Université de Tunis El Manar : 9e au niveau arabe et 1re en Tunisie et au Maghreb en 2025    Tragédie au Monténégro : Sebastian Hertner perd la vie dans un accident de ski    Fêtes de fin d'année : l'INSSPA renforce la surveillance pour protéger les Tunisiens    Il ne reste plus que 6 jours pour bénéficier de l'amnistie sur les immeubles bâtis    Mohammad Bakri , l'acteur et réalisateur palestinien décédé à l'âge de 72 ans    Classement FIFA : la Tunisie retrouve le Top 40 mondial    Algérie – Soudan aujourd'hui : comment suivre le match en streaming en direct    ESET Research analyse une faille critique qui s'appuie sur des images    Séisme de 6,1 à Taïwan : sud-est secoué sans dégâts signalés    Ghannouch accueille les projections des films de JCC 2025 dans les régions du 25 au 27 décembre    Travaux du pont de Lacania : nouvelles directives pour les automobilistes    Contribution au financement des caisses sociales : qui doit payer et pourquoi ?    Tuniscope lance son hymne officiel : quand la vision médiatique est portée par l'IA    Crash près d'Ankara : le chef d'état-major libyen tué    Temps stable... mais les changements arrivent à cette date    CAN 2025 - Tunisie-Ouganda : Un avant-goût de conquête    Yadh Ben Achour reçoit le prix Boutros Boutros-Ghali pour la Diplomatie, la Paix et le développement (Vidéo)    Tunisie Telecom lance sa campagne institutionnelle nationale «Le Don des Supporters»    Match Tunisie vs Ouganda : où regarder le match de la CAN Maroc 2025 du 23 décembre?    Choc syndical : Noureddine Taboubi démissionne de l'UGTT    Tunisie – vignette automobile 2026 : l'autocollant disparait, le paiement se fait en ligne    Riadh Zghal: Le besoin de sciences sociales pour la gestion des institutions    Météo en Tunisie : pluies éparses sur le Nord, le Centre-est et le Sud    Tunisie à l'honneur : LILY, film 100% IA, brille sur la scène mondiale à Dubaï    La Cité des Sciences à Tunis abrite la septième édition de la Journée de l'aéronautique    Ooredoo Tunisie célèbre la CAN Maroc 2025 avec son Fan Zone Festival "DAR EL FOOT"    La Banque de Tunisie distinguée par Euromoney : "Best Transaction Bank Award 2025"    19 ans de prison ferme pour Mondher Zenaidi    Nabeul accueille le festival international Neapolis de théâtre pour enfants    Météo en Tunisie : temps localement brumeux, vent fort près des côtes    Cérémonie de clôture de la 36ème session des journées cinématographiques de Carthage (Album Photos)    Mohamed-El Aziz Ben Achour: Le baldi dans son milieu    Décès de Somaya El Alfy, icône du cinéma et du théâtre égyptiens    Le carcadé: Une agréable boisson apaisante et bienfaisante    Le Festival Néapolis du Théâtre pour Enfants de retour du 21 au 28 décembre 2025 à Nabeul et plusieurs régions    CAN Maroc 2025 : programme des matchs de la Tunisie, préparatifs et analyse des chances    France : nouvel examen civique obligatoire pour tous les étrangers dès 2026    Elyes Ghariani - Le Style Trump: Quand l'unilatéralisme redéfinit le monde    Les Etats-Unis remettent à la Tunisie des équipements de sécurité d'une valeur de 1,4 million de dollars    Abdelaziz Kacem: "Les Arabes ne méritent pas leur langue"    Slaheddine Belaïd: Requiem pour la défunte UMA    Comment se présente la stratégie américaine de sécurité nationale 2025    Match Tunisie vs Qatar : où regarder le match de Coupe Arabe Qatar 2025 du 07 décembre?    Des élections au Comité olympique tunisien    La Poste Tunisienne émet des timbres-poste dédiés aux plantes de Tunisie    Sonia Dahmani libre ! Le SNJT renouvèle sa demande de libération des journalistes Chadha Haj Mbarek, Mourad Zghidi et Bourhen Bssaies    Secousse tellurique en Tunisie enregistrée à Goubellat, gouvernorat de Béja    New York en alerte : décès de deux personnes suite à de fortes précipitations    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Révolution : où sont les lignes rouges ?
OPINIONS
Publié dans La Presse de Tunisie le 13 - 02 - 2011


Par Mohamed El Moncef
"Avant e 14 Janvier, il y avait le Président et 40 voleurs. Maintenant, j'ai l'impression que le nombre de voleurs s'est multiplié par milliers. Pendant les premiers jours de la Révolution, nous avons vécu des moments extraordinaires d'altruisme et de bravoure. Maintenant, que reste-t-il de tout ça ?"
Ces propos amers sont ceux de Sleh, patron d'une petite unité de fabrication de chaussures. Il fait allusion aux différentes nouvelles rapportant des scènes de pillage des parcs naturels, du squat des propriétés d'autrui ou de l'appropriation des domaines de l'Etat par le "petit peuple".
"J'ai même assisté à des scènes où des couples aisés et respectables arrêtent leur voiture devant les maisons des Trabelsi pour aller se servir dans leurs garde-robes. Ils disent que c'est la propriété du peuple qui revient au peuple. Depuis quand le peuple est représenté par ces voleurs qui, comme les Trabelsi, ne pensent qu'à se remplir les poches et les garde-robes‑?!" Et Sleh rajoute : "Ma déception est encore plus grande en ce qu'il s'agit des syndicats et de certains syndicalistes. Leurs slogans disaient‑: Nous vivrons de pain et d'eau pourvu que le dictateur parte". A peine le dictateur parti, la plupart des secteurs se mettent en grève demandant chacun le maximum pour sa corporation et affaiblissant ainsi la jeune révolution."
"Je suis vraiment déçu par la qualité de l'humain en Tunisie‑!". Ces propos ne sont pas à mettre sur le compte de Sleh. C'est Mounir qui parle. Ce quinquagénaire, haut cadre dans une banque de Tunis et syndicaliste pur et dur, activiste de première heure malgré tous les risques qu'il pouvait courir à l'époque de Ben Ali, passe maintenant le plus clair de son temps à recueillir les requêtes de ses collègues syndiqués. "Je comprends ces gens. Ils ont été opprimés pendant des décennies Ils n'avaient aucun droit de contestation et maintenant la marmite explose."
Protestation : silence, on discute !
"Oui, mais le moment est-il opportun pour faire cela ? Ne risquent-ils pas d'affaiblir le gouvernement qui tente de mener le pays vers la démocratie représentative‑?". A peine avais-je prononcé ces deux phrases que je réalise que j'avais formulé une bourde. "On s'en fout du gouvernement", me dit Mounir. "On ne l'a pas choisi. C'est le pays qui m'importe. Le pays et la qualité de l'humain. Un couple de cadres, qui gagne relativement bien sa vie, exige qu'on résolve ses "problèmes" financiers immédiatement. Pour cela, il n'essaie même pas de discuter. Sans sommation, il passe à l'un des plus hauts degrés de contestation : la grève !
J'aurais compris cela venant d'un ouvrier misérable qui touche 130 DT, qui n'a pas été titularisé après vingt ans de service et qui ignore tout des procédures de négociations pouvant mener à la réalisation de sa requête avant d'entrer en grève. Voilà un genre de cas qui devrait passer en urgence. Mais maintenant, chacun tire la corde vers lui sans aucune pensée pour l'intérêt général. C'est la débandade !"
Là, je suis étonné. Certains disent que c'est la centrale syndicale, l'Ugtt, qui pousse les gens à faire grève et ce syndicaliste m'affirme qu'il s'agit d'une contestation spontanée et anarchique. Je pose donc ma question : "Pourquoi vous ne dites pas cela aux gens qui paralysent presque le pays avec leurs grèves et manifestations anarchiques mettant en danger l'économie et la sécurité nationales ? Tout le monde sait maintenant que les milices de l'ancien régime adorent les manifestations anarchiques‑: cela devient vite une couverture pour eux afin de saccager impunément et démontrer ainsi que la démocratie génère le danger."
"On ne peut pas le dire, me répond Mounir, les gens vous accuseront de vouloir les museler pour les empêcher d'exprimer leurs revendications légitimes !"
Qui a le courage de dire "non" ?
Le problème est donc de trouver un homme ou une femme capable de dire aux Tunisiens en colère ce qu'ils ne veulent pas entendre tout en ayant le charisme et la force nécessaires pour les convaincre que c'est ce qu'il y a de mieux à faire pour le bien de la communauté.
Quelqu'un qui fixe les lignes rouges en disant, également, que l'attaque contre les institutions de l'Etat ou privées (postes de police, gouvernorat, Carrefour…) sont maintenant, et plus que jamais, des actes à la limite de la trahison qui justifieraient amplement l'emploi de la violence pour les contrecarrer. Cette violence, qui sera l'œuvre des forces de l'ordre et non de la répression, visera les milices ou même le simple citoyen perpétrant ces agressions hautement criminelles parce qu'il est en colère pour une raison ou une autre. Aucune colère ne peut légitimer des actes barbares qui mettent en danger toute une nation !
Cet Homme public qui dira "Non" à tous les débordements et à l'irrespect de la loi d'où qu'ils viennent, "Oui" au pardon et à la réconciliation qui ne permettent pas l'impunité des crimes prouvés, ce Nelson Mandela tunisien existe-t-il‑? Peut-être oui, peut-être non. Mais une chose est sûre, nombreux sont les tunisiens qui partagent ce bon sens. Peut-être même que la majorité des Tunisiens est maintenant pour la disparition de cet état d'insécurité qui provient aussi des contestations sociales mal organisées. Si c'est le cas, alors pour quelle raison cette opinion supposée être celle de la majorité ne se concrétise pas dans le réel par une accalmie générale ?
La stratégie du pourrissement
"Je ne pense pas que ces mouvements de grève anarchiques et de contestations parfois violentes soient totalement spontanés ou, du moins inévitables. Je crois que la seule partie qui puisse dire non au cauchemar que nous vivons et qui puisse être entendue est la centrale syndicale, l'Ugtt. Or, l'Ugtt n'a jamais dit que le moment n'était pas opportun à ce genre de manifestations. Oui, il arrive que des voix éparses proches de l'Ugtt appellent à l'accalmie et à l'utilisation de moyens de lutte sociale moins éprouvants pour l'économie mais la Centrale syndicale ne l'a jamais fait." Ces propos me sont confiés par Mohamed, un intellectuel de gauche modéré qui poursuit son raisonnement : "L'Ugtt est largement pénétrée par des tendances et partis politiques qui avaient refusé de faire partie du gouvernement de transition. Une partie de cette aile de l'Ugtt considère les membres de l'actuel gouvernement comme les adversaires électoraux de demain. Ils n'ont pas intérêt, donc, à ce qu'ils deviennent les héros de la transition. Bien que ces syndicalistes activistes sachent que les membres de l'actuel gouvernement sont des gens aux mains propres dont certains mêmes avaient beaucoup souffert à cause de leur lutte contre la dictature, ils ne sont pas prêts à les soutenir activement pendant cette délicate période très critique pour la réussite de la révolution."
Gauche au pouvoir, gauche du terroir‑: les tirs amis
Certains disent, même, qu'une partie de ces activistes politiques alimenterait les luttes revendicatives "agressives" des salariés pour ternir l'image des membres de ce gouvernement afin de les empêcher de remporter un autre jour les élections, favorisant ainsi l'émergence des partis proches de l'Ugtt. Mais, ils oublient entre-temps deux choses :
1- L'Ugtt et les parties qui s'en rapprochent ont perdu la confiance d'une grande frange du peuple tunisien qui souffre de cette situation inquiétante de manque de paix sociale (les petits métiers, les employés et promoteurs du tourisme, les commerçants et les patrons en général, une bonne partie des salariés, les parents des élèves dont les enseignants ont fait grève…).
2- En perdant les voix de ces millions d'électeurs et en discréditant les membres de l'actuel gouvernement, ils laissent la porte grande ouverte à une troisième partie qui est restée indemne de ces problèmes de transition politique : le parti intégriste d'Ennahdha. Le jour "j", les leaders de ce parti pourraient sortir de l'ombre relookés en costume et cravate et parlant d'une façon modérée (pour les besoins de la période) de la religion qui unifie face à "ce gouvernement mou qui n'a pas su assurer la quiétude et la bonne gouvernance d'un côté et cette gauche anarchiste et athée qui aurait poussé le pays au bord du gouffre en l'immergeant dans une spirale revendicative irréaliste" de l'autre.
Voilà comment les agissements d'une certaine gauche progressiste mais aveuglée par des visées électorales pourraient conduire à l'émergence d'une extrême droite qui n'a pas du tout participé à cette révolution et qui ne croit en la démocratie que dans la mesure où elle pourrait l'aider à accéder au pouvoir pour mettre au pas la gauche progressiste qu'elle accusera d'athéisme. Les activistes de la gauche progressiste des années 80 pourraient témoigner des agissements des membres d'Ennahdha de l'époque‑: jets d'acide sur les cuisses des filles qui osaient s'habiller court, utilisation des mosquées comme lieux de réunion politique, poursuite des militants de gauche avec des épées…Enfin quoi‑: le jihad contre des Tunisiens dans leur propre pays‑! C'est sur cette note noire, obscure, que Mohamed achève son long discours avant de me demander mon avis sur son analyse. Je réponds que je dois d'abord aller prendre l'air car ce que je viens d'entendre m'a rendu un peu asthmatique. Mais Mohamed insiste pour avoir mon avis, peut-être même mon adhésion. Obligé de répondre, je lui dis‑: "Je crois que la vérité est quelque part entre toutes ces versions. Quant à ce que je pense réellement, je te dirais que j'ai la même attitude que la plupart des tunisiens‑: je ne sais quoi penser!".


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.