Une journée vraiment pas comme les autres sur laquelle nous tous reviendrons encore et encore pour en distiller le goût très singulier. Car tout ce qui en fait l'essence est ce point touffu, empli d'innombrables détails aussi significatifs les uns que les autres, qu'il a besoin d'un temps de maturation, une transition de ce qui pourrait être compris comme un songe à une réalité dont l'impact pèsera très durablement sur notre avenir à tous. Mais commençons par ce qui s'est passé à l'extérieur du bâtiment abritant la Constituante (l'ancien palais du Bardo) où près d'un millier de manifestants représentant la large société civile et les familles des martyrs faisaient clairement passer un message fort à l'adresse des nouveaux élus de la Constituante. Et voici les revendications de ce message géant écrit sur les pancartes, les affiches, les simples feuilles de papier et aussi crié à gorge déployée et même taggé sur la voie publique dans toutes sortes de couleurs à la bombe: - en premier lieu, l'égalité homme/femme - puis en corollaire l'inviolabilité du Code du statut personnel - vient ensuite la liberté d'expression, de création et de manifestation - et, dans le même sens, l'urgence du cantonnement de la religion aux lieux de culte - après cela, l'exigence du retour au peuple dans chaque grande décision - et aussi refus de l'ingérence étrangère dans les affaires de la Tunisie... - et évidemment la fidélité aux martyrs de la Révolution... La liste peut se poursuivre encore après ces messages qui sont les plus repris par les manifestants. Et tout cela ne veut dire qu'une chose: la nécessité d'une Constitution d'esprit civil et donc d'une Assemblée Constituante vouée à la modernité des Tunisiens. Allons maintenant à l'intérieur de l'Assemblée. La première chose frappante, c'est qu'il n'y eut pas d'incident à part une ou deux petites choses très minimes qui peuvent arriver dans n'importe quel Parlement d'un pays développé. La seconde chose, c'est le déroulement de la totalité des processus de cette première journée dans les formes simples (mais qui ne trompent pas) de la démocratie. Une organisation orchestrée comme du papier à musique alors que, tout de suite, les membres le plus âgé et le plus jeune président la première séance pour coordonner les premières parties du programme de la journée. Arrive alors le président Fouad Mebazaa qui est accueilli avec le respect dû à sa dignité. Puis c'est la récitation de la Fâtiha et le chant de l'hymne national avant l'allocution de Mebazaa suivie attentivement par tous et portant ses vux pour la réussite de la Constituante et de la Tunisie. Le tout en présence de tous ceux qui ont permis la survie de la chose la plus sacrée dans un pays civilisé: la continuité de l'Etat! Avant d'être raccompagné dans les formes, Mebazaa rend donc hommage à une administration patriotique et neutre et au dévouement des membres du gouvernement, de l'armée et des forces de sécurité ainsi que les différentes instances et commissions mises en place depuis la révolution et, spécialement, aux martyrs de la Révolution. Puis les choses sérieuses ont commencé après que tous les membres ont prêté serment. Des choses toutes simples mais que nous n'avons jamais éprouvées et c'est ce qui fait le goût incomparable de la journée du 22 novembre 2011!