Si l'on peut tout entendre sur la 5G actuellement, force est de constater que ce sujet est rarement débattu sur le fond. Est-ce une innovation dangereuse ou au contraire libératrice ? Est-ce une avancée pour notre santé, notre sécurité, notre connectivité ? C'est le sujet dont nous avons débattu lors du dernier webinaire le 9 décembre dernier intitulé « 5G Development in Cybersecurity and Ecosystem readiness » organisé par l'Agence nationale de la sécurité informatique (ANSI), ainsi que The Institute for Prospective & Advanced Strategic and Security Studies (IPASSS), et Huawei La 5G est en effet un des sujets sociétaux phares dans le monde. Et bien qu'elle apparaisse absolument nécessaire au développement du continent africain, elle impose la création et l'intégration de nouvelles normes politiques, économiques, sociales, écologiques, et, dans le contexte actuel, sanitaires. Autrement dit, la 5G impulse une transformation en profondeur de nos sociétés à laquelle nous devons nous préparer.
Au cours de cette année, la 5G a dû faire ses preuves de manière accélérée, tant la pandémie a modifié nos vies de manière brutale. La connectivité est soudainement apparue comme un droit, une nécessité. Mais elle est aussi apparue comme une chance, comme nous avons pu le constater dans le secteur médical depuis le début de la pandémie de la Covid-19. En effet, depuis un an, le numérique a largement contribué à l'amélioration des diagnostics et des soins dispensés dans les hôpitaux, à travers la télémédecine par exemple, permettant l'abstraction du lieu et du temps dans la relation entre le médecin et le patient. Sur un continent qui doit malheureusement faire face à de nombreux déserts médicaux, des outils tels que les plateformes médicales en ligne déployées par Huawei représentent ainsi des opportunités inespérées à court terme pour les populations enclavées.
Mais le développement soudain de la 5G sert aussi des projets sur le long terme : il va permettre la diffusion de nouveaux objets connectés pour une Afrique à la pointe de l'innovation. En effet, d'ici 2027, 50 millions d'objets connectés, qui captent, stockent, et traitent les données, devraient être en circulation. Couplés au développement des infrastructures, de la fibre et du broadband, ils sont la clé de la construction d'un écosystème digital performant en Afrique. Sans ces compléments, sans les différents acteurs du digital, aussi bien issus du secteur privé que du secteur public, la 5G n'a aucune puissance transformatrice. Préparer l'avènement de la 5G signifie donc aussi développer l'Internet des Objets (IOT), le Big Data et le Cloud.
Et l'augmentation exponentielle des données en circulation est une aubaine dans des domaines parfois inattendus : elle profitera à l'industrie du gaming qui connait déjà une croissance annuelle de 27%, et pourra être utilisée dans la gestion des conteneurs et le transfert de marchandises dans les ports principaux du continent. Dans l'ensemble, ces données serviraient donc la souveraineté de l'Afrique, tant dans son économie que dans ses systèmes administratifs et de santé.
Face à ces différentes opportunités, il est toutefois important de souligner la précaution avec laquelle cette innovation doit être employée. La dépendance au Big Data peut se révéler dangereuse. Selon le Cyber-security Index 2018 de l'Union Internationale des télécommunications (UIT), seuls Maurice, le Kenya et le Rwanda seraient capables de répondre aux cyber-menaces en Afrique, faute de capital humain suffisant dans les autres pays du continent. La fiabilité des systèmes de protection et de gestion des informations est ainsi cruciale pour les Etats africains, en parallèle du développement de la 5G. Saluons à ce titre l'adoption par la Tunisie d'une stratégie nationale de cyber-sécurité, validée en septembre 2019. Le pays a ainsi inscrit les matières de sécurité digitale dans ses programmes d'enseignement afin de renforcer une culture digitale maîtrisée dans la vie quotidienne des Tunisiens. C'est grâce à l'éducation que nous saisirons toutes les possibilités favorisées par la 5G.
La 5G va permettre au continent africain de réaliser son potentiel numérique, soyons-en certains. Plutôt que de débattre de son utilité, dès aujourd'hui favorisons son déploiement, pour embrasser toutes ses possibilités, tout en créant de véritables boucliers en termes de cyber-sécurité. Audace et sécurité deviennent ainsi les maîtres mots de la 5G.
* Le Contre-Amiral (R) Kamel Akrout ancien Conseiller Principal à la Sécurité Nationale et Fondateur du Think-tank IPASSS