«Dans le contexte de l'intervention contre Daech de la coalition internationale, les Français résidents ou de passage au Maroc sont invités à renforcer leur vigilance» A elle seule, cette recommandation du Quai d'Orsay (publiée le 25 septembre dernier) concernant les déplacements des expatriés et touristes français au Maroc, aura suffi à déclencher une vague d'annulations de réservations. Les toutes premières estimations parlent de 50 à 60% d'annulations, selon des tour-opérateurs (voir aussi L'Economiste du 1er octobre). Cette recommandation intervient, rappelons-le, dans un contexte du meurtre d'un touriste français (Hervé Gourdel) en Algérie, exécuté par «Jound Al Khalifa», filiale algérienne récemment formée de l'Etat islamique (Daech). Au lendemain de «l'appel à vigilance» de la France, une psychose s'est généralisée auprès des pays émetteurs. Au point que certains pays européens se sont alignés sur la position officielle de la France. «Il fallait intervenir en amont auprès du Quai d'Orsay pour que le Maroc ne soit pas rangé qu'au niveau de ces 40 pays. Au début, il y a eu une première liste de 30 pays, après ils sont passés à 40. Et le Maroc y figure, c'est anormal!», s'insurge Mustapha Sehimi, professeur de droit et politologue. Mais là où le bât blesse, c'est qu'en l'absence de cartes ou d'informations complémentaires du Quai d'Orsay, certains sites d'informations ont composé leurs propres cartes et infographies Plus encore, lors de la conception de ces cartographies, une grande partie de l'Afrique, Maghreb inclus et le Moyen-Orient ont été coloriés en rouge. Ce qui veut dire: «Formellement déconseillé !» dans le vocabulaire du risque du Quai d'Orsay. «C'est un travail diplomatique qui n'a pas été fait et c'est très difficile quand on est sur une liste comme celle d'en sortir. Parce que la perception touristique est celle d'un pays situé dans le Maghreb où il y'a des islamistes, des djihadistes Donc à ne pas visiter!» Pour Jean Dionner, PDG de Tourism Invest: «Si on allait jusqu'au bout du raisonnement, alors il faudrait lister la France dans les pays à risques, car j'estime qu'il y'a plus d'insécurité dans le RER ou dans un lieu public dans notre pays, que dans une zone touristique au Maroc» D'ailleurs, aucune mesure extraordinaire n'a été prise. Le gouvernement français a ses raisons, mais pour nous le Maroc reste un pays stable», nuance un responsable de Globalia, tour-opérateur espagnol de référence. Pour éviter les amalgames, Lahcen Haddad, ministre du Tourisme, s'est empressé de déclarer à L'Economiste: «Une cellule de veille a été mise en place avec nos partenaires de la confédération du tourisme afin de suivre et évaluer la situation des flux touristiques et d'anticiper, si nécessaire, sur des actions à mener pour préserver l'activité». Autre facteur en défaveur du Maroc, l'acharnement médiatique: «le parti pris de certains médias français qui pratiquent systématiquement l'amalgame, soit pour des raisons politiques insidieuses, soit à cause l'amateurisme de certains journalistes», précise Sehimi «Malheureusement, le Maroc est pris en tenailles au Sud par rapport à ce qui se passe au Sahel, au Nord avec tous les démantèlements de cellules terroristes en Espagne et à l'Est où l'on assiste à un réveil des groupes terroristes ». Source