Premier investisseur de la région avec, à ce jour, près de 250 millions de dinars injectés dans son projet-, cette société a l'ambition et la volonté d'aider Bizerte à sortir de son quasi-enclavement, en l'aidant à se doter d'un nouvel ouvrage. Le bien peut, parfois, se muer en mal. Les Bizertins l'ont appris à leurs dépens au cours des dernières années. Lorsque le pont reliant Bizerte à l'extérieur est entré en service en 1980, leur permettant de gagner du temps dans leurs déplacements, les habitants de cette ville ont applaudi. Aujourd'hui, ils pleurent, ou presque, parce que l'agglomération du nord est malade de ce pont conçu à l'origine pour la soulager. Car à chaque fois que celui-ci se lève -en moyenne trois fois par jour- pour laisser passer les navires, les automobilistes peuvent se trouver bloqués pendant près d'une heure, à l'entrée ou la sortie. Surtout que, conçu pour permettre la circulation de 8.000 automobiles par jour, le pont mobile en subit aujourd'hui plus de 60.000. Une situation pénalisante, économiquement, en raison de la perte de temps, donc d'argent, pour les habitants de la région et les entreprises qui y opèrent. Marina Bizerte est l'une d'entre elles, dont les dirigeants et les employés, répartis entre cette ville du nord et Tunis, s'efforcent, quand ils doivent se déplacer dans un sens ou dans l'autre, de se renseigner sur les heures de levée du pont pour éviter d'être bloqués. Une mésaventure qui est arrivée récemment à deux d'entre eux, alors qu'ils accompagnaient un journaliste pour une visite au chantier de la Marina. Le groupe a dû attendre près d'une heure avant de pouvoir entrer dans Bizerte. Les autorités semblent vouloir, enfin, essayer d'y apporter une solution à ce problème qui s'aggrave avec le temps. D'autant qu'à la faveur du changement que connaît le pays depuis le 14 janvier 2011, la population de la région la réclame avec de plus en plus de force et d'insistance. De ce fait, en réponse à cette exigence, on commence à évoquer le creusement d'un tunnel sous le canal de Bizerte. Une idée que rejette Kaïs Guiga, un des actionnaires de Marina Bizerte. Grand connaisseur de la région, cet homme d'affaires visionnaire a longuement réfléchi sur cette question et a fini par trouver une solution beaucoup moins coûteuse 40 à 50 millions de dinars, contre «300 millions de dinars au moins pour le projet de tunnel», assure notre interlocuteur. Kais Guiga propose de réaliser un dispositif composé «d'un pont basculant à l'embouchure du lac de Bizerte, d'une hauteur maximum de 10 m pour laisser passer les petites embarcations, complété par différents axes routiers permettant de canaliser le trafic vers l'autoroute (Bizerte-Tunis) et les autres villes et villages de la région». Selon l'actionnaire de Marina Bizerte, le pont à basculement présente en outre l'immense avantage de ne pas nécessiter de maintenance. Car il ne nécessiterait, d'après lui, qu'une simple pompe alimentant en eau -du canal- un bac commandant la levée et l'abaissement du pont, là où l'actuel ouvrage fonctionne avec un complexe dispositif hydraulique dont la maintenance coûte près de 400.000 dinars par an. Ayant validé et adopté l'idée, Marina Bizerte l'a récemment soumise au gouvernement. Lors d'une récente visite en Tunisie, Pascal Bowens, administrateur du groupe CFE, autre actionnaire de cette société, en a discuté avec Ridha Saïdi, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des Dossiers économiques. Il a même proposé de financer l'étude de faisabilité du pont qui a déjà commencé- et de mobiliser des financements belges dans le cadre de la coopération tuniso-belge, pour en assurer la réalisation. Le dossier devrait donc, en toute logique, pouvoir maintenant avancer rapidement. Pour le plus grand bonheur des Bizertins.