Les œuvres récentes de Mohamed Chelbi, dont le vernissage avait lieu à la galerie Artishow, samedi dernier, ont eu un vif succès auprès du public de cet espace plutôt habitué à des mostra singulières et toujours en quête de nouveau. Deux semaines avant cette manifestation, nous avions eu le désir de rendre visite à l'atelier du peintre, sis au Kram-front de mer. Voici les impressions que nous en avons retenu surtout à l'endroit du travail métaphorique et poétique au sujet des singes et des hommes. Un thème qui, depuis très longtemps, ne laisse pas indifférent. Surtout dans le domaine de l'art. L'atelier de Mohamed Chelbi est un véritable dédale que l'on traverse comme une forêt de songe. C'est un univers touffu, inattendu, à l'image de celui des surréalistes où l'étrangeté des objets réalisés par l'artiste vous surprend‑: des sculptures/assemblages, des beautés sans destination précise que celle du lieu et, surtout, des œuvres peintes, beaucoup d'œuvres exécutées sur toiles, papiers, cartons, bois. On y voit des portraits humains saisissants. Et jusqu'à cette dernière série où Mohamed Chelbi s'est mis à l'idée de singer le monde, grâce aux primates et dont on dit que c'est d'eux que nous descendons, plutôt que d'Adam et Eve. Ces simiens à la face nue, au cerveau développé, aux membres inférieurs plus petits que les membres supérieurs, ont été choisis d'une manière caricaturale pour montrer à quel point nous leur ressemblons ou pour se moquer des travers de l'homme qui se prend pour le nombril du monde, qui fait le mâle (et du mal), qui fait le malin, c'est-à-dire le méchant, dans la signification première de ce vocable. Dans la lignée directe des grands moralisateurs L'artiste a d'ailleurs mis son dévolu sur diverses espèces de cette famille de mammifères pour exprimer, dans sa peinture, les allures comiques ou désabusées, l'imitation maladroite ou caricaturale‑: le chimpanzé, le gorille, l'orang-outang, le macaque et jusqu'aux primates intermédiaires entre l'homme et le singe. Et comme l'on dit, tout ce beau monde-là est mis en scène comme à travers une ménagerie où ce serait encore l'homme qui ferait le singe, surtout que Mohamed Chelbi dépeint avec une certaine précision les portraits de ceux de son entourage dont il a relevé des traits de caractère bien singuliers et qu'il le leur fait payer… en monnaie de singe! Des toiles de divers formats, peintes d'une manière très gestuelle, s'attachent ainsi à nous montrer ces expressions bien singulières qui sont à la fois le propre de l'homme et du singe et que l'artiste confond sciemment, pour nous démontrer leur parenté très lointaine dans le temps. Il y a aussi ces centaines de dessins (gouaches et fusains sur carton), images encore plus déformantes des visages pour illustrer ce «procès de singe» loufoque que l'artiste fait à l'endroit de ses frères humains. Ce travail à la fois métaphorique et poétique est un véritable exercice de style dans la recherche picturale actuelle et aussi un digne hommage à ces mammifères primates inoffensifs qui nous ressemblent tant, et que nous vénérons et moquons tout à la fois, de peur qu'ils ne nous montrent nos véritables travers dans le fait même de nous singer à leur tour. Il va sans dire aussi que cette démarche, caricaturale, s'inscrit dans la lignée directe des grands moralisateurs d'Esope à La Fontaine et tous ceux qui articulent leur pensée sur les proverbes et autres adages pour illustrer les bonnes ou mauvaises vertus chez l'homme. Enfin, et en dehors de toutes ces considérations qui peuvent être interprétées comme des prétextes à la peinture, ces œuvres recèlent d'importantes motivations à l'esthétique où le fait de se consacrer à un sujet important du bestiaire, comme chez d'autres artistes avant lui (l'âne, le zèbre, le dromadaire…), est une démarche originale dans nos murs.