La Covid-19 causée par le SRAS-Cov-2, coronavirus émergé à la fin de 2019 et disséminé à l'échelle mondiale a encouragé l'effort d'accélérer le développement de vaccins. Leur production se base sur l'utilisation d'un virus mort ou vivant et atténué ou modifié ou encore se base sur le patrimoine génétique de type ADN[1] (Acide Désoxyribonucléique) ou ARN[2] (Acide Ribonucléique). La nouvelle classe de vaccins se base sur l'ARNm[3] (Acide Ribonucléique Messager). Les trois méthodes sont les suivantes. La première méthode se base sur l'inactivation des virus selon le type soit en utilisant des produits chimiques (des détergents ou des solvants comme l'éther), soit en utilisant la chaleur (Pasteurisation) soit en agissant sur le pH (l'acidité inactive les virus). Cette première méthode est la plus classique, la plus sûre, la moins coûteuse et la plus recommandée. Elle garantit l'égalité d'accès au vaccin et convient à une vaccination de masse. Les deux vaccins chinois qui sont produits selon ce protocole sont administrés en Chine, aux EAU (Sinovac) et au Maroc (Sinopharm). La deuxième méthode d'élaboration de vaccin est de faire des manipulations de génie génétique sur des virus pour produire un organisme génétiquement modifié (OGM) qui produit l'immunité sans déclencher la maladie. Ce vaccin est dit recombinant. Cette méthode a été adoptée par les chinois, les Russes (Sputnik 5), AstraZeneca et Johnson&Johnson. Les chercheurs manifestent une certaine prudence vis-à-vis de cette méthode en raison du risque de mutation de ces OGM. La troisième méthode et la plus récente. Elle accuse un retard par rapport aux deux premières qui sont en compétition et pose un sérieux problème technique et logistique. Elle convient pour les pays riches qui semblent être privilégiés car ils disposent des infrastructures et des moyens techniques et financiers. Cette méthode convient beaucoup plus pour une vaccination de petits groupes de personnes. Elle est adoptée par les laboratoires Pfizer et Moderna. En l'absence du recul scientifique nécessaire, il n'y a pas encore de certitudes concernant la durée de l'immunité produite, car il n'a y pas de données sur la nature de la réponse immunitaire si elle déclenche une sécrétion d'anticorps accompagnée d'une stimulation des cellules immunitaires (lymphocytes, et macrophages) ou non. C'est cette double immunité qui définit l'immunité artificielle induite par le vaccin. Limites d'accès aux médicaments ou « simple exclusion » La stratégie de lancement des nouveaux vaccins ARNm comporte une double exclusion. La première exclusion cible les éventuels concurrents. Elle est exercée en faisant valoir ses droits de propriété intellectuelle qui permettent à leur titulaire d'exclure les tiers de l'exploitation d'une innovation technologique et de profiter d'un monopole exclusif durant 20 ans au moins. Elle s'opère par voie de justice pour faire respecter les droits de propriété intellectuelle. C'est le cas de Moderna qui vient de perdre son procès contre Arbutus Biopharma (ABUS) concernant l'utilisation des nanoparticules lipidiques (LNDPs) destinées à véhiculer les principes actifs (les médicaments) à l'intérieur des cellules. La seconde exclusion cible les pays pauvres au moyen du prix et des conditions technologiques de type « deep freeze » (congélation à -80°C). Elle peut se faire entre autres par la définition des régimes logistiques (logistique de la chaine du froid) d'un produit pharmaceutique. Elle fixe sa trajectoire de commercialisation et limite son marché. Cette dynamique sert aussi, les stratégies marchandes ainsi que la perpétuation à la fois du système d'injustice et de l'injustice du système qui s'expriment à travers les politiques des prix et la conception de la propriété rendant certains traitements inaccessibles. De telles innovations s'accompagnent d'un faisceau d'innovations parallèles dans d'autres domaines connexes comme celui du transport en « deep freeze », une technologie développée par UPS ou celle de la neige carbonique dont le renouvellement est nécessaire pour maintenir la température près de -73°C et qui est développée par une autre firme allemande. Après cet aspect général présentant quelques particularités aboutissant à des inégalités, la possible orientation du marché du médicament et l'organisation de son régime logistique, j'évoquerai certains questionnements spécifiques au nouveau vaccin ARNm. L'annonce : Les Laboratoires Moderna et Pfizer se sont lancés dans le processus de fabrication du nouveau vaccin à ARNm. Moderna n'a pas encore fait d'annonce contrairement à Pfizer qui l'a annoncé dans un communiqué de presse le 9 novembre 2020. Communiqué qui semble bien programmé. Le CEO et d'autres premiers responsables auraient anticipé l'annonce de vente d'une part importante de leurs actions. Ce qui les éloigne de l'acte de délit d'initié. Ce communiqué de presse a pu profiter au CEO (M. Burla) qui a vendu 60% de ses actions (132 508 actions à 41.94 USD le lundi 9/11/2020) qu'il détenait dans le laboratoire qu'il dirige pour une valeur 5.6 millions de dollars. L'autre responsable (Executive Vice-President) à Pfizer, Sally Susman a vendu aux alentours de 1.8 millions de dollars soit 43 662 actions. L'action Pfizer a augmenté de 7% puis à 15% durant la même journée. Cet épisode est loin d'être isolé. Il fait partie d'une série de spéculations boursières et financières qui caractérise cette industrie et qui se fait au détriment de la santé publique. Un vaccin innovant : « Primum non nocere » Le vaccin est certes innovant car il est le premier vaccin utilisant l'Acide RiboNucléique messager (ARNm). Juan Gervas a analysé les données disponibles et relatives au risque relatif (90%) pour 86 cas Covid correspondant au groupe Placebo de 21 764 sujets contre 8 cas Covid pour le groupe vacciné de comportant 21 764 sujets. Il constate que le risque absolu noté est de 0,35%. Il rappelle dans ce cadre, qu'en matière de prévention des maladies, il ne faut avoir ni décès, ni complications. Plusieurs inconnues demeurent saillantes comme le mécanisme de prévention des maladies sévères, ou l'action du vaccin sur les différents sous-groupes, ou comment le vaccin prévient-il les décès ou l'infection chez les personnes vaccinées et chez la population (immunité de groupe). La durée de la réponse immunitaire est une autre inconnue tout comme les effets indésirables. La même « ignorance » concerne le coût du vaccin, celui de son transport en conditions de « deep freeze » (-80°C) et de son utilisation dans les circuits sanitaires. De tels équipements spéciaux et spécifiques restent exclusifs à certaines armées, or nous savons que les circuits de santé majoritairement couverts, sont dans le secteur privé et ne peuvent disposer des équipements nécessaires au maintien de cette chaine de froid extrême. Ce qui évoque des défis supplémentaires. Les autorisations de mise sur le marché (AMM) accélérées octroyées malgré le faible recul scientifique et sécuritaire augmentent, d'une part, les risques d'accidents thérapeutiques pour les sujets vaccinés et d'autre part elles augmentent aussi les risques de poursuites professionnelles, civiles et pénales pour les décideurs politiques et administratifs et pour les experts dans le cadre de la responsabilité médicale et l'indemnisation des malades victimes de tels accidents. Les cas du Vioxx, du Mediator et de la Dépakine sont encore récents. L'éthique en question : La première question est comment assurer la difficile équation de définir les bonnes personnes (justes) pour avoir le bon vaccin au bon moment. L'échec relatif du vaccin de la grippe évoque l'échec attendu du vaccin de la Covid, en particulier dans les pays à moyens et à faibles revenus, dans un contexte de difficultés structurelles qui affectent leurs systèmes d'information sanitaire d'une part et dans le contexte de mutations spécifiques aux coronavirus, d'autre part. On évoque de manière très voilée l'absence probable d'immunité croisée entre les nouvelles variantes du SRAS-CoV-2. La seconde question concerne la distribution équitable du vaccin. Elle nécessite une planification vaccinale et une identification prioritaire de la population vulnérable. Ce qui nécessite une transparence permettant un accès équitable et expliquant au citoyen de comprendre qui recevra le vaccin en priorité et qui sera différé. La transparence ou le manque de transparence permettent de mesurer l'accès ou le manque d'accès aux soins, déterminant de la sorte, un indicateur de la marginalisation des populations. Le manque de transparence réduirait aussi la crédibilité et l'utilité du vaccin. Les risques : Mauvaise gouvernance, vols, liens et conflits d'intérêts, corruption, perte de l'indépendance Les autres vaccins suscitent une faible valeur de la rue. Cependant, la demande de certains vaccins pouvant exalter l'immunité comme le BCG, le Pneumovax ou le Vaxigrip est en hausse de manière inédite. La demande de vaccin contre la Covid-19 suit cette tendance haussière sous l'impulsion de l'anxiété et la panique dans lesquelles se trouve la population et qui motiveront le vol, la corruption et l'introduction de faux vaccins. Ceci aurait un impact dévastateur, une augmentation du scepticisme, une aggravation de la pandémie et une augmentation des décès. La militarisation du vaccin transforme ce dernier en une arme géostratégique qui permettra aux pays riches de tisser de nouvelles alliances entre eux et d'appliquer plus facilement leurs politiques publiques géostratégiques de domination sur les pays moins riches et pauvres. La vocation des vaccins a changé. Désormais, ces derniers sont motivés par le nationalisme et la valeur commerciale beaucoup plus que la valeur scientifique et thérapeutique. Le droit à la Santé, est l'un des droits fondamentaux de l'Homme Le retard de traitement et/ou de vaccination augmenterait la souffrance économique, psychologique et sociale. Il augmenterait aussi le désespoir des citoyens et le risque d'aggravation pandémique. La solution ne peut venir que de la préparation d'une planification transparente, une amélioration des performances du système de santé et du renforcement des chaines de distribution devant être robustes et fiables. [1] L'ADN appelé est une grosse molécule à double brins. Il est aussi appelé génome. Il contient tous les informations génétique d'un être vivant et lui permet de se développer, de fonctionner et de se multiplier. [2] L'ARN est très proche de l'ADN. Il peut en être une copie à simple brin. [3] L'ARNm est une copie d'une portion d'n brin d'ADN qui en se liant au ribosome (organite cellulaire du cytoplasme) déclenche la synthèse d'une protéine.
*Pharmacien-Clinicien, Pharmacoéconomiste, Chercheur en Droit de la Gouvernance