Une tempête dans un verre d'eau? Il semble bien que cela ait été le cas pour ce qui est des informations parues récemment sur des journaux suisses et qui ont parlé du détournement de cargaisons de blé à destination de l'Egypte et de la Tunisie. Il n'y a pas eu détournement de cargaisons de céréales destinées à approvisionner le marché tunisien, assure-t-on à l'Office national des céréales pour la simple raison que les producteurs de la Mer Noire sont hors circuit depuis le mois d'août. La Tunisie n'a même pas commandé de céréales de Russie ou d'Ukraine depuis 5 mois -date marquée par une flambée sans pareille des prix des céréales. La Russie, troisième exportateur mondial de blé, a imposé à partir du 15 août dernier et jusqu'à la fin de l'année 2010, un embargo total sur l'exportation des céréales pour contenir la hausse des prix engendrée par l'effondrement des récoltes en raison de la canicule. L'Ukraine, premier exportateur mondial d'orge et 6ème de blé, frappée également de canicule, avait annoncé au mois d'août, la restriction de ses exportations à 3,5 millions de tonnes d'ici à la fin de l'année. Le retrait de la Mer Noire sur le marché mondial a profité aux céréales européennes et américaines du Nord aussi bien qu'à l'Argentine et au Brésil. Bien que les décisions prises par la Russie et l'Ukraine aient eu des répercussions négatives sur les stocks mondiaux, ce qui a engendré des fluctuations significatives des cours de céréales sur les marchés internationaux. Fluctuations qui ont vu leur apogée au niveau des prix de l'orge dont la tonne est passée de 180$ en juillet 2010 à 310$ il y a deux jours. D'autre part, la qualité du blé australien, grand exportateur également, s'est détériorée, 40% de la récolte ne répondant pas aux critères ont été déclassés pour les besoins fourragers. La baisse des quantités de céréales écoulées sur les marchés mondiaux, conjuguée au fait que la France achève son programme d'exportations de blé au mois de mars 2011 ont fait grimper les prix. Ceci pour ce qui est de la conjoncture internationale. Mieux vaut prévenir que guérir La Tunisie, pour sa part, familiarisée avec la gestion des stocks et de l'approvisionnement pour tous ses besoins en céréales depuis les années 60, a anticipé les mutations internationales et a procédé depuis le mois de juin 2010 à l'acquisition de stocks de réserve pour sécuriser le marché national. Pour satisfaire aux besoins du pays pour un mois, il faudrait 90.000 tonnes en blé tendre, 80.000 tonnes en blé dur et 50.000 tonnes en orge. Pour l'instant et selon des responsables de l'OC, aucun risque de pénurie puisque, outre les deux mois nécessaires pour assurer l'approvisionnement stratégique du marché national, nous en avons pour plus de trois mois de céréales stockées qui s'ajoutent aux commandes confirmées jusqu'au mois de juin prochain (2011). Tout cela en prenant en compte les conditions de qualité et de prix. Les opérations d'achats de stocks stratégiques de céréales pour les besoins du pays sont gérées par une commission regroupant des hauts responsables du Premier ministère, des ministères de l'Agriculture, des Finances, du Commerce, ainsi que des représentants de la Banque centrale, de la Caisse de Compensation et de l'Office des Céréales qui doivent anticiper les besoins non seulement du pays en céréales mais également l'évolution de leurs cours et leurs productions à l'international pour éviter tout risque de pénurie sur le marché selon la maxime «gouverner, c'est planifier, planifier, c'est ne pas se tromper». Ceci, sans parler des encouragements accordés par l'Etat aux agriculteurs pour soutenir la production nationale des céréales. Parmi ces encouragements, nous pouvons citer la prime de prompte livraison qu'on donne à tout agriculteur qui remet sa récolte aux centres de collecte de l'Etat entre le 15 juin et le 31 août. Dans un souci de sécuriser ses sources d'approvisionnement en céréales considérées comme le nerf de la guerre pour un pays grand consommateur comme le nôtre, l'Etat a décidé de diversifier ses fournisseurs et ne pas mettre ses ufs dans le même panier. Aujourd'hui, les pays qui approvisionnent la Tunisie en céréales sont, essentiellement, la France, les Etats-Unis, le Canada et l'Argentine. Les acquisitions des stocks stratégiques de céréales au mois de juin dernier ont fait économiser à l'Etat près de 30 MDT. «Nous aurions pu faire plus si ce n'est la limite de notre capacité de stockage», précise-t-on à l'Office des céréales. Rappelons à ce propos que la Tunisie a eu une excellente récolte de blé dur en 2009. L'année 2010 a été catastrophique puisque la production est tombée de 11,2 millions de quintaux à 5,2 millions de quintaux. Pour 2011, les prévisions sont plutôt optimistes.