Au gré des jours, au gré des saisons, et au gré des années. C'est, se risque-t-on à dire, comme cela que ça marche à Douz. Ça ne marche pas, ça coule tout doucement, ou plutôt ça suinte, exactement comme l'eau des oasis. Il faut s'être rendu plusieurs fois à Douz pour s'en apercevoir et s'en rendre compte. On a beau comprendre que c'est une mentalité à part, un train de vie propre aux Mrazigues, premiers habitants nomades de la région, on ne comprend pas en revanche cette passivité, cette résignation et cette attente qui font que les habitants de Douz ne provoquent jamais leur destinée mais la subissent comme elle vient. Qu'elle soit bonne, moyenne ou mauvaise, ils l'étreignent en silence pour, ensuite, s'en réjouir ou s'en plaindre à travers des poésies confiées à l'immensité sablonneuse du Sahara (lire l'article lié à la vie au Sahara). Terrible ce que les temps n'aient rien pu faire pour changer la mentalité des Mrazigues. Pourtant, il y a tout à Douz. Douz a tout. Tout pour devenir la vraie capitale du Sud. Hélas !, on ne fait rien pour. L'an dernier, un grand hôtelier nous disait : «Dès qu'un Marzougui a beaucoup d'argent, il va l'investir ailleurs, comme si Douz n'était pas sa ville». Quant aux autres, les démunis, ils se contentent d'égrener leurs jours en silence. Exactement comme le silence du Sahara. Décidément, les Mrazigues sont faits pour être des poètes, pas pour autre chose. L'immobilité du Sahara les a comme contaminés. Non pas qu'ils soient paresseux ou inactifs, mais ils ne provoquent jamais rien, ne demandent jamais rien, ils se contentent de ce qu'ils ont, sans plus. Ce qu'il y a à Douz, c'est une chance inouïe : le tourisme. Un secteur qui marche plutôt bien. Mais même cette aubaine, Douz la subit et en profite largement sans jamais l'avoir provoquée de quelque manière que ce soit. En revanche, c'est l'artisanat qui est le parent pauvre de la dynamique économique de Douz. N'eussent été le tourisme et le Festival international de Douz (décembre), l'artisanat reste recroquevillé sur lui-même. L'agriculture, elle, doit son salut aux dattes, Douz étant l'un des principaux, sinon le principal, producteurs du gouvernorat de Kebeli. Pour autant, Douz commence à connaître une vraie dynamique culturelle. Le grand Festival international a fait des émules, bien d'autres étant nés depuis quelques petites années, dont le Festival National du 4ème Art de Douz, objet de notre dernière visite. C'est rassurant à plus d'un titre, car la ville a pris conscience que sans activités culturelles, ses enfants, génération après génération, risqueraient d'être coupés à jamais du monde des arts. Ainsi ont été créés le Festival des arts plastiques, le Festival de la photographie, le Festival de la chanson bédouine, etc. Douz (38.000 habitants, à 550 km de Tunis) a besoin d'une secousse. Elle a surtout besoin de se réveiller un tout petit peu et de s'assumer, de prendre en mains sa destinée. Ce jour-là, s'il arrive, Douz sera la reine indétrônable du Sud.