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Révolution : où sont les lignes rouges ?
OPINIONS
Publié dans La Presse de Tunisie le 13 - 02 - 2011


Par Mohamed El Moncef
"Avant e 14 Janvier, il y avait le Président et 40 voleurs. Maintenant, j'ai l'impression que le nombre de voleurs s'est multiplié par milliers. Pendant les premiers jours de la Révolution, nous avons vécu des moments extraordinaires d'altruisme et de bravoure. Maintenant, que reste-t-il de tout ça ?"
Ces propos amers sont ceux de Sleh, patron d'une petite unité de fabrication de chaussures. Il fait allusion aux différentes nouvelles rapportant des scènes de pillage des parcs naturels, du squat des propriétés d'autrui ou de l'appropriation des domaines de l'Etat par le "petit peuple".
"J'ai même assisté à des scènes où des couples aisés et respectables arrêtent leur voiture devant les maisons des Trabelsi pour aller se servir dans leurs garde-robes. Ils disent que c'est la propriété du peuple qui revient au peuple. Depuis quand le peuple est représenté par ces voleurs qui, comme les Trabelsi, ne pensent qu'à se remplir les poches et les garde-robes‑?!" Et Sleh rajoute : "Ma déception est encore plus grande en ce qu'il s'agit des syndicats et de certains syndicalistes. Leurs slogans disaient‑: Nous vivrons de pain et d'eau pourvu que le dictateur parte". A peine le dictateur parti, la plupart des secteurs se mettent en grève demandant chacun le maximum pour sa corporation et affaiblissant ainsi la jeune révolution."
"Je suis vraiment déçu par la qualité de l'humain en Tunisie‑!". Ces propos ne sont pas à mettre sur le compte de Sleh. C'est Mounir qui parle. Ce quinquagénaire, haut cadre dans une banque de Tunis et syndicaliste pur et dur, activiste de première heure malgré tous les risques qu'il pouvait courir à l'époque de Ben Ali, passe maintenant le plus clair de son temps à recueillir les requêtes de ses collègues syndiqués. "Je comprends ces gens. Ils ont été opprimés pendant des décennies Ils n'avaient aucun droit de contestation et maintenant la marmite explose."
Protestation : silence, on discute !
"Oui, mais le moment est-il opportun pour faire cela ? Ne risquent-ils pas d'affaiblir le gouvernement qui tente de mener le pays vers la démocratie représentative‑?". A peine avais-je prononcé ces deux phrases que je réalise que j'avais formulé une bourde. "On s'en fout du gouvernement", me dit Mounir. "On ne l'a pas choisi. C'est le pays qui m'importe. Le pays et la qualité de l'humain. Un couple de cadres, qui gagne relativement bien sa vie, exige qu'on résolve ses "problèmes" financiers immédiatement. Pour cela, il n'essaie même pas de discuter. Sans sommation, il passe à l'un des plus hauts degrés de contestation : la grève !
J'aurais compris cela venant d'un ouvrier misérable qui touche 130 DT, qui n'a pas été titularisé après vingt ans de service et qui ignore tout des procédures de négociations pouvant mener à la réalisation de sa requête avant d'entrer en grève. Voilà un genre de cas qui devrait passer en urgence. Mais maintenant, chacun tire la corde vers lui sans aucune pensée pour l'intérêt général. C'est la débandade !"
Là, je suis étonné. Certains disent que c'est la centrale syndicale, l'Ugtt, qui pousse les gens à faire grève et ce syndicaliste m'affirme qu'il s'agit d'une contestation spontanée et anarchique. Je pose donc ma question : "Pourquoi vous ne dites pas cela aux gens qui paralysent presque le pays avec leurs grèves et manifestations anarchiques mettant en danger l'économie et la sécurité nationales ? Tout le monde sait maintenant que les milices de l'ancien régime adorent les manifestations anarchiques‑: cela devient vite une couverture pour eux afin de saccager impunément et démontrer ainsi que la démocratie génère le danger."
"On ne peut pas le dire, me répond Mounir, les gens vous accuseront de vouloir les museler pour les empêcher d'exprimer leurs revendications légitimes !"
Qui a le courage de dire "non" ?
Le problème est donc de trouver un homme ou une femme capable de dire aux Tunisiens en colère ce qu'ils ne veulent pas entendre tout en ayant le charisme et la force nécessaires pour les convaincre que c'est ce qu'il y a de mieux à faire pour le bien de la communauté.
Quelqu'un qui fixe les lignes rouges en disant, également, que l'attaque contre les institutions de l'Etat ou privées (postes de police, gouvernorat, Carrefour…) sont maintenant, et plus que jamais, des actes à la limite de la trahison qui justifieraient amplement l'emploi de la violence pour les contrecarrer. Cette violence, qui sera l'œuvre des forces de l'ordre et non de la répression, visera les milices ou même le simple citoyen perpétrant ces agressions hautement criminelles parce qu'il est en colère pour une raison ou une autre. Aucune colère ne peut légitimer des actes barbares qui mettent en danger toute une nation !
Cet Homme public qui dira "Non" à tous les débordements et à l'irrespect de la loi d'où qu'ils viennent, "Oui" au pardon et à la réconciliation qui ne permettent pas l'impunité des crimes prouvés, ce Nelson Mandela tunisien existe-t-il‑? Peut-être oui, peut-être non. Mais une chose est sûre, nombreux sont les tunisiens qui partagent ce bon sens. Peut-être même que la majorité des Tunisiens est maintenant pour la disparition de cet état d'insécurité qui provient aussi des contestations sociales mal organisées. Si c'est le cas, alors pour quelle raison cette opinion supposée être celle de la majorité ne se concrétise pas dans le réel par une accalmie générale ?
La stratégie du pourrissement
"Je ne pense pas que ces mouvements de grève anarchiques et de contestations parfois violentes soient totalement spontanés ou, du moins inévitables. Je crois que la seule partie qui puisse dire non au cauchemar que nous vivons et qui puisse être entendue est la centrale syndicale, l'Ugtt. Or, l'Ugtt n'a jamais dit que le moment n'était pas opportun à ce genre de manifestations. Oui, il arrive que des voix éparses proches de l'Ugtt appellent à l'accalmie et à l'utilisation de moyens de lutte sociale moins éprouvants pour l'économie mais la Centrale syndicale ne l'a jamais fait." Ces propos me sont confiés par Mohamed, un intellectuel de gauche modéré qui poursuit son raisonnement : "L'Ugtt est largement pénétrée par des tendances et partis politiques qui avaient refusé de faire partie du gouvernement de transition. Une partie de cette aile de l'Ugtt considère les membres de l'actuel gouvernement comme les adversaires électoraux de demain. Ils n'ont pas intérêt, donc, à ce qu'ils deviennent les héros de la transition. Bien que ces syndicalistes activistes sachent que les membres de l'actuel gouvernement sont des gens aux mains propres dont certains mêmes avaient beaucoup souffert à cause de leur lutte contre la dictature, ils ne sont pas prêts à les soutenir activement pendant cette délicate période très critique pour la réussite de la révolution."
Gauche au pouvoir, gauche du terroir‑: les tirs amis
Certains disent, même, qu'une partie de ces activistes politiques alimenterait les luttes revendicatives "agressives" des salariés pour ternir l'image des membres de ce gouvernement afin de les empêcher de remporter un autre jour les élections, favorisant ainsi l'émergence des partis proches de l'Ugtt. Mais, ils oublient entre-temps deux choses :
1- L'Ugtt et les parties qui s'en rapprochent ont perdu la confiance d'une grande frange du peuple tunisien qui souffre de cette situation inquiétante de manque de paix sociale (les petits métiers, les employés et promoteurs du tourisme, les commerçants et les patrons en général, une bonne partie des salariés, les parents des élèves dont les enseignants ont fait grève…).
2- En perdant les voix de ces millions d'électeurs et en discréditant les membres de l'actuel gouvernement, ils laissent la porte grande ouverte à une troisième partie qui est restée indemne de ces problèmes de transition politique : le parti intégriste d'Ennahdha. Le jour "j", les leaders de ce parti pourraient sortir de l'ombre relookés en costume et cravate et parlant d'une façon modérée (pour les besoins de la période) de la religion qui unifie face à "ce gouvernement mou qui n'a pas su assurer la quiétude et la bonne gouvernance d'un côté et cette gauche anarchiste et athée qui aurait poussé le pays au bord du gouffre en l'immergeant dans une spirale revendicative irréaliste" de l'autre.
Voilà comment les agissements d'une certaine gauche progressiste mais aveuglée par des visées électorales pourraient conduire à l'émergence d'une extrême droite qui n'a pas du tout participé à cette révolution et qui ne croit en la démocratie que dans la mesure où elle pourrait l'aider à accéder au pouvoir pour mettre au pas la gauche progressiste qu'elle accusera d'athéisme. Les activistes de la gauche progressiste des années 80 pourraient témoigner des agissements des membres d'Ennahdha de l'époque‑: jets d'acide sur les cuisses des filles qui osaient s'habiller court, utilisation des mosquées comme lieux de réunion politique, poursuite des militants de gauche avec des épées…Enfin quoi‑: le jihad contre des Tunisiens dans leur propre pays‑! C'est sur cette note noire, obscure, que Mohamed achève son long discours avant de me demander mon avis sur son analyse. Je réponds que je dois d'abord aller prendre l'air car ce que je viens d'entendre m'a rendu un peu asthmatique. Mais Mohamed insiste pour avoir mon avis, peut-être même mon adhésion. Obligé de répondre, je lui dis‑: "Je crois que la vérité est quelque part entre toutes ces versions. Quant à ce que je pense réellement, je te dirais que j'ai la même attitude que la plupart des tunisiens‑: je ne sais quoi penser!".


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