Hichem Mechichi est le nouveau nom dont on ne cesse de parler sur la scène politique nationale après qu'il ait été désigné par le président de la République pour former le prochain gouvernement. Aujourd'hui, pour quelle sorte de gouvernement va opter le candidat du chef de l'Etat ? Un gouvernement politique ou un gouvernement de compétences nationales apolitiques ? Chacune des options a certes ses avantages, mais aussi ses inconvénients.
L'affaire de conflits d'intérêts pesant sur Elyes Fakhfakh a fini par mettre fin à sa mission à la tête du gouvernement. Malgré sa résistance et sa politique de fuite en avant, il ne pouvait plus tenir à la tête de la Kasbah. C'était inévitable et les pressions étaient tellement grandes qu'il a fini par déposer sa démission.
C'est à ce moment que le président de la République, Kaïs Saïed a pris le relais. Conformément aux dispositions de la Constitution, il a désigné un nouveau candidat pour succéder à Elyes Fahfakh après avoir mené ses habituelles consultations écrites avec les partis représentés au Parlement. Durant la période des consultations, tout le monde parlait, tout le monde spéculait. Plusieurs noms ont circulé, mais comme à chaque fois, Kaïs Saïed a réussi à créer la surprise. Et c'est en proposant l'actuel ministre de l'Intérieur, Hichem Mechichi à la Primature que le chef de l'Etat a bouleversé toute la scène politique poussant, ainsi, tous les partis à revoir leurs calculs et leur positionnement. Coup de maître diront certains. C'en est un dans la mesure où Kaïs Saïed a réussi à prendre à contre-pieds tous les partis politiques. Il a désigné un haut commis de l'Etat, énarque qui a une connaissance des rouages de l'Etat, mais sans appartenance partisane affichée. Le 25 juillet, le choix de Kaïs Saïed a fait un tabac sur la scène nationale. La désignation de Mechichi a été applaudie par la majorité des observateurs de la scène nationale, sauf par les sympathisants islamistes qui ont rapidement réagi sur la toile en publiant des rumeurs et des propos dénigrant le nouveau candidat de Saïed, allant jusqu'à le qualifier d'alcoolique et d'athée.
Cependant, les jeux sont faits et le choix de Kaïs Saïed est irrévocable. Hichem Mechichi dispose dès lors de trente jours pour composer son équipe. Il vient d'annoncer qu'il tiendra deux rendez-vous hebdomadaires pour tenir au courant l'opinion publique de l'avancement de sa démarche.
Ainsi, Hichem Mechichi a la possibilité de composer un gouvernement politique, comme ses prédécesseurs. Cette option nécessite des consultations avec les différentes composantes de la scène politique et permettra au chef du gouvernement de disposer d'un soutien parlementaire nécessaire au vote de confiance et à la poursuite de sa mission à la tête du gouvernement. Toutefois, la tâche s'avère fastidieuse si on se réfère au patchwork parlementaire existant et aux différends existants entre les multiples partis. Mechichi aura à trouver un compromis quasi impossible avec les partis afin de satisfaire leurs demandes et exigences. Il risque, également, à de se confronter à des conflits au sein même de son équipe, comme fût le cas pour Elyes Fakhfakh.
Une autre alternative se présente pour Mechichi, celle d'un gouvernement apolitique de compétences. Un gouvernement restreint qu'il formera avec des profils pouvant répondre aux exigences de la période qui s'annonce difficile, notamment, après la crise économique et sociale liée à la pandémie Covid-19. Cette démarche en harmonie avec le choix initial du président de la République de nommer un chef de gouvernement indépendant n'ayant été proposé par aucun bloc parlementaire, risque d'être rejetée par les partis politiques. Théoriquement, il est possible que ce gouvernement n'obtienne pas la confiance des députés au Parlement. Toujours est-il, le rejet de la formation de Hichem Mechichi aboutira à la dissolution de l'assemblée des représentants du peuple. Une issue qui ne sera certainement pas au goût de plusieurs partis politiques, d'autant plus que les derniers sondages d'opinion indiquent que s'il y a des législatives maintenant, le PDL de Abir Moussi l'emportera haut la main, devançant même le parti islamiste. D'autre part, le président de la République aura à légiférer en l'absence du Parlement et d'une Cour Constitutionnelle. Kaïs Saïed prendra le contrôle de la législation en Tunisie au risque de faire passer sa vision du régime politique et électoral dans le pays.
En tout état de cause, le nouveau candidat de Kaïs Saïed aura du pain sur la planche. Hichem Mechichi devra relever un défi important face à un paysage politique fragmenté. Tant sa désignation a redonné l'espoir à de nombreux observateurs de la scène nationale, sa mission ne sera pas de tout repos, et quelque soit son choix, il mettra les différentes composantes de la scène politique devant leur responsabilité… à lui de faire le bon choix