La convention sur l'investissement que la Tunisie a signée avec l'OCDE constitue une voie de parade à la dégradation du rating souverain de notre pays. Mais tout en ayant pris une direction juste, pourrons-nous l'accompagner des réformes nécessaires? Gare, ce pari sur l'avenir, n'est pas gagné d'avance! La simultanéité des deux événements est à relever. Le jour même où Standard & Poor's nous pénalisait, l'OCDE nous intégrait, en quelque sorte. Ces deux éléments, quasiment opposés, ne se neutralisent pas, contrairement à ce que certains pourraient penser. Le déclassement financier est à effet immédiat. L'émancipation par l'OCDE est à effet différé. Et, non encore acquis d'avance. On peut dire que la résultante des deux est une prime de benchmarking, que nous reconnaît l'Organisation. Il faut savoir la monnayer à l'avenir par des partenariats et des alliances d'envergure. Dans l'univers où nous venons d'obtenir le ticket d'entrée, les opportunités ne manquent pas. L'OCDE est structurée en trois étages. L'étage supérieur est occupé par les économies «Major», le second est celui des BRIC (Brésil-Russie-Inde-Chine) et enfin le troisième est celui des pays engagés dans la course à l'émergence. Nous jouons sur un terrain favorable. Comment dès lors transformer l'essai? Comment se servir des vents contraires? La lisibilité des événements jumeaux, dirions-nous, dicte une lecture précise. La perte du grade investisseur est une relégation, cela ne fait pas de doute. Nous ne perdons pas, tous simplement deux échelons. Nous sautons de wagon. Nous étions dans une catégorie où nous pouvions faire valoir notre individualité. Nos traits d'exception se trouvent gommés de facto. Adieu notre résilience aux chocs extérieurs. Oublié l'assimilation des opérateurs non résidents à qui on consentait les avantages et incitations octroyées aux résidents et qui constituait un facteur de fidélisation. Depuis le 23 mai 2012, on voyage, en classe économique. Plus de place assise, on voyage debout. L'argument de S&P met à l'index notre solvabilité. On a payé pour nous. Les USA ont réglé la Banque africaine de Développement. Et, nous avons puisé dans notre bas de laine pour avoir un prêt qatari afin de régler la Banque mondiale. L'appoint des bailleurs de bienfaisance est vu comme un paravent à notre risque de défaut, laissent entendre les analystes de S&P. C'est un recours, en dernier ressort, c'est comme dans les crédits bancaires quand on fait intervenir la caution ou que l'on met en jeu les garanties. Le non-dit est qu'en l'état, nous avons des difficultés de refinancer. Dans ces conditions, comment allons-nous faire pour trouver de quoi financer le retour de la croissance, alors que les marchés nous seront moins ouverts? L'oracle de l'OCDE C'est sous cet angle que la convention avec l'OCDE prend tout son relief. L'agence de notation nous a laissé sous entendre que nous sommes mal barrés pour faire bouger les lignes. En mal de remboursement, le pays est mal loti pour s'endetter en vue de faire repartir son économie. La convention vient suppléer ce handicap. C'est un affluent d'investissement, considérable, auquel nous nous sommes connectés. Cependant, tout l'investisseur international est capricieux et par-dessus tout exigeant. Il exige un périmètre d'affaires étendu et sans «frottements». Cela nous met en demeure de mener des réformes profondes pour formater notre environnement d'investissement à leurs conditions. C'est le prélude nécessaire à l'afflux d'investissement. Plus de facilitation, moins de bureaucratie, une meilleure fiscalité de la flexibilité du travail et tutti quanti. Ces réformes, l'air de rien, sont très dures à réaliser. L'auteur du Plan Jasmin était exaspéré par la vision trop naine de nos chefs d'entreprise qui voyaient petit, selon lui (Lire l'article). Pour bien brasser au sein de l'OCDE, il faut donc négocier des partenariats et des alliances pour des projets structurants et d'envergure. Là où le bat blesse, c'est que les agences de notation ont dénié au gouvernement actuel le potentiel de changer la donne. Nous voilà donc édifiés sur le challenge à venir: celui de réformer le pays en profondeur. Cela se ramène à un pari pour «Mieux d'Etat». Alors, les circonstances actuelles permettent-elles l'austérité qu'on peut résumer par moins de dépenses publiques et plus de flexibilité du travail? Ces réformes sont-elles, socialement, soutenables, en ce moment? C'est un combat très dur. D'expérience, nous savons que son issue dépend du bon moral des troupes. Sommes-nous dans ce cas de figure. Toute la question est là. -----------------