Le secteur informel est une activité qui échappe au contrôle, à la réglementation et à la comptabilité de l'Etat. C'est un secteur qui se nourrit de l'anarchie, qui vit dans l'anonymat et qui opère dans une opacité totale sans laisser de traces et ou le cash est Roi. C'est une économie dévastatrice et déloyale qui fait saigner les ressources budgétaires de l'Etat. Regroupant le commerce ambulant, les bazars à ciel ouvert comme le souk de Moncef Bey, le travail à domicile, les activités de dépannage, de réparation et de contrebande, l'économie parallèle a toujours existé en Tunisie mais a pris d'autres proportions et une autre ampleur après la révolution. Jadis détenue par les sbires de l'ancien régime, la contrebande est aujourd'hui aux mains de nouveaux barons qui profitent de l'anarchie régnante, de la complicité de certains partis politiques et de la faiblesse de l'Etat pour développer une activité de plus en plus florissante. Selon des études faites en 2010 par la banque mondiale sur l'économie parallèle tunisienne, sur l'ensemble des entreprises nationales, 35% opèrent dans l'informel, soit 524000 unités. Selon ces mêmes études 38% du PIB tunisien est assuré par ce secteur. D'après l'UTICA ce pourcentage dépasse les 50% après la révolution, distançant ainsi et de loin la norme de 20% fixée par les institutions internationales comme plafond pour les pays qui «se respectent » économiquement. Mais qui est responsable du développement spectaculaire de ce secteur ? Le premier responsable de l'explosion du commerce parallèle est incontestablement l'Etat. Les différents gouvernements qui se sont succédé depuis la révolution étaient jugés tolérants, complices et permissifs avec ce phénomène par péché de faiblesse et par calculs politiciens. Cette économie est bénéfique à un éventail de plus en plus large de la population et à titre d'exemple selon la chambre nationale des propriétaires des stations services, les contrebandiers profitent à hauteur de 60% des recettes de carburants (principal produit du commerce illégal), ce qui a aggravé les difficultés budgétaires de notre pays. D'après l'étude faite par la B.M, la contrebande et le commerce illégal entre la Tunisie et les deux pays voisins l'Algérie et la Libye 1500 font perdre à l'Etat 1.8 milliards de dinars par année dont la moitié comme droit de douane. Plusieurs réflexions ont été entreprises pour éradiquer ce phénomène et nous croyons savoir que la meilleure stratégie est d'abord de cerner les causes de cette économie avant d'étayer les conséquences et les dégâts. Et parmi les causes du développement de la contrebande, on peut citer en premier lieu le coût élevé des taxes douanières sur les marchandises importées, ensuite l'écart des prix appliqués de part et d'autre de la frontière et enfin l'absence d'alternatives d'employabilité dans les zones frontalières. Les remèdes existent et il suffit de quelques mesures courageuses pour éradiquer ce mal qui ronge notre économie. Réduire les écarts entre les tarifs des produits tunisiens et leurs équivalents algériens et libyens, réviser à la baisse les taxes douanières, réformer la fiscalité et renforcer l'autorité de l'Etat réduiraient considérablement les trafics de contrebande. L'enjeu du secteur informel réside dans sa complexité et sa dualité. Autant il représente un manque à gagner pour les recettes de l'Etat qui reste le premier pourvoyeur d'emplois autant il est l'unique source de revenus pour des milliers de personnes qui réinjectent ces revenus du secteur informel dans l'économie réelle et régulière.