Nous sommes le 8 mars, c'est la fête de la femme. Joyeuse fête à mes journalistes sans qui ce journal n'existerait pas comme vous le voyez. Aux Nadya, Sarra, Abir, Yosra, Imen, Fatma, Houda, Myriam, Rabeb, Yasmine… je vous aime ! Joyeuse fête à mes rédactrices en chef Synda et Ikhlas sans qui ce journal n'aurait pas cette qualité et cette réactivité. Joyeuse fête à nos lectrices sans qui ce journal aurait peu de raisons d'exister. Joyeuse fête à nos commentatrices grâce à qui le journal s'améliore. Joyeuse fête à nos clientes-partenaires grâce à qui le journal perdure. Joyeuse fête à toutes les Tunisiennes libres et indépendantes. Pour nous les hommes normalement constitués et sans complexes, la femme représente la raison. C'est grâce à elle que nous grimpons les échelons. Et c'est à cause d'elle que nous les dégringolons. Malheur à celui qui la méprise et pense, un instant, qu'elles nous sont inférieures.
Sur le plan national, la situation ne s'améliore pas. Le 27 janvier, l'Aassemblée des représentants du peuple a voté la confiance du nouveau gouvernement. Cinq semaines plus tard, les ministres n'ont toujours pas prêté serment. La faute au chef du gouvernement, dira le président de la République qui refuse d'organiser une cérémonie de prestation de serment à des ministres suspectés de corruption. La faute au président de la République, dira le chef du gouvernement pour qui seule la justice a le droit de dire qu'untel est corrompu ou pas. Peu importe à qui incombe la faute, le fait est là, la Tunisie est dans l'impasse. La raison et le bon sens exigent que le chef du gouvernement démissionne. Il ne peut pas gouverner avec l'efficacité requise en ayant à dos le président de la République et près de la moitié de l'assemblée. Son seul soutien provient de députés plus que controversés. Il a, de son côté, les islamistes d'Ennahdha, les députés de Qalb Tounes dont le président est en prison pour suspicion de blanchiment d'argent et les députés d'Al Karama coupables de violences diverses à plusieurs reprises. Dans un pays qui se doit de moraliser la vie publique, on ne peut pas soutenir Hichem Mechichi coupable de ne pas respecter la morale. Il a tourné le dos à celui qui l'a nommé, il limoge sans raison valable des ministres trois mois après leur nomination, ses soutiens sont des gens pas du tout recommandables et certains de ses ministres sont suspects. Ça en fait trop pour un seul homme fraîchement nommé. Ce n'est pas possible. Il ne peut pas s'inscrire dans la durée avec des ministres par intérim, des médias hostiles, une coalition parlementaire intéressée et malfaisante et un président qui ne cherche qu'à en découdre.
La solution à cette crise ? En dépit de tout ce qui précède, Hichem Mechichi aurait pu trouver une solution en mettant de l'eau dans son vin. Ce que demande le président n'est pas impossible. Il se devait juste de s'expliquer avec lui droit dans les yeux. Les réserves du président de la République sont connues et il en a fait part plus d'une fois. Le président de la République est prêt à fermer les yeux sur la trahison de Mechichi qui a limogé les ministres choisis par le président de la République, mais il refuse net la nomination de ministres suspectés de corruption et de conflit d'intérêt. Ce qu'aurait dû faire Hichem Mechichi, et ce qu'il peut encore faire car il n'est pas encore trop tard, c'est de sacrifier les ministres suspects. Cet entêtement à garder, contre vents et marées, des ministres suspects n'a pas de sens. Ce n'est pas raisonnable. A un moment ou un autre, il faut savoir abdiquer. Au nom de l'intérêt commun, au nom de l'intérêt supérieur de l'Etat, il faut savoir mettre de l'eau dans son vin et reculer pour mieux sauter ensuite. Sauf que voilà, Hichem Mechichi est têtu et n'est pas du tout dans cet esprit. L'entêtement des quadras qui pensent détenir la science infuse et avoir raison contre tous.
Ce qu'il faut, et c'est une question de bon sens, c'est une accalmie. Il faut obliger les deux protagonistes à s'asseoir autour d'une table pour discuter. Ce rôle devrait être joué par le président du Parlement Rached Ghannouchi. Plutôt que de jouer son rôle, le chef des islamistes s'amuse à jeter de l'huile sur le feu. Ce rôle pourrait être joué par le président de la centrale patronale ou le secrétaire général de la centrale syndicale. Majoul et Taboubi ont essayé et le président de la République a fait connaitre ses doléances : qu'il se débarrasse des ministres suspects et tout rentrera dans l'ordre. En clair, et pour synthétiser la situation, on a un président de la République qui est prêt à mettre de l'eau dans son vin en acceptant « l'acceptable » (un remaniement absurde après trois mois), mais en refusant l'inacceptable (la nomination de ministres suspects). En face, on a un chef du gouvernement qui refuse de mettre une seule goutte d'eau dans son vin. Il veut faire ce qu'il veut sans que personne ne s'oppose à lui. Il se prend pour un Bruce tout puissant. Il se trouve que Mechichi n'a rien d'un Bruce tout puissant. Il ressemble plutôt à celui qui a le cul dénudé avec une bague au doigt (proverbe tunisien). Plutôt que de choisir l'accalmie (une question de bon sens), il a choisi l'escalade. Samedi dernier, il a rejeté net la possibilité de sa démission. Pire, il a déclaré qu'il ne sait pas répondre aux moulins à vent. Le monsieur ne se prend plus pour Bruce, mais pour Don Quichotte. Fait-il référence à Cervantès pour autant ? Le doute est permis, car dans l'imaginaire tunisien, les moulins sont dirigés par des meuniers et le mot meunier dans le dialectal tunisien renvoie à une grossièreté. Les deux lectures sont permises et Hichem Mechichi ne s'est pas méfié de la multiplicité des interprétations. Le fait est là, qu'il fasse référence à Cervantès ou à l'imaginaire tunisien, Hichem Mechichi n'a pas choisi l'accalmie avec le président de la République, il a choisi l'escalade.
Où pense-t-il pouvoir aller avec son escalade ? Nulle part. Mais vraiment nulle part. La seule certitude que nous avons, c'est que l'on est dans l'impasse et que l'on fait, depuis des semaines, du surplace. Tout le monde le sait, le FMI nous a averti du danger de la situation actuelle, Moody's nous a sanctionné, les médias ne cessent de crier au scandale, mais Hichem Mechichi semble vivre sur une autre planète. Jusqu'à quand ? On a déjà dépassé toutes les limites acceptables ! Trop, c'est trop !