Tout au long d'une semaine mémorable, les Tunisiens ont retenu leur souffle car l'indignation sincère de l'écrasante majorité contre l'attaque de l'UGTT n'a aucunement été incompatible avec la profonde inquiétude que la grève générale nous enlève beaucoup plus qu'elle nous donne. En clair, la crainte que cette démonstration de force de l'UGTT, aussi ''nécessaire'' soit-elle pour démontrer à Ennahdha et ses satellites qu'il existe en Tunisie un autre pôle capable de contrebalancer son pouvoir, ne dégénère en instabilité. Cette sacro-sainte stabilité sociopolitique qui reste invariablement en tête de liste des exigences des investisseurs, aussi bien tunisiens qu'étrangers, pour donner libre-cours à leurs affaires dans le pays, était l'enjeu réel de la grève générale. Pas, comme beaucoup le disaient, juste la perte d'une journée de travail. Quoi qu'Ennahdha en pense, les gens de l'UGTT, ainsi que l'a dit son secrétaire général, Houcine Abassi tout de suite après la décision de la Commission administrative de la Centrale syndicale d'annuler la grève générale, sont invariablement restés du côté de l'union nationale et ne sont sortis de leurs gonds qu'après plusieurs attaques qui ont culminé le 4 décembre contre leur propre siège, Place Mohamed Ali, par des milices organisées usant d'armes blanches, pierres, couteaux, gourdins et gaz paralysant, causant de graves dégâts matériels et blessant les gens de l'UGTT. Les événements ont démontré que l'UGTT est restée en position de force, et si elle a choisi (après des débats de plus de 7h quand même) de répondre favorablement à la main tendue du gouvernement, ce fut la Paix des Braves alors que les membres de la Commission administrative de l'UGTT se sont d'abord assurés que leurs réclamations du 5 décembre soient satisfaites: la poursuite des agresseurs, la dissolution des Ligues de protection de la révolution, la présente d'une plainte auprès de l'OIT... Ces événements qui faisaient craindre le pire ont également eu l'effet de donner audience aux acteurs les plus représentatifs de cette société tunisienne réputée médiane depuis des siècles. Les ''Sages'', ainsi qu'on les appelle, se sont déployés dans toutes les directions pour mener les uns et les autres à la table des négociations et les éloigner des discours tapageurs et irresponsables des extrémistes de tous bords. La victoire de ces modérés atteste aujourd'hui que, quelle que soit la crise par laquelle passera notre pays, la majorité ne cessera pas de réclamer la voie du débat, au corps défendant des ''fin-de-mondistes'' !