• «Il existe un réel besoin de mettre en place un système de contrôle et de contre-poids entre le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire», d'après une étude de la BAD • «La simplification des procédures administratives complexes pourrait faciliter la mise en place d'un système plus transparent, plus compréhensible et plus efficace», explique l'étude Est-ce qu'une simple tenue des élections, dans les délais convenus, est suffisante pour que la Tunisie devienne un modèle révolutionnaire? D'après l'étude réalisée par les équipes de la Banque africaine de développement (BAD), intitulée « Défis économiques et sociaux post-révolution», pour devenir un modèle générateur de changements, il faut que «les causes profondes de la révolution et les facteurs qui l'ont déclenchée soient traités». Ainsi, toutes les parties prenantes du pays, notamment les équipes dirigeantes, les partis politiques, les opérateurs privés et la société civile sont appelés à conjuguer leurs efforts pour proposer un nouveau modèle de développement qui rompt définitivement avec les pratiques et les politiques défaillantes qui ont pesé lourd sur le développement du pays. «Le schéma de croissance et la politique structurelle du pays devraient être reconsidérés afin de promouvoir une croissance inclusive et de réussir la transition économique vers un niveau de développement supérieur», mentionne l'étude. A cet égard, une meilleure gouvernance se présente comme l'une des réponses à l'opacité des marchés ainsi qu'une arme redoutable contre les pratiques de malversation, de clientélisme et de corruption. Ainsi, instaurer de nouvelles règles, respecter les normes et standards internationaux ainsi que la diffusion d'une nouvelle culture d'entreprise et promouvoir l'entrepreneuriat est de nature à assainir le climat des affaires et apaiser les tensions sociales. A cet effet, «la révolution et le processus de démocratisation en cours en Tunisie représentent une opportunité sans précédent de se défaire des goulots d'étranglement qui ont jadis entravé le développement du pays», mentionne l'étude. En effet, pour atteindre un niveau de croissance supérieur, susceptible de répondre aux attentes pressantes des citoyens, «l'économie tunisienne devra diversifier son industrie et ses partenaires commerciaux, promouvoir une culture d'entrepreneuriat et des innovations pilotées par le secteur privé, et accroître son exposition à la concurrence mondiale, y compris dans le secteur onshore et certains secteurs des services». Parallèlement, pour satisfaire les besoins inhérents à une éventuelle croissance, il convient d'«adapter le système éducatif pour fournir des compétences adéquates aux besoins du secteur privé et accroître l'efficacité du marché du travail par l'assouplissement des règles combiné avec des programmes plus ciblés pour les chômeurs pour contribuer à réduire le chômage des jeunes», peut-on lire dans ce rapport. Pour ce qui est de l'environnement politique et économique de la Tunisie, les experts le qualifient de «très centralisé». Ce qui s'est traduit par des problèmes de gouvernance exacerbés durant la dernière décennie, en matière notamment de corruption, d'efficacité gouvernementale et de responsabilité. «L'opinion publique était contrôlée et surveillée de près, et les informations filtrées et censurées, y compris les données économiques. Le système politique s'appuyait sur une administration centralisée pour influencer ou intimider la population par différents canaux : parti politique, police, justice, administrations fiscales, etc.», explique le rapport. Et ce système fonctionnait tant que le régime pouvait offrir suffisamment d'emplois et de ressources pour combler les attentes de la population. «Il s'est toutefois essoufflé ces dernières années», rappelle l'étude. Les problèmes de gouvernance se sont aggravés, le taux de chômage a progressé, comme l'a été le montant des subventions. Graphiques à l'appui, «depuis 2000, ce montant a triplé, passant de 10 % des dépenses publiques pendant la période 2000-2004 à 15-20 % ces dernières années, malgré les efforts consentis par le gouvernement en vue de réduire progressivement le budget des compensations (subventions aux produits de base)». En somme, les lourdeurs administratives des services publics apparaissent comme le facteur le plus problématique pour les affaires, et les règlementations sont jugées relativement contraignantes, ce qui porte atteinte à la compétitivité du pays. Des réajustements à court terme et des réformes structurelles A court terme, la première recommandation est l'amélioration de la transparence. «La transparence concernant les informations et les données publiques est essentielle pour rétablir la confiance de la population dans le système», explique l'étude. Une diffusion systématique des informations est de nature à améliorer de manière significative le climat des affaires, en donnant un signal fort de changement dans les cultures et comportements des administrations. La deuxième consiste en l'accroissement de la participation des citoyens aux affaires et la redevabilité (accountability) des pouvoirs publics. A cet égard, il existe un réel besoin de mettre en place un système de contrôle et de contre-poids entre le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. La troisième recommandation s'articule autour du renforcement du système bancaire. A long terme, le document soutient la réduction du poids du secteur public dans l'économie. D'ailleurs, «le rôle dominant du secteur public dans les domaines clés de l'économie a exacerbé les problèmes de gouvernance et a limité le développement du secteur privé ». Ainsi, il est nécessaire de revoir le cadre de gouvernance des entreprises publiques, y compris du secteur bancaire. Deuxièmement, l'équipe dirigeante est appelée à engager des travaux en vue de promouvoir l'environnement des affaires et veiller à préserver les règles de la concurrence sur le marché. D'après l'étude, bien que le cadre institutionnel de la Tunisie soit performant au regard des normes internationales, la pratique n'était pas toujours conforme aux dispositions législatives, notamment dans le secteur onshore. «L'application de règles claires à toutes les entités sans exception, la transparence dans les sanctions et les pénalités, et la transparence dans les prises de décision, y compris celles relatives aux processus d'appel d'offres, d'autorisations, etc., sont autant de mesures susceptibles de réduire l'incertitude et, par ce biais, l'aversion au risque». De même, «la simplification des procédures administratives complexes pourrait faciliter la mise en place d'un système plus transparent, plus compréhensible et plus efficace».