L'adhésion de la Chine populaire à l'OMC, semble, malgré l'impact positif de cette admission au sein de la communauté internationale, causer bien des soucis aux fournisseurs traditionnels du marché français de produits textiles que sont la Tunisie et le Maroc. En effet, il apparaît d'après les statistiques fournies par le Centre textile de conjoncture et d'observation économique (CTCOE) de l'Institut français de la mode, dans sa lettre mensuelle de janvier 2004, que la Chine Populaire soit pour la première fois devenue en 2003 le premier fournisseur de textile-habillement de la France. Les exportations chinoises de vêtements tissés auraient en effet, selon cette institution, augmenté de 13 en valeur, après un bond de 17 % en 2002. En un an, la part de la Chine, pour ces produits, est passée de 13% à 15% des importations françaises, dépassant ainsi celles de la Tunisie et du Maroc.
Selon une autre source, celle du Centre du Commerce International (PCTAS CCI Genève), les importations mondiales de vêtements de la France auraient atteint en 2001 , 15,6 milliards de dollars US (chap. 59 à 63). Sur cet échantillon largement représentatif, la Chine s'est appropriée une part de 10,4% alors que la Tunisie en a pris 8,7%.
Il faut également savoir que le secteur textile dans son ensemble au niveau des exportations chinoises sur la France, avec 16% se situe au troisième rang, précédé par le secteur des industries métalliques, mécaniques et électriques (37%) et le secteur des industries diverses (34%), suivi par le secteur des cuirs et chaussures (10%) et du secteur agroalimentaire (3%); sachant que les exportations totales de la Chine sur la France en 2001, ont totalisé 11,7 milliards de US $ (10,7% des importations en valeur des Etats Unis à partir de la Chine Populaire).
Le premier produit textile importé par la France est, pour la même période, le NSH 611030 chandails, pull-overs, cardigans et gilets pour une valeur approchant 1 million US environ (953,2 mille $) et 6,1 % de l'ensemble. La Chine se place là encore très bien en tant que fournisseur de la France pour ce produit (61,7 mille $) soit à hauteur du double des exportations tunisiennes du même produit (30,8 mille $), en sachant que la Chine a exporté pour une valeur de 316,8 millions de $ de ce produit sur les Etats Unis en 2001 (5 fois plus que les exportations de ce produit sur la France).
Il est cependant un autre produit qui connaît à titre d'exemple révélateur, une croissance importante des ventes chinoises sur le marché français des vêtements, c'est le NSH 621210 soutiens-gorge et bustiers. La France a importé en 2001 en ce qui concerne ce produit pour une valeur de 426,4 mille $ dont la Chine a pris une part de 12,7% contre une part supérieure de 19,7% pour la Tunisie. A titre d'indication, les exportations toutes destinations de ce produit en 2003 par la Tunisie ont atteint 151,8 millions de $ dont la moitié sur le marché français.
Cependant cette part chinoise de 12,7 en 2001 atteignait 8,7 en 1997 : une progression appréciable en considérant le fait que les obstacles d'accès au marché français étaient encore pleinement opérationnels puisque la Chine n'avait accédé à l'OMC qu'en décembre 2001. Là encore, les chiffres des ventes de cet article par la Chine sur les Etats Unis sont loquaces: en 2001, ces derniers ont atteint sur la France presque la moitié (44%) de ceux réalisés par "l'Empire du Milieu" sur les Etats-Unis, en se rendant compte que les exportations totales de la Chine sur la France ont atteint en 2001 le dixième des exportations de ce même pays sur les USA.
Toutefois, la montée prévisionnelle en puissance de la Chine serait naturellement la conséquence de son adhésion à l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) puisqu'elle bénéficie, depuis 2002, du démantèlement progressif des quotas limitant ses exportations. En attendant une libéralisation complète en 2005, ces quotas ont déjà été supprimés en 2002 sur onze catégories de produits, et les résultats sont apparemment spectaculaires : on assiste ainsi à un raz de marée chinois pour les produits d'habillement libéralisés : en 2003, les exportations vers l'Union européenne ont augmenté de 194 %, alors que le prix par valeur unitaire a baissé de 45%.
Même si la chute n'a pas été entièrement répercutée par les distributeurs dans les rayons, l'impact devient sensible pour le consommateur. Pour !a première fois depuis de nombreuses années, les chiffres d'affaires 2003 de la profession en France ont baissé, de l'ordre de 1 % à 1,5 %, alors que la consommation a été stable. Cette tendance déflationniste se retrouve dans les soldes, qui connaissent cette année des taux de rabais particulièrement élevés.
L'explosion des importations venant de Chine a été amplifiée par la force de l'euro par rapport au dollar. La compétitivité des produits en provenance d'Asie s'est trouvée renforcée par rapport à ceux de la Tunisie et du Maroc, qui ont particulièrement souffert. La part de ces deux pays dans les importations de la France n'est plus que de 22 %, contre 25 % en 2001. Cette situation a des répercussions directes sur l'activité des tisseurs français, qui sont de gros exportateurs vers le Maghreb. Les exportations françaises de tissu ont ainsi reculé de 1 1% en 2003.
Les Etats-Unis, qui ont aussi connu en 2003 une forte poussée des exportations chinoises (+ 34%), ont déclenché la clause de sauvegarde prévue dans les accords de l'OMC. Celle ci permet de réintroduire des limitations sur les produits qui connaissent des croissances d'importation exponentielles. Les Européens n'ont pas encore réagi. Selon les déclarations de Guillaume Sarkozy, président de l'Union des industries textiles "Nous n'avons pas de demande de la part des industriels, mais la question est d'actualité. Pour le moment, nous demandons la création d'un observatoire sur la Chine afin de vérifier si elle respecte ses engagements en termes de dumping [ventes à perte] et de respect de la propriété intellectuelle, car le marché doit être libre, mais équilibré ".
Par conséquent il apparaît clairement que les pertes provoquées par l'augmentation des exportations chinoises ne portent pas seulement du tort aux ventes des produits textiles maghrébins sur l'hexagone mais également aux investisseurs français qui délocalisent en Tunisie et au Maroc qui sont eux mêmes liés par des accords avec les fournisseurs français de matières premières.
Cependant la prise par la France de mesures de rétorsion semblables à celles agitées par les Etats Unis, est délicat. En effet, ces mesures risquent d'entraîner une réaction assez violente de la Chine d'autant plus que des motivations politiques peuvent avoir justifié la décision américaine (début des campagnes présidentielles).
Ce n'était pourtant pas la position officielle US qui considérait que la mesure de sauvegarde mise en oeuvre (quotas) était justifiée.
Selon les estimations d'un groupe d'industriels américains, les importations de robes du soir en provenance de Chine auraient en effet augmenté depuis 2001 de 905%, celles de soutien gorge de 382% et celles de tissus de laine de 28.000%.
En fin de compte, certains facteurs exogènes pourraient amener les autorités françaises à tempérer leurs velléités d'imposer des sanctions commerciales comme le fait d'obtenir une plus grande ouverture du marché chinois pour les entreprises françaises et notamment soutenir la concurrence des avions Airbus par rapport à Boeing, sans compter l'approvisionnement de la France en certains produits (engrais, matériel de communication..). La visite récente du président chinois en France s'oriente d'ailleurs dans le sens de cette accalmie.