Pendant qu'Ennahdha et ses vautours se prêtent au jeu de pourparlers très controversés avec l'opposition et une très grande partie de la société civile, les échecs économiques, les déceptions sociales atteignent des seuils presque intolérables dans le pays, même si pour l'INS le chômage aurait reculé de 2 points avec un taux de 15,9% au deuxième trimestre 2013; mais d'après Mostapha Kamel Nabli, qui s'est récemment exprimé sur France 24 international, le taux serait de 17%. Qui croire? Si ce n'est que nombre d'amnistiés proches de la Troïka ont été récupérés par l'administration publique conjugué à de nouvelles recrues admises dans les établissements publics dont plus de 5.000 au ministère de l'Intérieur Ce qui a été fait ressemblerait plus à un anesthésique pour calmer les populations en rogne, faisant du surplace et paralysant encore plus une administration de fait saturée, sans oublier les rumeurs persistantes d'une police parallèle qui aurait profité de la situation de confusion par laquelle passe le pays pour s'installer dans un ministère de souveraineté au risque de perturber toute la politique sécuritaire du pays. Mais qui s'en soucierait? Une politique sécuritaire dont l'impact sur l'économie est sans appel! Et devons-nous croire aveuglément les estimations de l'INS, d'habitude crédibles, lorsque des experts comme Mourad El Hattab, expert en risques financiers remettent en question les chiffres de croissance annoncés par cette institution, précisant qu'on ne peut parler de taux de croissance égale à 3,6% ou 3,5% en l'absence de méthodologie crédible et scientifique permettant une lecture juste des chiffres? Performances que le FMI situe à 3,3%. Pendant ce temps là, l'ancien gouverneur de la BCT, Mustapha Kamel Nabli MKN pour les intimes-, à l'occasion, rappelait, lors d'un entretien diffusé sur France 24 International, le risque de l'usage de la violence dans les débats politiques qui a commencé par être verbale pour devenir ensuite physique. Il a cité les perturbations des meetings politiques orchestrés par des personnes à la solde de certaines composantes politiques et des groupuscules violents allant jusqu'à incendier les sièges et les représentations des partis politiques. «C'est extrêmement grave avec un impact dramatique sur l'économie, car ce dont a besoin une économie, c'est un climat de confiance et de sécurité. Cette violence que nous voyons au quotidien inquiète les investisseurs domestiques et étrangers qui révisent leurs intentions d'investir et la conséquence directe est bien entendu le recul des performances économiques». MKN a rappelé que les raisons de son évincement de son poste de gouverneur relevaient du fait qu'il refusait que la BCT soit un enjeu politique et estimait que son rôle se limitait à l'ajustement de la politique financière du pays et à veiller à l'équilibre des fondamentaux de l'économie nationale. Pour Mouez Laabidi, universitaire économiste, la faillite de la Tunisie n'est pas à l'ordre du jour, mais le pays risque par contre de ne pouvoir respecter ses engagements extérieurs en s'acquittant de ses dettes. La dégradation de sa note souveraine n'arrange pas bien entendu sa situation vis-à-vis de ses marchés extérieurs, car son pouvoir de négociation avec les bailleurs bilatéraux et multilatéraux s'affaiblit de plus en plus. Quant au paiement des salaires, ce n'est pas le plus inquiétant: «Car, vous savez ce que l'on fait dans ce cas, on fait fonctionner la planche à billets au risque bien entendu de souffrir une montée inflationniste sans précédent dans le pays». Le risque inflationniste se répercutera sur le pouvoir d'achat car c'est ce qui s'appelle de l'érosion monétaire, avec un même salaire ou un salaire plus élevé, les ménages ne peuvent pas s'offrir autant de choses que la période pré-inflationniste. Cela se traduit par trop d'argent à dépenser sans qu'il y ait en échange assez de produits à acquérir. La Tunisie a souffert ces deux dernières années du recul de deux secteurs clés, en l'occurrence le tourisme (-50%) et l'énergie et les mines (-60%). Conséquence directe, la baisse du taux de croissance, la fragilisation du tissu entrepreneurial -principalement les PME/PMI- et donc le recul des recettes fiscales. Comment un Etat pourrait-il honorer ses engagements dans pareille situation, qu'il s'agisse envers son propre peuple ou envers ses partenaires étrangers? Ce n'est pas que cela, estime Mouez Laabidi, la Tunisie est aujourd'hui incapable de lancer les réformes structurelles sur lesquelles les gouvernements postrévolutionnaires se sont engagés après le 14 janvier 2011 au vu d'un modèle économique dont tout le monde a reconnu les limites; même les réformes exigées par le FMI ne pourraient être honorées au vu du contexte socioéconomique perturbé et instable du pays. Conséquence: la possibilité traîne un peu du pied pour ce qui est du prêt à accorder à la Tunisie, mais pire, il n'y aura pas d'IDE (Investissements directs étrangers), ni d'investissements domestiques d'autant plus que les grèves sont devenues monnaie courante, et la grève générale est de plus en plus banalisée. Ceci sans oublier l'érosion des compétences de l'administration tunisienne remplacées rapidement par les fidèles aux partis au pouvoir et l'incapacité de l'Etat à asseoir son autorité sur les régions qui ne lui font plus confiance et qui ne respectent même plus ses représentants. En l'espace de quelques semaines, la Tunisie a perdu JAL Group qui a réparti ses activités entre la République tchèque et la France, la firme allemande Continental de fabrication de pneus quitte définitivement la Tunisie et Latécoère qui réduit sa production dans notre pays. A qui la faute? «Auparavant, nous pouvions expliquer la récession en Tunisie par le fait que nous dépendions de la dette souveraine européenne et que nous subissions les pressions haussières des prix des hydrocarbures, aujourd'hui, en plus, nous souffrons également d'une instabilité politique, sociale et d'une incapacité à enclencher les réformes nécessaires au pays, à commencer par celle du système éducatif. Mais les préoccupations de nos politiques semblent être ailleurs!», conclu Mouez Laabidi. C'est ce qui expliquerait que, lors de son dernier conseil d'administration, la BCT ait appelé «à prendre les mesures urgentes nécessaires sur les plans politique, sécuritaire et économique à même de pallier, moyennant la conjugaison de tous les efforts, la situation difficile et d'aider à retrouver le rythme requis de l'activité économique pour les derniers mois de cette année». 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