La loi d'organisation des pouvoirs provisoires nous a-t-elle déjà précipités dans le piège du parlementarisme? Amère désillusion. On aura donc voté une fois dans notre vie! La précipitation des évènements, ces derniers temps, a de quoi nous inquiéter quant à l'aboutissement de la transition dans notre pays. L'affaire Baghdadi Mahmoudi -et ses dessous- est venu jeter un supplément de trouble. Les tractations y afférentes signent le retour de l'opacité et de l'argument de la raison d'Etat. Cela sent de loin l'absolutisme. Par ailleurs, la fixation, sans relâche, malgré tout le travail d'argumentation qui a été avancé, sur la personne du gouverneur de la Banque centrale, n'est pas non plus de meilleur augure. L'une et l'autre affaires ont été conduites dans les conditions précipitées qu'on connaît, à cause de calculs sans doute «intéressés». Ancien Premier ministre, Baghdadi Mahmoudi embarqué au point du jour, à cinq heures du matin, en catimini. Une annonce de destitution qui commence à circuler tard dans la soirée sur la Toile. Pour le moins, nous sommes loin des usages et coutumes administratifs transparents. On voit l'Assemblée nationale constituante, mise de côté, totalement «out», hors circuit, et des institutions qui se hiérarchisent dans un ordre qui présage d'un régime parlementaire. Où allons-nous? Le «noyautage» institutionnel Le peuple a accepté de payer le prix d'une révolution dans l'espoir d'instaurer l'alternance, c'est-à-dire le changement de majorité parlementaire et le changement des équipes au pouvoir. Or, que voyons-nous? La présidence de la République se range à l'idée de l'hégémonie du chef du gouvernement. Ce dernier a expédié Baghdadi Mahmoudi, fort d'une sentence judiciaire mais décidant seul de la date, et sans référer à la présidence de la République, quant à la finalisation de l'opération. Avec ce quasi putsch procédural, il signe donc le message de sa suprématie institutionnelle inféodant la présidence de la République et mettant hors circuit la Constituante. En revanche, on voit un président de la République qui quémande l'accord du chef de gouvernement pour la destitution du gouverneur. Le président admet donc sa «minorité» institutionnelle et s'oblige, alors qu'il n'y a pas eu réciprocité procédurale, à solliciter le blanc seing du chef du gouvernement. Ce déséquilibre institutionnel, consommé, nous installe de facto dans un cadre de régime parlementaire. On sait ce que cela signifie: la domination d'un parti sur l'appareil d'Etat. Triste sort! Tout ça pour ça! Il y a déni de souveraineté populaire. On ne mérite pas ça. Et cette domination est étendue à la sphère représentative. Demain à l'Assemblée, qui pourra se dresser contre le projet du régime parlementaire que défendra Ennahdha qui sortira requinquée de son congrès avec un élan politique à tout va? Le scénario d'implosion de la Troïka est très éloigné. La seule façon d'exister pour les partis satellites sera de coller à la fusée porteuse d'Ennahdha. Le délitement d'Ettakatol le résignerait à rester sur son orbite actuelle. La désobéissance des élus du CPR pour la question du FMI ne pourrait, selon notre appréciation, délégitimer le Dr Moncef Marzouki auprès de ses bases populaires. Nous voilà bien dans une situation figée. Les élections, aux oubliettes? Le passage en force dans les deux affaires ne fait pas de doute. Dans les deux cas, on savait que l'effet en retour serait lourd pour le pays. La révolution tunisienne serait éclaboussée par ce manquement aux droits de l'homme. L'éviction de Mustapha Kamel Nabli sera lourde de conséquences. Le gouverneur a si bien plaidé sa cause que sa succession est désormais sujette suspicion. Trop indépendant, trop technicien, trop compétent. Que peut être son successeur? Au grand jamais il ne bénéficiera du préjugé favorable. Tout le monde le présentera comme déjà aux ordres. L'ennui dans ce panorama est que l'on voit s'éloigner la date de l'éventuel scrutin. La date butoir du 23 octobre pour la rédaction de la Constitution tiendrait-elle? Quand bien même on la respecterait, les élections ne pourront pas suivre de sitôt, ne serait-ce que pour des raisons matérielles. D'expérience, l'ISIE a bien dit qu'il fallait 8 mois pour l'inscription définitive des électeurs. Or à ce jour, l'instance n'est pas sur pied. A moins d'un miracle mais tout est mis en place de sorte à ce que les urnes nous reconduisent le même paysage politique.