Presque deux semaines se sont écoulées depuis le début du Ramadan 2014. Le mois des rites, des prières et du travail, mais inévitablement devenu le mois, des excès, du gaspillage et du marketing pur et dur ! Pourquoi fait-on le Ramadan d'ailleurs ? Je me suis aventuré, à maintes reprises, à poser cette question qui m'a toujours brûlé les lèvres à quelques personnes que je croise par hasard sur la route, à quelques amis. Ce que j'ai constaté, et je pense que vous avez sans doute fait la même chose, c'est que nous jeûnons plus par tradition que par conviction. Mais quelle tradition ? On dit du Mois Saint qu'il représente la période des appétits et de la gastronomie. Pas faux, avec tous les spots publicitaires qui nous bombardent lors de chaque rupture du jeûne. Des spots qui peuvent durer jusqu'à 10 minutes, dont l'objectif premier est de créer des besoins fictifs chez le consommateur. Après tout, ceci reste l'essence même du marketing : inciter à consommer. Mais là n'est pas le problème. Ce que je vois et ce que vous avez sans doute vu aussi, c'est le gaspillage incroyable de la nourriture que nous pouvons noter durant le Mois Saint. Les repas de la rupture du jeûne ont plus l'allure d'un dîner d'affaires destiné à une centaine de personnes que celle d'un repas préparé pour une seule famille. Dieu seul sait quelle quantité de nourriture sera jetée à la poubelle, faute d'un repas un peu trop festif. La consommation explose donc pendant le Ramadan. Chose qui se confirme, à en croire les statistiques du ministères du Commerce et de l'Artisanat. Les chiffres publiés rendent évidence des hausses qui suivent : -250% pour le thon -98% pour les oeufs (briques obligent !) -50% pour les viandes bovines -38% pour les viandes blanches -69% pour le yaourt -135% pour le pain Face à ces augmentations, les autorités se sont retroussées les manches. Concernant le lait par exemple, près de 51 millions de litres ont été stockés. 35 millions d'unités emmagasinés pour les oeufs. Pour la viande, on enregistre quelques 2 000 tonnes stockés, avec 3 000 tonnes supplémentaires importées. Pour l'eau, ce sont environ 60 millions de bouteilles qui ont été stockées. Des chiffres astronomiques, qui doivent nous rappeler un fait capital : en Tunisie, même si nous vivons dans un pays en développement qui a du mal à trouver la voie après la révolte du 14 janvier 2011, une grande partie de la population a la possibilité de “magner” et de “boire” à la rupture du jeûne. Autrement dit, un pays où nous avons encore la chance de manger à notre faim, bien qu'il existe tout de même des concitoyens qui ne profitent pas de ce privilège. Nous avons tendance à oublier ce fait, moi le premier je ne vous le cache pas. Après l'appel à la prière du Moghrob d'un certain samedi 5 juillet 2014, je me suis brièvement penché sur la question du gaspillage, me rendant compte du privilège dont jouissent la plupart des tunisiens. Je ne vous écris pas en tant que donneur de leçons, loin de là. Qui suis-je après tout pour me permettre de le faire ? Mais j'écris ceci car ça me tient à coeur : le Ramadan, ce n'est pas uniquement le mois de la consommation, c'est surtout le mois du partage, là où l'on se rend compte de la chance que nous avons de pouvoir manger, boire et vivre même. Nombreuses sont les personnes qui le voient comme une dure épreuve où il faut renoncer à la nourriture, ou, en d'autres termes le mois de la sous-alimentation, oubliant par conséquent le plus important : que ce soit dans le monde ou en Tunisie, enfants, femmes ou hommes vivent encore sous le seuil de la pauvreté et ressentent une faim et une soif bien plus déchirantes que celles nous ressentons une fois par an pendant un petits mois. Bref, bon Ramadan à toutes et tous...