La nouvelle du prochain retour en Tunisie de la télévision française à péage, Canal+, a fait le tour des rédactions dès son annonce. Les commentaires sont souvent enthousiastes et le fait que le Maroc et l'Algérie se soient déjà dotés de ce système ne laisse la place à aucun recul. On y va franco ! On va avoir au moins une parade à la déferlante satellitaire du Nilesat qui nous délivre par centaine des fatwas, des clips médiocres, des éternels films égyptiens et des nouveaux soaps opéras turques édulcorés. Il est certain que la qualité des programmes de Canal+, avec ses hauts et ses bas, demeure d'une facture extrêmement éloignée de la médiocrité moyenne orientale du Nilesat. Comme il est vrai également que certains groupes médiatiques du Golfe ont déjà opté pour une autre réponse correspondant mieux à la culture de l'élite très américanisée dans ces pays. Ainsi, nous voyons que le groupe MBC diffuse à travers 4 canaux des films (et des séries) américains sous-titrés en arabe comme le fait le groupe Rotana avec deux de ses canaux diffusant séries et films de la très américaine Fox. Ainsi en est-il du bilan de notre aventure satellitaire arabe commencée dans l'enthousiasme qui nous a fait rêver en 1985 quand les premiers satellites du réseau Arabsat ont commencé à diffuser sous la houlette de l'ASBU. La technologie occidentale et l'argent du pétrole allaient nous offrir l'occasion de s'affranchir des éternelles et médiocres radios et télévisons officielles, et on se permettait de rêver que ce «plus haut minaret du monde» comme l'a décrit en ce moment le journal français Libération, donnerait le coup de grâce à la communication façon la Pravda qui sévissait partout, de Rabat à Dubaï. Un quart de siècle après, nous voilà encore à quémander le bon contenu de nos métropoles respectives, impuissants que nous sommes à pouvoir produire ne serait-ce qu'un seul canal digne de nos espérances et surtout dignes de la qualité très honorable des milliers d'artistes arabes qui ne sont pas dans le cercle «officiel». Même la très professionnelle Al Jazira qui, à ses débuts, a soulevé les plus grands espoirs, a fini par être minée par ses contradictions internes qui sont celles de l'élite politique divisée entre modernité et traditionalisme. Même si nous prenons les TV arabes, chacune dans son contexte local, nous assistons aux mêmes maux de la désaffection à la production nationale, hormis le contenu lénifiant du mois de Ramadan, à cause essentiellement du manque de liberté et de l'omnipotence des systèmes politiques qui dirigent les télévisions publiques partout dans le monde arabe. Ainsi, nous sommes acculés, au moment où le monde s'apprête à des nouveaux sauts technologiques vers la TV HD ou 3D, à importer non seulement les lessives occidentales mais également et surtout la culture et les valeurs d'une société que nous décrions à longueur de journée dans nos prêches, transmis par «le plus haut minaret du monde».