Les plantes aromatiques médicinales, un créneau pas assez exploité Par Abou sarra
La culture de plantes aromatiques et médicinales (PAM), activité marginale et peu développée, jusqu'ici, en Tunisie, gagnerait à faire l'objet d'une stratégie cohérente visant à valoriser les atouts de ce créneau d'intérêt économique à forte valeur ajoutée. Une telle stratégie s'inscrit dans le droit fil de la politique agricole du pays qui encourage la diversification des cultures et la sédentarisation de la population rurale à travers la création de systèmes agricoles durables, rentables, innovants et polyvalents utilisant des plantes autochtones d'intérêt économique. C'est là la principale conclusion d'études, de séminaires et de travaux de recherche menées sur ces plantes par l'Institut de Recherche en Génie Rural, eaux et forets (ingref) et l'agence de promotion des investissements agricoles (apia). L'accent est mis sur l'enjeu de développer la recherche dans ce domaine et de créer, dans les meilleurs délais, un centre de recherche propre à développer une expertise nationale en la matière. Point d'orgue de ce processus de promotion des PAM, l'élaboration d'un guide des plantes médicinales et aromatiques. Fruit d'une large consultation bibliographique, l'ouvrage vient appuyer les efforts entrepris pour faire connaître les plus-values du secteur, les variétés des plantes qui peuvent être développées en Tunisie et leurs techniques culturales. Couvrant une superficie de 1.030 hectares, la culture des PAM est très répandue, notamment dans les gouvernorats de Kairouan, Zaghouan, Sfax, et Sidi Bouzid. Elle emploie près de 470 agriculteurs. Une enquête ethnobotanique effectuée auprès des herboristes du pays a recensé 70 espèces à usage médicinal. Elles représentent 3% de la totalité des espèces végétales de la flore tunisienne et 14% des taxons connus pour leur usage médicinal traditionnel. Les forêts constituent les principales zones de production de PAM, objet d'extraction d'huiles essentielles et d'essences utilisées en alimentation (arômes), en parfumeries (molécules odorantes), en thérapeutique (principes actifs) ou en cosmétique (substances traitant la peau et les cheveux...). Les huiles essentielles fabriquées en Tunisie sont le néroli, le romarin, l'armoise blanche, la marjolaine et les essences d'agrumes. A l'exception de l'exploitation de certaines essences forestières (romarin, thym...) et le bigaradier, la culture des PAM reste traditionnelle. Elle se limite aux jardins familiaux et d'agrément. L'importance de la demande manifestée, durant les années 90, par certaines industries de transformation locales et étrangères a encouragé l'intensification et l'exploitation des PAM spontanées, faisant ainsi de la Tunisie un des plus grands producteurs d'huile de romarin dans le Bassin de la Méditerranée, le premier exportateur de néroli et le deuxième exportateur d'essence de romarin après le Maroc. La spécificité de la Tunisie pour certaines plantes comme le bigaradier, le géranium, le myrte, le romarin, le rosier et le jasmin lui confère une place de premier choix pour l'exportation. Encouragée par cette forte demande générée par un regain d'intérêt pour l'agriculture biologique, la phytothérapie et l'aromathérapie, les structures de promotion de l'investissement étranger en Tunisie, s'emploient à promouvoir ce créneau lors de salons agricoles. Ainsi, la culture industrielle de PAM et la production d'huiles essentielles sont retenues comme des créneaux privilégiés de partenariat dans le catalogue du Salon International de l'Investissement Agricole qui se tient régulièrement à Tunis. Les atouts qui militent en faveur du développement des PAM sont au nombre de trois: - La disponibilité de vastes étendues de couvert végétal naturel formée d'une panoplie de plantes aromatiques riches en huiles essentielles, de sols sablonneux et d'eau douce pour la culture des nouvelles plantes aromatiques demandées par le marche européen telles que l'Estragon, la ciboulette et le laurier sauce. - La disponibilité de matière première riche et variée: 1.500 tonnes de fleurs de bigaradier et 250.000 ha de plantes aromatiques naturelles composées de romarin, thym, myrte, armoise blanche et menthe poivrée, - La disponibilité d'une importante logistique de transformation, il existe actuellement 28 unités de distillation installées produisant 420 tonnes d'huiles essentielles et d'aromates pour une valeur de 6 millions de dinars (4 millions d'euros). Sur un total de 187 PMA non toxiques recensées en Tunisie, 80 espèces peuvent faire l'objet de cultures intensives. La Tunisie exporte, en moyenne annuelle, 250 tonnes d'huiles essentielles et d'aromates pour une valeur de 3,2 millions de dinars, soit 34% de néroli, 31% de romarin et 35% de fleurs d'agrumes et d'autres plantes aromatiques. Selon le ministère de l'Agriculture, les recettes des exportations des PAM ont presque doublé, en 10 ans, passant de 8 millions de dinars en 1990 à 15,3 millions de dinars en 2001. Rappelons que le néroli, servant en cosmétique pour la fabrication de parfums haut de gamme, est l'huile essentielle la plus connue et la plus prisée à l'étranger.