La bonne gouvernance un programme pour le futur L'environnement politique et économique de la Tunisie était très centralisé, ce qui, pour les pouvoirs publics, était à la fois une force et une faiblesse. Les problèmes de gouvernance se sont exacerbés durant la dernière décennie, en matière notamment de corruption, d'efficacité gouvernementale et de responsabilité. S'agissant plus particulièrement de l'indicateur «Participation et responsabilisation» (voice and accountability), la performance était plus faible en 2010 qu'en 2000, et plus faible que la moyenne des pays du MENA en 2010 (Graphique 1). Le caractère incontestable du régime s'est traduit par un faible niveau de transparence et de la redevabilité. L'opinion publique était contrôlée et surveillée de près, et les informations filtrées et censurées, y compris les données économiques. Le système politique s'appuyait sur une administration centralisée pour influencer ou intimider la population par différents biais: parti politique, police, justice, administrations fiscales, etc. A l'instar de nombreuses dictatures, le régime tunisien reposait sur un pacte autoritariste: une obligation de loyauté à l'égard du régime en contre partie de la jouissance d'une stabilité politique, la sécurité de l'emploi et d'autres avantages. Graphique 1: Indicateurs de gouvernance - Rang-centile (0-100) de la Tunisie en 2000 et 2010 Le système fonctionnait tant que le régime pouvait offrir suffisamment d'emplois et de ressources pour combler les attentes de la population. Il s'est toutefois essoufflé ces dernières années. Les problèmes de gouvernance se sont aggravés, le taux de chômage a progressé, comme l'a été le montant des subventions. Depuis 2000, ce montant a triplé, passant de 10 % des dépenses publiques pendant la période 2000-2004 à 15-20 % ces dernières années (Graphique 2), malgré les efforts consentis par le gouvernement en vue de réduire progressivement le budget des compensations (subventions aux produits de base). Face à la hausse des prix internationaux des produits de base, il était devenu difficile de maintenir les subventions. Les transferts sociaux et les subventions servaient en outre à compenser le salaire minimum, dont le niveau a été maintenu bas afin de préserver la compétitivité-prix de la Tunisie. Les transferts sociaux ont ainsi été maintenus ces dix dernières années à un niveau élevé de 19% du PIB. Néanmoins, les statistiques officielles du PIB par habitant ont masqué les tendances réelles en matière de bien-être de la population: les citoyens ont souligné la baisse du bien-être pendant que le PIB par habitant officiel augmentait (Graphique 3). Avec le temps, un sentiment d'injustice a gagné la population, notamment la jeunesse éduquée, qui ne pouvait se contenter des emplois que leur offraient les industries intensives en main-d'uvre basées sur la compétitivité-prix. Ce sentiment d'injustice a également grandi face au manque de liberté et de transparence et à la capture croissante des rentes de la part de l'élite dirigeante, pendant que la jeunesse éduquée ne trouvait pas d'emplois décents. Graphique 2 : Subventions (y compris transferts) en % des dépenses totales et Graphique 3 : PIB par habitant comparé au bien-être L'augmentation d'une corruption centralisée et la recherche de rentes par l'élite dirigeante ont coïncidé avec la période de la libéralisation économique, ce qui a favorisé la concentration du pouvoir économique entre les mains de l'élite, à travers les interférences dans les processus de privatisation et la passation des marchés publics. De nombreuses privatisations clés ont été effectuées sans la transparence, parfois pour des raisons politiques (maintenir certains secteurs stratégiques sous le contrôle des pouvoirs publics), mais également du au comportement de la recherche de rentes de la part de l'entourage de l'ancien président. Ce qui a permis le développement des biens et entreprises mal acquis, y compris dans les domaines de l'immobilier, des médias, du transport, des banques, des télécommunications, du tourisme et de la distribution. De nombreuses activités essentielles, comme par exemple la vente de voitures au détail (Peugeot, Ford, Jaguar, Hyundai, Kia, Porsche, etc.), sont ainsi passées aux mains de membres de la famille de l'ancien président, qui bénéficiaient de prêts bancaires à faibles taux et de licences d'importation attribuées de manière non transparente. Les sociétés «Le Moteur» (distributeur de Mercedes et Fiat) et «Ennakl» (Volkswagen, Audi) ont été privatisées et cédées aux gendres de l'ancien président. Il va donc de soi que les Tunisiens se préoccupent tant de la question de la corruption, considérée par 86 % de personnes interrogées comme un grave fléau socioéconomique. De plus, le fait que les principales entreprises du pays aient appartenu à l'entourage de l'ancien président ou aient été sous leur influence a suscité des suspicions autour du climat des affaires dans le secteur privé, y compris pour les sociétés étrangères (Graphique 4). Des grands projets, y compris étrangers, étaient surveillés et exposés aux interférences politiques. L'opinion politique et les relations avec les personnalités politiques étaient susceptibles d'influer le cours des affaires. A suivre : Repenser le rôle de l'Etat : créer de l'espace pour le secteur privé Source : BAD