Difficile voire impossible de trouver un langage plus ordurier que celui prononcé, épisodiquement, par le député d'Al Karama, Seïf Eddine Makhlouf et quelques uns de ses camarades. Ça dépasse tout entendement. On n'est plus dans le politiquement incorrect, on a un langage d'adolescents attardés des quartiers chauds. Avec son vil discours, le quadragénaire vit réellement une adolescence attardée. Ne se rend-il pas compte que l'on ne parle plus ainsi quand on a son âge et quand on a son statut ? Ne se rend-il pas compte que ce vil discours de gamins de quartiers n'est pas digne d'un quadragénaire, n'est pas digne d'un avocat, n'est pas digne d'un député, n'est pas digne de quelqu'un qui a un minimum d'éducation, de civisme, de culture ? Ne se rend-il pas compte qu'il n'existe aucun député dans le monde (et encore moins un avocat) qui use de ce lexique ? La réponse est négative, Seïf Eddine Makhlouf ne se rend pas compte de tout cela. Seïf Eddine Makhlouf est dans sa tour d'ivoire abreuvé quotidiennement par quelques milliers de « like » et de « bravos » sur Facebook et il pense sincèrement que ses quelques fans représentent toute la Tunisie et son peuple. Il est tellement dans sa tour d'ivoire qu'il n'écoute que ces fans-là. Il balaie d'un revers de la main toutes les critiques des politiques, des médias et des personnes qui l'aiment sincèrement et qui lui disent « tu te trompes Seïf ! ». Seïf Eddine Makhlouf n'a d'oreilles que pour ceux qui lui disent « oui, bravo, continue » et jamais pour les autres qu'il considère comme (au choix) corrompus, ennemis ou ignares.
Les deux dernières sorties de Seïf Eddine Makhlouf sont juste odieuses. Bien sûr qu'il ne se rend pas compte de cela, il pense qu'en jouant à l'hystérique qui a pété un câble, il va pouvoir susciter l'empathie et l'approbation. D'un point de vue social, ce genre de réactions impulsives, basées sur l'injure et l'invective reflètent de l'enfantillage. On regarde avec mépris celui qui perd son sang froid. S'il pense susciter la sympathie de la majorité, il se trompe et il prouve qu'il n'a lu aucun ouvrage de philosophie et aucune étude de psychologie. Quand, face à la parole, on répond par de l'agressivité (physique ou verbale) c'est qu'on est inculte et qu'on n'a aucun argumentaire valable pour répondre à l'adversaire à part l'injure, les grossièretés ou le physique. Dans ces deux dernières sorties, on avait l'injure et l'invective, mais aussi le machisme à deux sous qui, lui aussi, tend à disparaitre.
D'un point de vue politique, Seïf Eddine Makhlouf est en train de mentir et il sait qu'il est en train de mentir. Il dit qu'il pèse plus lourd que son adversaire Abir Moussi ce qui est faux. Ils pèsent tous les deux pareil. A la présidentielle, ils avaient 12.000 voix d'écart (au profit de Makhlouf) et aux législatives, ils n'avaient que 20.000 voix d'écart (au profit du PDL). Depuis ces élections, Al Karama a perdu des sièges et pèse, donc, moins qu'il y a un an. Le bloc PDL, lui, est resté stable. Du côté des sondages, les choses sont claires, la popularité de Seïf Eddine Makhlouf est en chute, alors que celle de Abir Moussi est en croissance. Il se trouve que M. Makhlouf a toujours méprisé les instituts de sondage en dépit de l'exactitude avérée de leurs résultats aux dernières élections. Il ignore totalement comment fonctionne ce domaine et il a souvent invectivé et mis en doute les sondeurs. D'après lui, ce sont des manipulateurs. Ceci est peut-être vrai pour un ou deux sondeurs (CQFD) mais tous les pays fonctionnent avec des sondages. Aussi bien les politiciens que les médias sont obligés de les prendre sérieusement en considération. C'est là le thermomètre de la vie publique et, s'il y a un mal quelque part, on ne doit pas casser le thermomètre, mais plutôt voir où réside le mal. D'un point de vue professionnel, Seïf Eddine Makhlouf continue dans ses mensonges en disant qu'il est mieux calé que Abir Moussi en tant qu'avocat. Il oublie qu'ils ont été tous les deux épinglés par le fisc, qu'ils ont été tous les deux épinglés par leur Ordre des avocats et qu'ils ont tous les deux défendu des personnes controversées. Abir Moussi a défendu des corrompus (CQFD) alors que lui a défendu des personnes impliquées dans le terrorisme à l'instar de Seïf Eddine Raïs, porte-parole du mouvement terroriste Ansar Chariâa.
La politique est une science, tout comme la communication. Dans la pratique, Seïf Eddine Makhlouf ignore l'une et l'autre. A l'entendre, il a les faveurs du peuple et tous ceux qui le critiquent sont des inféodés d'antichambres obscures payés par les Emirats et l'Arabie Saoudite. Son cerveau refuse d'admettre que les sondeurs puissent être indépendants. Son cerveau refuse d'admettre qu'une majorité de Tunisiens n'en a rien à foutre de la révolution et de la politique, la preuve le taux d'abstention élevé dans toutes les élections depuis 2011. Son cerveau refuse d'admettre que les Tunisiens qui s'intéressent à la politique refusent majoritairement les partis autoproclamés révolutionnaires comme le sien. La preuve, le nombre de voix et le nombre de sièges obtenus par les partis dits révolutionnaires est infime par rapport au reste. Le cerveau de Seïf Eddine Makhlouf refuse d'admettre que les médias (qu'il qualifie de médias de la honte) sont réellement indépendants et prennent quotidiennement le pouls du peuple. Le vrai peuple et non celui désigné par les « révolutionnistes ». Le meilleur témoin de cela est l'échec patent des médias dits révolutionnaires (Zitouna, M Tunisia…) et les taux d'audience élevés de ces médias. Une radio comme Mosaïque attire et plait à plus d'un million d'auditeurs tous les jours. Un journal francophone et élitiste comme Business News attire plus de 50.000 lecteurs tous les jours et un million de lecteurs uniques par mois (chiffres de Google Analytics). Al Karama avec ses 170.000 voix aux législatives, est très loin de ces chiffres et du vrai peuple. Les 170.000 électeurs d'Al Karama ne représentent pas le peuple, mais une toute petite partie du peuple dont elle n'est pas du tout représentative. Cette donnée est inacceptable et incroyable pour Seïf Eddine Makhlouf.
Sachant tout cela, qu'est-il en train de se passer maintenant ? Par sa déconnexion du vrai peuple, par ses injures et par ses mensonges répétitifs, Seïf Eddine Makhouf est en train de transformer son adversaire Abir Moussi en victime. Victime du terrorisme linguistique, victime de la voyoucratie, victime des révolutionnaires à deux balles, victime de la virilité et de la société phallique moyenâgeuse. Il a carrément poussé l'ATFD à la défendre ! Un paradoxe quand on sait que cette association est une des plus démocrates qui soit et pas que depuis la révolution ! Seïf Eddine Makhlouf est en train de perdre des voix (et des sièges au parlement) au profit de Abir Moussi. Idem pour tous ceux qu'il attaque comme les sondeurs et les médias. Seïf Eddine Makhlouf, par son comportement, est en train de rehausser l'image de son adversaire et de rabaisser la sienne, exactement comme a fait, avant lui, son idôle Moncef Marzouki. Il base sa stratégie sur le discours phallique et révolutionnaire sauf que cette stratégie est en train de servir ses adversaires en général et Abir Moussi en particulier. Il n'est de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Seïf Eddine Makhlouf est exactement dans ce cas-là, celui du pire aveugle.