Après un premier avertissement sous forme de découverte de tags daechistes haineux sur nos murs, voilà un autre avertissement des services de renseignements français. L'Etat islamique s'amène-t-il déjà en Tunisie ? La panique s'est emparée récemment de deux partis politiques, suite à la découverte, sur les murs de leurs QG, de tags menaçants et haineux portant la griffe de Daech. Deux semaines auparavant, des sites takfiristes tunisiens, dont la Toile pullule hélas, ont carrément prêté allégeance à cette organisation terroriste. Dans la foulée, voilà les services de renseignements français qui déclenchent une autre sonnette d'alarme, en mettant en garde leurs citoyens contre les risques grandissants d'imminents attentats daechistes contre les intérêts de la France en Algérie, en Tunisie, au Mali, en Libye, en Mauritanie et au Maroc. D'où la décision, prise récemment par le Conseil de la défense réuni d'urgence à Paris, d'élargir la liste des pays dits à haut risque, qui sont passés de 31 à 40 pays. La méfiance française est telle que cet avertissement au sérieux sans précédent est également valable aux nations asiatiques, dont la Malaisie, les Philippines, l'Indonésie, l'Afghanistan, le Pakistan et l'Ouzbékistan. Les raisons de cette alerte de l'Hexagone qui frise l'affolement ? Eh bien, cela va, selon les services de renseignements français, de la situation explosive qui règne en Afrique du Nord à la participation de la France à la coalition arabo-occidentale qui combat en ce moment Daech en Syrie et en Irak, en passant par la récente décapitation en Algérie d'un otage français. Le tout sur fond de menaces non-stop de nuire aux intérêts de la France où qu'ils se trouvent dans le monde. A bien y voir, on peut conclure que cette mise en garde ne fait que relayer d'autres rapports confidentiels non moins alarmants distillés, ces jours-ci, par les services de renseignements américains, allemands, italiens et algériens. Ici et là, un dénominateur commun, à savoir la probabilité sans cesse croissante d'enregistrer une riposte daechiste aux conséquences imprévisibles, incalculables et vraisemblablement dramatiques. Pour eux, cette riposte sera exécutée sous forme d'attentats à la voiture piégée ou, faute de quoi, par des rapts suivis de décapitation de l'otage. C'est surtout ce dernier mode de vengeance qui torture le plus le crâne des services de renseignements occidentaux qui n'en reviennent pas encore, après la dernière liquidation physique, dans un décor choquant et d'une rare sauvagerie, de quatre otages portant les nationalités américaine, française et britannique. Nous considérons donc que ces menaces deviennent autrement plus sérieuses, eu égard à la conjugaison des sept facteurs suivants : 1 - La solidarité dont ne cesse de bénéficier Daech auprès des autres groupuscules terroristes de par le monde. Au point que des réseaux dépendant jusque-là d'Al Qaïda ont, mine de rien, enterré la hache de guerre et dissipé les querelles qui les opposaient à l'EI, pour décider de lui prêter main-forte dans cette «conjoncture difficile». 2 - L'émergence de nouveaux groupes takfiristes jusqu'ici inconnus, tels que «Liwa Om Al Kora», «Faylak Omar», «Haraket Hazm» et autres «Jond Dimachq», qui ont subitement rallié les rangs de Daech. 3 - La décision prise, ces jours-ci, par l'homme fort de l'EI, Aboubakr Al-Baghdadi, de transférer le jihad en Afrique du Nord et dans d'autres pays tels que le Mali, la Somalie, le Yémen, l'Egypte, le Niger et le Nigeria, motivé en cela par l'existence, dans ces contrées, de plusieurs groupes takfiristes radicaux qui lui ont prêté allégeance. 4 - L'invasion daechiste qui se poursuit jusqu'à nos jours en Libye où les combattants de l'EI continuent d'affluer en grand nombre, via la Turquie, dans le double objectif d'unifier les rangs des différents réseaux en place et d'accélérer le processus de création d'émirats islamiques dans toute la région. D'ailleurs, un émissaire de Boubaker Al-Baghdadi, révèlent des services de renseignements occidentaux, a effectué récemment un saut en Libye, et plus précisément dans la ville de Derna, nouvelle capitale du jihad en Afrique, pour les besoins de la cause. En ce sens qu'il a eu des entretiens avec les principaux émirs de la nébuleuse intégriste internationale sévissant dans ce pays, à l'instar de Ahmed Ezzahaoui (Ansar Echaria de Libye), Abou Iyadh (Ansar Echaria de Tunisie) et Mokhtar Belmokhtar (Al-Mourabitoun d'Algérie), sans compter les caïds d'autres groupuscules mauritaniens, somaliens, yéminites, égyptiens et nigérians, nouveaux «fans» de Daech, après avoir longtemps combattu sous la bannière d'Al Qaïda. 5- La multiplication des navettes effectuées par les responsables américains et français dans les pays maghrébins dont la Tunisie qui a enregistré, le 26 août dernier, la visite du général David Rodriguez, patron du commandement militaire US pour l'Afrique (Africom). Visite au cours de laquelle l'émissaire du Pentagone a notamment reconnu, faut-il le souligner, que «la menace terroriste est réelle en Tunisie». Un message on ne peut plus clair et net. 6- La présence de plus en plus imposante des services de renseignements occidentaux aux frontières entre la Tunisie, la Libye, le Niger et l'Algérie. 7- Les mesures préventives exceptionnelles prises récemment par l'Algérie qui a triplé le nombre de ses soldats et policiers massés le long des frontières avec la Tunisie, la Libye et le Mali. Daech est sans doute passé par-là. C'est d'autant plus vrai que cette délicate mission de verrouillage des frontières a été confiée au number one de l'armée algérienne, en l'occurrence le chef d'état major de l'armée, Kaïd Ahmed Salah en personne. Décision, militairement parlant, sans précédent, étant donné que ce genre de mission est de tradition l'apanage du chef d'état-major de l'armée de terre. Ce branle-bas prouve assurément que la menace terroriste reprend de plus belle dans ce pays qui, en l'espace d'un mois, a perdu 16 soldats et subi une tragique déroute, avec l'enlèvement puis l'assassinat de l'otage français Hervé Gourdel dont les tueurs courent toujours. Ça n'arrive pas qu'aux autres... Tout cela pour dire que Daech est à nos portes s'il n'est déjà, en chair et en os, dans nos murs. Redoublons donc de vigilance, usons de flair, continuons à privilégier l'anticipation dans la traque des terroristes, car, faut-il bien le rappeler, ça n'arrive pas qu'aux autres. Mohsen ZRIBI