Est-ce la naissance d'une prise de conscience collective ? Par Tallel BAHOURY
Le forum des technologies de l'information et de la communication pour tous (ICT for all) s'est tenu les 26 et 27 octobre 2006 à Hammamet. Cette manifestation, à défaut de réunir les acteurs de tous les pays africains du secteur, a eu le mérite non seulement de faire un diagnostic réel des différents problèmes des technologies de l'information et de la communication, mais surtout de poser les préalables quant au développement des TIC. En effet, deux jours durant, experts, hommes politiques, entreprises et société civile ont essayé de parler le langage des TIC, de communiquer, des coûts, des priorités, de problèmes d'orientation et d'allocation de ressources, de développement durable pour des profits durables, de marchés nationaux et régionaux, de formation et d'information, d'environnement, de stratégies nationales, etc. En un mot, tout a été mis sur la table, ou presque. Alors, prise de conscience profonde ou nécessité de circonstance ? Difficile à répondre, même si en apparence on pourrait penser qu'il s'agit d'une prise de conscience du retard de l'Afrique en termes de développement, dans son sens large. Car, pourquoi très peu de pays sont-ils représentés ? Officiellement, il s'agit d'un problème d'agenda le forum de Tunis ayant coïncidé avec d'autres agendas de grande importance ; mais est-ce réellement simplement un problème de calendrier ? Qu'on nous permette d'en douter. Cette non-participation massive est d'autant plus inextricable que toutes les conditions étaient réunies pour permettre le déplacement des délégations africaines à Tunis. Rien donc, a priori, ne pouvait empêcher la venue des Africains en Tunisie... Ceci dit, laissons de côté cet aspect des choses, et voyons comment se sont déroulés les débats à travers les différents panels. Il y a eu d'abord le premier panel, appelé panel ministériel, consacré aux politiques nationales en matière de développement des technologies de l'information et de la communication. Les exposés présentés par les pays présents -entre autres la Guinée, la Mauritanie, le Zimbabwe, Burkina Faso, Nigeria, Angola, Mali, Afrique du Sud, Zambie, Guinée équatoriale, Bénin, Kenya, Egypte, Les Comores, Sénégal, Soudan, Niger - ont permis aux participants de partager les expériences africaines en la matière et de mettre en exergue les efforts déployés par les différents gouvernements pour doter leurs pays d'infrastructures nécessaires au développement des TIC. Cependant, pour réduire les disparités en matière de connectivité entre les pays africains et les pays développés, il est nécessaire de multiplier les efforts de part et d'autre tout en les conditions favorables pour attirer davantage les investisseurs étrangers dans ce secteur, souligne le communiqué final. Ensuite, les participants ont abordé la question des "E-Stratégies" et développement des TIC en Afrique», en soulignant la nécessité de disposer à l'échelle de chaque pays d'une stratégie cohérente et aussi complète que possible pour le développement du secteur des TIC avec des objectifs clairs et mesurables. Quant au 3ème panel, il a traité de «l'environnement propice au développement des TIC en Afrique». Les débats sur ce sujet ont amené les participants à considérer qu'il est indispensable de mettre en place des règles d'une concurrence saine et équitable impliquant notamment la neutralité des pouvoirs publics envers les intervenants. Mais là, nous pensons qu'il serait utile de préciser s'il s'agit des intervenants nationaux ou non; d'autant plus qu'en matière de d'investissements, mettre sur le même pied d'égalité investisseurs locaux et étrangers, c'est assurer la mort des entreprises locales. Un 4ème panel s'est penché sur les tendances et l'évaluation de la situation en Afrique en matière de développement des TIC. Et comme l'on pouvait s'y attendre, les participants n'ont pas manqué de souligner que les TIC constituent un facteur de développement et de croissance économique ; une sorte d'industrie industrialisante. D'où l'appel à une plus grande capitalisation des expériences réussies en matière de mise en place des stratégies de développement des TIC à travers des mesures à même d'attirer les investissements directs étrangers vers ce secteur. Enfin, deux autres panels ont été consacrés au «partenariat public/privé» et aux «opportunités d'investissement en TIC». Au vu de tout ce qui précède, cinq recommandations ont été formulées par les participants au forum de Hammamet. Premièrement, il s'agit d'appuyer l'initiative de la Tunisie dans l'organisation de ce forum 'les TIC pour tous'' et dans son engagement à organiser un forum périodique afin de traiter les différentes questions qui concernent le développement des TIC en Afrique. Deuxièmement, les participants ont appelé à développer la coopération interafricaine pour le partage des expériences et la création de synergies de développement des TIC à l'échelle du continent en conformité avec les recommandations du SMSI de Tunis (2005). Troisièmement, ils appellent à mettre en place une stratégie africaine en matière de TIC afin de sensibiliser la communauté internationale à la nécessité de consentir davantage d'efforts pour l'Afrique et de développer les investissements dans le secteur des TIC. Quatrièmement, ils invitent les bailleurs de fonds à étudier les possibilités qui permettent de faire évoluer leur réglementation pour assurer une plus grande participation des entreprises locales et/ou régionales dans la réalisation des projets qu'ils financent au sein des pays africains. Enfin, cinquièmement, les participants appellent à promouvoir la coopération régionale Sud/Sud au niveau des technopôles ainsi que la nécessité mutualisation et le partage des ressources afin de développer l'échange d'expériences entre entreprises et institutions de recherche de différents pays et favoriser la création de technopôles multidimensionnels régionaux. Il ne reste plus qu'à espérer que ces recommandations se traduisent en faits concrets au grand bénéfice des populations africaines qui n'ont que trop souffert de la pauvreté. Malheureusement il y a un risque que cela ne soit pas le cas, car il aurait fallu que des mesures contraignantes soient prises pour empêcher certains pays de traîner les pieds.