Les forêts, les montagnes et les régions arides en Tunisie ont depuis des siècles produits au profit des habitants des plantes à parfum, aromatiques et médicinales dont l'utilisation à diverses fins remonte très loin dans l'histoire. Oubliées pour quelque temps, elles connaissent aujourd'hui un regain d'intérêt partout dans le monde. Ces plantes qui demeurent la principale source de substances naturelles utilisées dans les industries pharmaceutiques, cosmétiques et alimentaires notamment, enregistrent une demande de plus en plus forte, notamment sur les huiles essentielles dont la production a enregistré des fluctuations, expliquées notamment par la dégradation des champs de romarin et de myrte qui constituent les espèces les plus exploitées. La baisse de production a été sérieusement ressentie au niveau des exportations. Mais la richesse de la Tunisie en biodiversité de plantes aromatiques, médicinales et à parfum, dépasse le cadre de ces deux espèces. Elle constitue une ressource importante à sauvegarder, voire à développer et promouvoir.
Les études réalisées au cours des dernières années sur ces plantes ont relancé et renforcé l'intérêt qui leur était accordé, d'autant que ces plantes et leur valorisation jouent un rôle socio-économique en plus d'un rôle phytothérapique qui a été confirmé grâce aux progrès des études pharmacologiques de la plante médicinale et la mise en évidence de ses principes actifs. «La plante médicinale constitue l'outil thérapeutique le mieux adapté pour une approche intégrative et régulatrice» explique M. Carillon Alain dans une conférence internationale sur les plantes Aromatiques et Médicinales, organisée à Jerba. Il a précisé que ces plantes ont constitué le premier et le principal outil thérapeutique à la disposition de l'homme pendant de nombreux siècles. Avec un don d'observation inégalé, a-t-il ajouté, les anciens ont pu mettre en évidence des propriétés des plantes médicinales qui n'ont jamais été démenties par l'usage. La Tunisie, grâce à la sagesse de ses ancêtres, a su tirer profit de ces plantes soit pour donner un arome particulier à la cuisine traditionnelle ou pour traiter certaines maladies et certains accidents de la vie quotidienne. Bien que la Tunisie compte un important potentiel et une grande richesse floristique dont certaines ressources végétales constituent un réservoir inépuisable de substances biologiquement actives et qu'on peut utiliser à des fins pharmaceutiques, diététiques, agroalimentaires ou cosmétiques, deux plantes occupent une place importante. Le romarin et le myrte constituent les seules espèces forestières exploitées à l'entreprise d'une manière organisée, pour l'extraction des huiles essentielles. Leur superficie jugée exploitable a été évaluée, à environ 346.000 ha pour le romarin, et à 80.000 ha pour le myrte sur une superficie des formations forestières estimée à 1.044.000 ha. Les nappes exploitables sont proposées à la coupe une fois tous les trois ans, en moyenne ; cette fréquence varie selon l'état de leur dégradation et leur aptitude à la régénération. Ainsi, l'intensité d'utilisation de ces nappes pour d'autres usages et services conditionne la période de mise en repos afin de réduire les risques de leur dégradation. Parmi les autres usages auxquelles les nappes de romarin et de myrte sont fréquemment assujetties, il convient de rappeler l'affouragement du cheptel domestique local, la consommation de bois de feu et la production de nectar pour une apiculture florissante. En outre, les populations d'une variété d'espèces de la faune sauvage trouvent dans ces nappes un habitat adapté tout comme une importante source pour leur alimentation. Les usages de l'huile essentielle de romarin sont médicinaux externes et internes, avec ses propriétés désinfectantes, son action tonique et cholagogue, aromate culinaire et parfumerie. L'huile de myrte est employée dans la parfumerie, le cosmétique, l'aromathérapie et l'arôme alimentaire. Concernant les bénéfices économiques directs dérivés des nappes de romarin et de myrte, ils sont le résultat d'une multitude d'intervenants dans les différentes étapes d'exploitation, de distillation et de commercialisation des huiles. Outre l'administration forestière et la main d'œuvre impliquée dans cette filière, la Tunisie compte aujourd'hui une vingtaine d'entreprises connues pour leur engagement dans le domaine de l'exploitation, la distillation et la distribution des huiles essentielles. La cession des droits d'exploitation a rapporté à l'Etat tunisien une recette de 726.000DT/an en 2001. L'exploitation des nappes de romarin et de myrte permet également la création d'un complément de revenu non négligeable pour les communautés forestières locales. La valeur totale des exportations d'huiles essentielles brutes a atteint 5,9 Mil DT en 2001, desquels 2,3 Mil DT sont imputés aux huiles de romarin et de myrte. Elle représente une contribution de 1,3% des divers produits agricoles et alimentaires au titre de l'année 2001. L'exploitation des brindilles de myrte et de romarin par les usagers (récolte et transport jusqu'aux lieux de distillation), permet de créer 91800 JT/an, pour 2300 familles (romarin : 7200JT, pour 1800 familles, avec un revenu moyen de 264 D par famille ; myrte : 19800 JT, pour 500 familles avec un revenu moyen de 286 D par famille).