«Ou il n'y a pas d'argent, ou l'appareil ne fonctionne pas ou il n'a pas été possible de joindre votre agence, ou il n'y a pas de réseau », se lamente le client d'une banque tunisienne évoquant les Distributeurs Automatiques de Billets (DAB), installés dans tous les coins de rue. Un discours qu'il faut somme toute tempérer. Mais les défaillances ne s'arrêtent pas à ce seul niveau. Constats. Samedi 9 novembre 2012. Il est 17h30. Ramzi, ingénieur en informatique dans une entreprise de progiciels, quitte son bureau dans la région du Lac de Tunis. Un rendez-vous avec un client l'a empêché d'aller à la banque entre 12h30 et 13h30. «Je n'ai même pas mangé quelque chose de la journée», souligne-t-il. C'est donc tout naturellement qu'il va retirer un peu d'argent dans un Distributeur Automatique de Billets (DAB) ou Guichet Automatique Bancaire (GAB). Premier distributeur, deuxième, troisième, quatrième et puis cinquième, et c'est toujours la même réponse. Le distributeur affiche qu'il ne lui est pas possible de retirer de l'argent. Il faudra qu'il fasse deux autres distributeurs pour qu'il trouve chaussures à ses pieds. Il lui faudra pour cela parcourir en tout presque 20 kilomètres. Fait exceptionnel? Malheureusement non! Une fois sur deux ça bloque Que vous possédiez une carte ordinaire ou une carte Visa, vous êtes presque toujours logé à la même enseigne lorsque vous vous adressez à un distributeur. Témoignage, celui de Naceur, médecin aux urgences dans une clinique de la banlieue sud de Tunis: «Une fois sur deux ça bloque». Il se lamente: «Ou il n'y a pas d'argent, ou l'appareil ne fonctionne pas, ou il n'a pas été possible de joindre votre agence ou il n'y a pas de réseau ». De quoi se demander si les banquiers ont conscience de l'utilité de ces distributeurs pour leur clientèle et du rôle qu'ils jouent pour désencombrer davantage les guichets des banques. «Mais pourquoi a-t-on prévu les cartes de retraits?», s'interroge, à juste titre, un qualiticien qui a assuré des audits au niveau de l'accueil. Réponse: pour permettre précisément aux agents de prendre en charge tous ceux qui viennent à la banque pour demander un autre service que celui de retirer de l'argent: procéder à l'ouverture d'un compte, faire un virement, déposer une demande de crédit, s'informer sur les moyens de monter un projet... Et il poursuit: «les banquiers ont déjà beaucoup à faire comme ça pour qu'on leur ajoute de nouvelles tâches!» On peut s'arrêter ici ! Et le qualiticien de préciser: «Dans la plupart des banques européennes, le retrait au guichet fait partie des tâches quasi exceptionnelles. Dans nos banques, l'essentiel des retraits se font au guichet». Puis d'argumenter: «Outre les nombreux GAB, les banques ont installé dans leurs halls, donc dès l'entrée de l'agence et bien avant que le client n'accède aux guichets, des distributeurs. Histoire de dire que pour retirer de l'argent, on peut s'arrêter ici! Certaines banques tunisiennes -je dis bien certaines- ont accepté de jouer le jeu en faisant installer ces appareils à l'entrée des agences». Mais comment réussir à bien gérer ces DAB afin que le client ne soit pas en manque d'argent? Pour notre qualiticien, la gestion de ces distributeurs, c'est tout un programme. Tous les mouvements des DAB sont analysés à la loupe. Et une fois ces mouvements connus (mouvements pour chaque jour de la semaine, pour chaque mois, pour chaque saison, pour chaque fête, qu'elle soit religieuse ou nationale), la société bancaire chargée de gérer ces DAB les alimente en conséquence en toute collaboration avec la Société monétique Tunisie. Commentaire de notre homme: «C'est comme si des banques ignoraient qu'elles gagent de l'argent chaque fois que les clients viennent s'approvisionner à ses distributeurs. Ne comprennent-elles pas qu'elles se doivent de faire du chiffre! Nous sommes sans doute bien loin de prendre conscience, du moins chez certains banquiers, de cette réalité!» Y compris le week-end Il ne nous quittera pas sans nous faire cette remarque: «Il m'est arrivé de constater, courant 2011, qu'une grande agence bancaire du centre de Tunis approvisionnait son DAB en pleine journée. Inutile de préciser que la distribution a été interrompue pendant deux heures. Imaginez les centaines de dinars que cette agence a offerts aux concurrents. Impardonnable!» Et de tempérer son discours: «Il y a quand même des banquiers qui font correctement leur travail. Je sais que des banquiers approvisionnent régulièrement les DAB y compris le week-end». Mais la qualité de service ne s'arrête pourtant pas là. Les écrans de certains distributeurs sont illisibles. Et il faut se pencher bien à l'avant pour pouvoir lire les instructions données au client. Certains distributeurs ne délivrent pas, en outre, de tickets. D'autres balancent ces derniers tellement rapidement que le client ne peut les saisir. Il arrive quelquefois que le ticket tombe par terre et que le client soit obligé de se pencher pour le saisir. Cela dans le cas où il peut réussir à l'obtenir. Car il arrive que le vent éloigne le ticket ou que la pluie le mouille et le rende ainsi inaccessible. Kafkaïen !