaptée à l'évolution moderne de la conception des DF. Pourtant, la référence explicite du préambule de cette constitution aux «droits de l'Homme» et aux valeurs de «la dignité de l'Homme», de la «justice», de la «liberté», et de «l'égalité» aurait pu offrir un fondement constitutionnel solide pour son adaptation et pour la consécration d'un noyau de DSF dans le corps de la constitution. La loi constitutionnelle du 1er juin 2002, qui a réaffirmé le concept de dignité et a introduit les valeurs de «solidarité» et d'«entraide» tout en garantissant «les libertés fondamentales et les droits de l'Homme dans leur acceptation universelle, globale, complémentaire et interdépendante», aurait pu être le point de départ pour concrétiser, sur le plan technique et formel une telle acceptation, et consacrer deux rubriques, l'une pour les droits civils et politiques, l'autre pour les droits économiques, sociaux et culturels tout en précisant pour chaque DSF en quoi consiste l'obligation de l'Etat pour sa protection, sa mise en œuvre et ses conditions d'exercice affectif. Une telle démarche formelle est suivie par la majorité des constitutions modernes qui ont voulu réellement insister sur la valeur égale des DF de l'homme, leur complémentarité et leur interdépendance et concrétiser les valeurs de dignité, de justice, d'égalité et de solidarité, attachés à ces droits. Elle implique une volonté politique de rédiger plus que de simples déclarations et le rejet de la formule de l'inscription des DSF dans un préambule parce qu'il s'est avéré que cette formule pose des problèmes délicats d'interprétation juridique dans les systèmes qui l'utilisent.
Une telle vision des DF ne peut être une réalité que dans le sillage de l'Etat démocratique associant démocratie politique et démocratie sociale. L'une des missions historiques qui attend l'Assemblée constituante consiste à jeter les jalons constitutionnels d'un tel Etat. On pourrait affirmer, sans exagération, que la Constitution de 1959 était l'acte de naissance du modèle républicain ; celle d'aujourd'hui, devrait consacrer l'aspiration révolutionnaire au modèle démocratique.
Utilité et impact de la reconnaissance constitutionnelle des droits sociaux fondamentaux
1- L'insertion des DSF dans la future Constitution paraît nécessaire si l'on considère qu'elle est censée être le reflet de la société à un moment donné et qu'elle a pour objet essentiel d'énoncer des principes fondamentaux qui résument les finalités que peut poursuivre une société politique. Elle constitue une adaptation nécessaire à l'évolution, tant interne qu'international, des DSF. Ceux-ci sont inscrits dans des instruments internationaux ratifiés par la Tunisie, notamment le Pacte international de 1966 qui contient un catalogue raisonné de ces droits. Les mutations internes de la société civile et politique est un autre motif de la constitutionnalisation des DSF. Celle-ci exprime la nécessité d'épouser ces mutations et le nécessaire dosage entre la démocratie purement libérale et la démocratie sociale comme idée fondatrice de la nouvelle société tunisienne, idée exprimée, sans équivoque, par la révolution du 14 janvier. A ce titre, elle constitue une actualisation de notre future Charte fondamentale).
2- La reconnaissance constitutionnelle formelle des DSF, à côté des droits politiques, les place sur un pied d'égalité avec ces derniers. Certes, les premiers sont des droits de la seconde génération mais ils ne sont pas pour autant secondaires. Les deux catégories de droits sont corollaires, se complètent, s'alimentent et s'épaulent les uns et les autres. Il ne peut y avoir de libertés si les DSF ne sont pas garantis.
3- L'insertion des DSF indique aux pouvoirs publics une ligne de conduite générale en vue d'assurer un objectif social global, celui de la réalisation du bien-être social. La constitution ne peut pas aller au-delà de l'énonciation d'objectifs ou de standards en cette matière. Par ailleurs, la particularité des droits sociaux consiste en ce que leur mise en œuvre repose non seulement sur les pouvoirs publics mais elle fait intervenir d'autres acteurs sociaux : syndicats (emploi, sécurité sociale, droits sociaux des travailleurs, etc.) ; prestataires de soins et leurs organisations (droit à la santé et aux prestations de soins) ; bailleurs et promoteurs immobiliers (droit au logement). Elle implique tout le tissu associatif composant la société civile (association pour la défense de l'environnement, de la culture et de la création artistique ; associations pour la promotion de l'emploi ou pour la défense sociale de certaines catégories spécifiques comme les personnes handicapées ou âgées, etc.).
4- Nul doute que la réalisation des DSF dépend, dans une large mesure, de la politique économique choisie et suivie par les pouvoirs publics et des ressources financières disponibles. Jadis, les opposants à la constitutionnalisation des DSF ont tiré argument de cette particularité de ces droits pour soutenir que le constituant est mal placé pour imposer à l'Etat un quelconque modèle économique ou une quelconque politique économique. N'étant pas une charte sociale ou un plan de développement économique, la constitution doit, selon cette conception, se limiter à ce qui est strictement « politique », c'est-à-dire à la protection de la sphère individuelle à l'encontre des pouvoirs publics par la consécration exclusive des droits civils et politiques. Mais les déchirures, les fractures et les exclusions sociales, révélées au grand jour par la révolution, ne sont-elles pas dues, en grande partie, à une certaine « politique » économique ? Les inégalités, révélées par la révolution, entre les individus, les catégories, les régions et les générations ne sont-elles pas le produit d'un certain modèle économique ? Oui, répondraient certains et alors ? Que pourrait faire la constitution en ce domaine ? La reconnaissance constitutionnelle d'un noyau dur, incompressible de droits sociaux attachés à la dignité humaine permet d'évaluer les actions sociales de l'Etat à la lumière de ce noyau constitutionnel en vue de prévenir, au tant que possible, les déchirures sociales provenant des inégalités sociales. La consécration constitutionnelle des DSF, imposant à l'Etat l'obligation générale de mener une politique active et positive dans les domaines de l'emploi, de la santé, du logement, de la culture et de l'environnement, en vue de garantir à tous les mêmes chances et les conditions propices à l'accès effectif à ces droits, constitue, sans aucun doute, un message constitutionnel pour les pouvoirs publics en vue de mener un travail concret sur le terrain de la lutte contre les exclusions sociales. Même s'il s'agit ici d'une obligation constitutionnelle de moyen à la charge de l'Etat, il n'en reste pas moins que la constitution moderne joue indirectement une fonction de régulation sociale non négligeable. Elle permet de soustraire, autant que possible, la dignité humaine à la « brutalité » de la loi du marché à l'état primaire et à la « frigidité » de la logique budgétaire, lesquelles ne sont pas étrangères aux inégalités sociales et régionales.
5- La reconnaissance constitutionnelle des DSF obéit à des exigences morales. Elle est, tout d'abord, liée à une conception morale universaliste : c'est l'impératif que toute personne humaine soit bénéficiaire des droits sociaux essentiels pour sauvegarder sa dignité sociale. Ensuite, elle est liée à une exigence de solidarité : la volonté de la communauté de garantir à tous ses membres certains biens matériels ou du moins les moyens d'y accéder. La solidarité est un principe insérée dans plusieurs constitutions modernes en tant que moyen pour la réalisation concrète des droits sociaux. Elle est, enfin, liée au vœu constitutionnel de garantir certaines conditions du développement du genre humain.
6- Sur le plan strictement juridique, même si les droits-créances n'ont pas la valeur normative des droits subjectifs, il n'en reste pas moins que leur consécration constitutionnelle aura plusieurs effets juridiques. Tout d'abord, dès lors que le législateur consacre un droit social fondamental, il devrait le faire dans le respect des principes constitutionnels tels que le principe d'égalité et de la non-discrimination, le principe de « justice sociale » ancré dans plusieurs constitutions modernes et dont la violation pourrait être soumise au contrôle du juge. Inversement, la consécration constitutionnelle des DSF permettrait aux pouvoirs publics d'adopter une politique de discrimination positive, au nom des mêmes principes, en faveur d'individus ou groupes d'individus défavorisés, voire d'une région défavorisée, en matière de politique économique, sociale et culturelle. Sur ce plan, il y a dans la constitutionnalisation des DSF une virtualité potentielle pour leur mise en œuvre. Mais l'insertion des DSF dans la constitution serait tout à fait insuffisante si la constitution ne prévoit pas les moyens de leur protection par des mécanismes juridictionnels de contrôle de la constitutionnalité, notamment l'institution d'une Cour constitutionnelle ayant un pouvoir de contrôle étendu des DF, non seulement un contrôle « préventif » mais aussi « répressif ».
7- La controverse, qui a perduré dans certains pays, et qui a perdu de sa pertinence, est celle de la juridicité des droits sociaux. La « faiblesse normative » de ces droits, notamment les droits-créances, était naguère perçue comme un défaut, comme un obstacle principal à leur insertion dans les constitutions. Aujourd'hui, au contraire, elle est perçue par les systèmes constitutionnels consacrant ces droits, comme une vertu. Certes, la plupart des DSF, consacrés par les constitutions modernes, n'ont un effet direct et immédiat que si le législateur leur donne une portée normative. Cette vertu consiste justement dans le fait qu'elle permette aux pouvoirs publics d'accomplir leur mission constitutionnelle et de mettre en œuvre les droits constitutionnels de manière progressive, raisonnée, en fonction des données économiques et sociales et des possibilités budgétaires. On voit bien que la faiblesse normative des droits sociaux ne fait pas de ceux-ci des droits « platoniques » à moins de considérer la constitution comme un « chiffon de papier ». Au contraire, la mission, confiée par la constitution aux législateurs futurs, de concrétiser les DS qui y figurent et de leur donner un effet normatif en les transformant progressivement en droits subjectifs, est un gage de réalisme de toute «politique constitutionnelle».
8- Concernant justement la «politique constitutionnelle». Ne pourrait-on pas voir dans l'insertion des DSF dans la future Constitution un message que nos constituants lanceraient aux générations futures ? Même si la consécration constitutionnelle de ces droits procèderait d'un certain humanisme «utopique», diront certains constitutionnalistes classiques ; même si le constituant n'a pas pour rôle de «promettre» ou d'«exhorter», comme l'ont affirmé les mêmes constitutionnalistes, il n'en reste pas moins vrai qu'il est bon qu'un minimum de « patriotisme constitutionnel », comme on dit, conserve la mémoire des « utopies » révolutionnaires et humanistes, faute de quoi les énergies révolutionnaires pourront succomber aux séductions des intégrismes de droite ou de gauche. C'est en ce sens qu'on pourrait concevoir « l'exhortation », donnée par les constitutions récentes, issues des révolutions, aux législateurs futurs à consolider les DSF. C'est en ce sens aussi qu'on pourrait voir dans l'insertion des DSF dans la future Constitution tunisienne un message que nos constituants post-révolutionnaires de 2011 lanceraient aux générations futures.
9- La constitution est une recette de libertés pour tout peuple épris de démocratie. Le mutisme de la constitution de 1959 en ce qui concerne les DSF devient quasi anachronique à l'heure où la dimension sociale de la démocratie trouve un écho important, tant sur le plan national qu'international. L'insertion des DSF dans la future Constitution est nécessaire à maints égards. D'abord, leur consécration dans un document aussi solennel exprime les valeurs fondamentales d'une société post-révolutionnaire. Ensuite, elle confère à ces droits une valeur « symbolique » et « pédagogique » dont il est difficile de nier l'importance, surtout dans une conjoncture économique, nationale et internationale, qui met à mal bon nombre de conquêtes sociales. En effet, parallèlement à sa dimension « utilitaire », une constitution a aussi une dimension « symbolique » qu'il ne faut pas négliger et qui consiste à exprimer des valeurs (liberté, égalité, justice, solidarité, etc.) et à produire des représentations valorisantes ou dévalorisantes. Or, y a-t-il une valeur plus valorisante que la dignité, fondement générique des DF de l'Homme et qui est en même temps la cause et le but de la révolution du 14 janvier (révolution de la dignité et pour la dignité) ?
10- La protection constitutionnelle des DSF est un gage de modernisation du droit. Elle plonge ses racines dans la modernité qui impose l'humanisme et met l'individu au centre du cosmos social.
* (Universitaire)


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