«See people change See China change» est un spot publicitaire qui passe en boucle sur les chaînes TV chinoises. Signe d'un pays qui bouge et s'ouvre sur le monde, il reçoit pour la sixième année consécutive le Salon de l'huile «Oil China». Un salon spécialisé qui accueille plus de 6.000 visiteurs et participants venus d'Italie, de Grèce, d'Espagne, d'Australie, de Tunisie et des nombreux pays asiatiques de la région comme les Philippines, l'Inde ou l'Indonésie. Cependant, il demeure évident que toutes les attentions sont tournées vers la Chine et son marché juteux. «Aujourd'hui, c'est encore un petit marché pour l'huile d'olive. Par contre, son futur développement ne pourra qu'être important et rapide. Les potentialités sont exponentielles et les estimations prévoient jusqu'à plus de 100 mille tonnes annuellement dans moins de 5 ans», affirme Abdessalem Loued, patron des Huileries Loued. Une entreprise qui opère dans le secteur depuis 1928 et produit 10 mille tonnes d'huile d'olive par an. Trop enthousiaste ? Pour les professionnels tunisiens de l'huile d'olive conditionnée, il ne s'agit pas d'enthousiasme. Il s'agit de stratégie. Il est effectivement vital d'investir dans tous les marchés où se trouvent des opportunités. Et justement, la Chine est le marché de toutes les opportunités. Le marché s'accroît de près de 70% tous les ans depuis ces trois dernières années. Les chiffres sont encore assez contradictoires. La Chine aurait importé entre 12 et 30 mille tonnes d'huile d'olive l'année écoulée. Avec la mondialisation, l'accès aux voyages et les changements des comportements alimentaires, les chinois sont désormais une cible non négligeable pour l'industrie oléicole mondiale. Bien qu'étant un produit de niche, l'huile d'olive est un produit qui fait rêver et donne envie de voyager. Il s'adresse à des clients aisés pour lesquels le savoir-vivre méditerranéen exerce un attrait. Il pourrait précisément séduire les 10% de riches que compterait la Chine aujourd'hui. Une cible à calculer sur la base d'une population de plus d'un milliard trois cent millions d'individus dans un pays qui malgré la crise économique et financière clôturera l'année 2010 avec plus de 8% de croissance. Le marché de l'huile d'olive est-il une réalité ou une utopie ? Sans chercher à faire dans le suspens, il convient de s'engager et tout mettre en uvre pour comprendre ses mécanismes et les décoder. «C'est cela la voie à investir et au plus vite», résume Habib Badra, propriétaire d'ISB commercialisant la marque «Le Mont des Oliviers» et Président des oléifacteurs, une entreprise basée à «Sidi Chaabane» qui vient de racheter «Giordano», une marque italienne qui date de 1873. «Tout commence par un rêve. Le secteur s'organise et ne doit plus perdre de temps. Il s'agit désormais de trouver les leviers et comprendre les accès au marché chinois», conclura t-il. Même son de cloche du côté de Khallil Kammoun, qui défend les couleurs de «Terra delyssa» marque phare de CHO. Un opérateur qui exporte sur la Russie, le Canada et les Etats Unis d'Amérique Fort de son expertise sur ces nouveaux marchés, il affirme sans complexes que nombreux opérateurs sont, encore comme lui, dans la phase d'approches et d'analyses. Pourtant, CHO avec les Huileries Loued sont les deux seules entreprises tunisiennes qui opèrent déjà sur le marché Chinois. Sur le stand de CHO, l'un des plus gros exportateurs d'huile d'olive de Tunisie, on observe un dynamisme certain. Il a été créé grâce à quelques années de présence sur le marché. Une équipe est en place. Désormais, le réseau travaille à mettre au point une vitesse de croisière à la mesure de ses ambitions. Il évolue avec fermeté et assurance et les clients se joignent à l'exportateur pour assoir la notoriété d'une marque exclusivement dédiée au conditionnée. Autre marque autre style. Abdessalem Loued a ses propres méthodes. Sur le desk de son stand situé dans l'ilot «Tunisian Olive Oil», il dépose une petite pancarte écrite en chinois et en anglais : «Recherchons distributeurs et faisons du label privé». Tout un programme ! Ce programme, c'est précisément ce qui fait courir M. Xian D. Un opérateur chinois dont le siège est situé non loin de Hong Kong et qui a fait fortune dans l'huile de camélia. La conversation avec le propriétaire des Huileries Loued va immédiatement à l'essentiel. Les Chinois veulent parler à un patron. Ils en ont justement un en face d'eux. Aussitôt, ils lui proposent un «counter trade» Les économistes ont beau dire qu'il vaut mieux un «counter trade» que pas de «trade» du tout, ceci est sans compter sur le sens de la communication d'Abdessalem Loued. Pour le moment, il est en affaire avec des professionnels de l'huile australienne. Il ne demande qu'à en savoir plus sur les expertises, les savoirs faire et les spécificités techniques tunisiennes. Saisir les opportunités Xing Ding est un distributeur pékinois d'huile et de vin. Il traite avec des opérateurs turcs et veut étayer son offre sur la région. Il sent que le marché est prêt et prend contact avec Zied Naffati, Directeur Général de Huilnord, une jeune entreprise qui commercialise la marque «Virginia». Celle-ci exporte ses produits au Japon, en Algérie, en Lybie, en France et aux USA. Produisant plus de 1.500 tonnes d'huile dont 100 tonnes sont conditionnées, Zied n'est pas peu fier de son parcours et de l'équipe qu'il a mis en place. «La bouteille est un process qui a ses exigences». Un «process» qu'il a appris à maîtriser après de longues années passées dans le secteur bancaire. Huilnord est justement en train de finaliser un autre «process»; Celui de la certification ISO 22 000 et HACCP». Ces certifications apporteront la fiabilisation du produit et aura incontestablement un impact positif quand à la perception du marché extérieur», rajoute-t-il. A peine le jeune opérateur, qui croit en l'avenir de l'huile biologique, finit-il son entretien, qu'un ingénieur chinois travaillant dans les télécommunications prend contact avec lui. Ce dernier connait la Tunisie et certaines de ses villes comme Sousse ou Hammamet. Il sent depuis peu qu'il y a d'importantes opportunités à saisir. En marge de son métier, le chinois caresse le rêve de monter sa propre entreprise. Il enverra dans la semaine à Huilnord un e-mail spécifiant sa demande. Les opérateurs tunisiens sont précisément connus pour leur réactivité. Leur présence massive sur le Salon «Oil China» témoigne non seulement de la vivacité du secteur mais aussi de sa maturité. Une maturité qui se matérialise en deux initiatives originales, innovantes et percutantes. Celle de «VITALIA», la marque du Groupe Poulina nouvellement installé en Chine et la marque «Carthage Olive Oil» résultat d'une association entre les huileries Medagro, Ben Yedder, Hikma et Slama. Les huileries «TOPOLIVA» «AL JAZEERA» et «LA VIERGE» comme le reste des opérateurs participant au Salon «Oil China» y croient dur comme fer. Ils y mettent du cur, de l'énergie et de la stratégie pour hisser l'huile d'olive tunisienne sur une place qui lui revient. Une place de leader. En attendant que les affaires se concrétisent, certains ignorent que le marché de l'huile d'olive ne représente qu'à peine 3% du total des huiles dans le monde. En fait, sur les 3 millions de tonnes seul 600 mille tonnes fait l'objet de commerce international. Sur ce volume global, la Tunisie assure 150 mille tonnes dont 6000 tonnes sont livrés conditionnées. Pour comprendre ce qu'ils représentent pour la Tunisie, il convient de retenir que le pays détient 7 à 8% de la production mondiale qui représente 25% du commerce de l'huile d'olive. Une place à sauvegarder et consolider. Une place que le marché chinois aidera assurément à entériner.