«Nous sommes aujourd'hui dans un contexte de liberté et nous pouvons nous défendre». Abderrazek Ben Mahmoud, doyen des promoteurs immobiliers tunisiens, résume bien l'état d'esprit qui anime aujourd'hui ses pairs. Ceux-ci ne sont plus disposés à se taire, et encore moins courber l'échine, comme ils étaient forcés de le faire sous le régime de Ben Ali. Joignant le geste à la parole, ils se sont réunis, mardi 1er mars 2011, à l'initiative d'ORSAF (Organisation Salons et Foires), l'organisateur du Salon de l'Immobilier Tunisien à Paris (SITAP), et de la Chambre des promoteurs immobiliers, pour clamer tout haut ce qu'ils avaient jusque-là l'habitude de chuchoter entre eux. Le premier à mettre les pieds dans le plat n'est autre que le père spirituel des promoteurs immobiliers, Abderrazek Ben Mahmoud. «Le promoteur ne sait plus où il en est», constate le patron du groupe éponyme. Avant de déclarer aux siens: «Nous ne devons pas nous présenter individuellement à l'administration -car elle ne ferait qu'une bouchée de nous- mais en groupe». Et comme pour donner l'exemple, il annonce la création, à l'initiative des chambres des promoteurs immobiliers de Tunis et de Ben Arous, d'un «Club des promoteurs immobiliers» basé au Lac et dont le but sera de «nous rapprocher». Car «l'union fait la force». Déterminés, ainsi que l'affirme Hamadi Lahmar, responsable de la communication d'ORSAF, à se battre pour «tirer l'image du secteur et la qualité de ses produits vers le haut», les promoteurs immobiliers affirment à la fois applaudir la Révolution et être «préoccupés par la situation du secteur». La conjoncture actuelle qui se caractérise par l'arrêt quasi-complet des ventes et l'énorme stock de logements invendus n'est pas leur sujet de préoccupation. De sujets de tracasserie, on en compte au moins trois: l'autorisation du gouverneur pour la vente de biens immobiliers à des étrangers, l'accès à la «matière première» des promoteurs immobiliers, les terrains en l'occurrence et, partant, les relations avec l'Agence Foncière de l'Habitat (AFH), et avec d'autres entreprises publiques SNIT et SPROLES. Abordés par le passé avec moult pincettes, la question de l'autorisation du gouverneur est aujourd'hui mise sur la table avec force. «Il faut annuler l'autorisation du gouverneur pour développer la vente à l'étranger, avant le prochain SITAP ou tout autre salon», propose Anis Ben Jemaa, patron de Hiya Immobilière. Appuyant cette demande, Larbi Mallekh, ancien ministre du temps de Bourguiba- reconverti dans l'immobilier, rappelle que ce sésame très difficile à obtenir entravait les transactions immobilières en particulier avec les Algériens et les Libyens. Un troisième promoteur abonde dans le même sens en indiquant qu'il attend depuis deux ans et demi une autorisation en vue de concrétiser avec un acheteur étranger. La fameuse autorisation peut également être refusée pour des raisons politiques, de surcroît- tenant au promoteur et non à l'acheteur. Mohamed El Fendri, directeur général de la société de promotion immobilière Elimrane (groupe Amen Bank), est quant à lui convaincu que le maintien de la disparition totale de l'autorisation du gouverneur est préjudiciable. Si la situation tunisienne démontre le premier cas de figure, le cas du Maroc illustre, à ses yeux, le second. "L'expérience marocaine, où l'arrivée des étrangers sur le marché a notamment fait flamber les prix, démontre le danger d'annuler cette autorisation", note M. Fendri. Aussi, le DG d'Elimrane propose-t-il de s'inspirer de l'approche de l'Ile de Malte où l'autorisation du gouverneur que pour les biens immobiliers dont le prix est supérieur à 120.000 dinars ou plus. «De cette manière, on évite de faire flamber les prix et de pénaliser les Tunisiens à faible revenu». (A suivre)