Saïed : « Nous respectons la légitimité mais il est grand temps de la réviser pour qu'elle soit une expression fidèle et entière de la volonté de la majorité » Mechichi : « J'œuvrerai à former un gouvernement qui réponde aux attentes de tous les Tunisiens et qui soit à même de satisfaire leurs revendications légales qui n'ont que trop duré ». Conformément aux délais constitutionnels, le Chef de l'Etat Kaïs Saïed a désigné, hier, l'actuel ministre de l'Intérieur, Hichem Mechichi, pour former le nouveau gouvernement. Un choix inattendu, tombé après plusieurs heures d'attente et de suspense, d'autant plus que ce profil n'a été proposé par aucun parti politique. Ainsi, Kaïs Saïed opte pour un outsider politiquement indépendant ayant acquis une expérience de gestion des affaires sécuritaires durant son court passage au département de l'Intérieur. Dans une brève déclaration diffusée par les services de la Présidence, le nouveau Chef du gouvernement désigné a remercié le Président de la République «qui lui a accordé sa confiance», affirmant qu'il «n'épargnera aucun effort pour servir la patrie comme un soldat». Prenant également la parole lors de cette déclaration, le Chef de l'Etat a critiqué les longs parcours et concertations autour de la formation des anciens gouvernements ayant démarré depuis novembre dernier. Le Président de la République a surtout mis en garde contre toute tentative de division du pays, rappelant que «la préservation de la paix sociale demeure un devoir sacré». «Le respect de la loi est aussi sacré que la préservation de la paix sociale», a-t-il insisté, appelant à déployer tous les efforts pour répondre aux aspirations des Tunisiens et notamment celles des classes les plus démunies dans le cadre de la légitimité. Une légitimité qui, selon les déclarations du Président de la République, doit être révisée pour qu'elle puisse représenter la volonté de la majorité. «Nous respectons la légitimité mais il est grand temps de la réviser pour qu'elle soit une expression fidèle et entière de la volonté de la majorité ». Le Président de la République a insisté sur «la capacité de la Tunisie aujourd'hui de sortir de la crise, que certains ont créée pour la transformer en un mode de gouvernement et de pouvoir», appelant encore une fois «à préserver l'argent du peuple». Actuel ministre de l'Intérieur, Hichem Mechichi, né en 1974, est proche du Président de la République. Il avait occupé le poste de conseiller principal auprès de la présidence de la République, en charge des affaires juridiques, avant sa nomination en tant que ministre de l'Intérieur. Indépendant et loin de toutes les formations politiques, il est titulaire d'une maîtrise en droit de la faculté de Droit et des Sciences politiques de Tunis, d'un certificat de fin de cycle de l'Ecole nationale d'administration (ENA) de Tunis et d'un master en administration publique de l'Ecole nationale d'administration de Strasbourg. Il avait auparavant occupé le poste de chef de cabinet aux ministères du Transport, de la Santé et des Affaires sociales. Mechichi a été également directeur général de l'Agence nationale du contrôle sanitaire et environnemental des produits. Un mois pour former son gouvernement Cette désignation intervient dans un contexte de crise et de blocage politiques qui s'est aggravé après la démission du Chef du gouvernement Elyes Fakhfakh sur fond de soupçons de corruption. A compter d'aujourd'hui, dimanche, Hichem Mechichi aura un mois pour former son gouvernement et obtenir la confiance de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), dans une mission qui s'annonce extrêmement délicate et périlleuse au vu de la situation conflictuelle qui règne au parlement et son incapacité à trouver un consensus. Le profil du nouveau Chef du gouvernement avait soulevé les interrogations des observateurs de la scène politique, de plusieurs partis, mais aussi des personnalités nationales ont appelé à la désignation d'un Chef de gouvernement au profil rassembleur pour éviter un nouvel échec parlementaire après la chute des gouvernements Habib Jemli et Elyes Fakhfakh. En effet, hier, la journée a été largement marquée par des tractations politiques, des discussions et même par des spéculations de dernière minute. D'ailleurs, ce sont les noms de l'ancien ministre de la Justice Mohamed Salah Ben Aissa et de l'actuel ministre de la Défense Imed Hazgui qui ont été notamment cités. Suite à la démission d'Elyès Fakhfakh, le Chef de l'Etat avait activé l'article 98 de la Constitution en vue de désigner «la personnalité la mieux à même» de former un nouveau gouvernement. Kaïs Saïed avait adressé le 16 juillet une correspondance aux différents partis, coalitions et blocs parlementaires composant l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) dans laquelle il leur a demandé de proposer leurs candidats au poste de Chef de gouvernement. Ces différents choix n'ont pas été pris en considération par le locataire de Carthage dans la mesure où les noms qui ont été le plus cités par les différents partis, à l'instar de l'ancien ministre Mohamed Fadhel Abdelkafi, n'ont pas été désignés. Encore une fois, le président de la République a opté pour des concertations à distance, les partis avaient été appelés à envoyer leurs propositions comme cela a été le cas lors de la désignation d'Elyes Fakhfakh. Une décision qui a poussé la Coalition Al-Karama à boycotter ce processus en signe de protestation contre cette méthode.