C'était prévisible et Business News a été le premier à l'indiquer : Hichem Mechichi a mis en application son plan B et joué la fuite en avant en limogeant cinq de ses ministres.Les cinq imputés au président de la République. Par le limogeage opéré aujourd'hui, Hichem Mechichi a « assaini » son gouvernement de toute influence présidentielle. Cette tactique, pense-t-il, va lui permettre de gouverner et de dépasser la crise politique actuelle créée par le refus du président de la République d'organiser la cérémonie de prestation de serment des nouveaux ministres qui ont obtenu la confiance du parlement le 27 janvier dernier. Cette tactique, pense-t-il encore, va permettre aux institutions de fonctionner normalement et de dépasser le blocage créé par « l'entêtement » présidentiel. Rien n'est moins sûr pourtant. A lire également En vidéo - Kaïs Saïed : Celui qui a opéré le remaniement est le responsable du blocage ! Avec huit ministres occupant chacun deux portefeuilles, le gouvernement de Hichem Mechichi est déjà dans l'anormal. Déjà dans le politiquement instable. Déjà dans le politiquement immoral. Ce plan B est un plan éphémère qui ne saurait, en aucun cas, durer dans le temps. Il crispe encore davantage les relations avec le président de la République. Hichem Mechichi est vierge politiquement. Ou, pour être plus exact, analphabète. En se rangeant derrière le trio Ennahdha, Karama et Qalb Tounes, le chef du gouvernement pense avoir une bonne assise parlementaire lui permettant de gouverner. Or, par expérience, tous ceux qui se sont associés à Ennahdha ont péri. Le parti islamiste, et ses deux pare-chocs, vont l'utiliser comme un Kleenex et le jeter une fois qu'ils n'en ont plus besoin. A lire également Oussama Khlifi : Hichem Mechichi est un soldat et un soldat ne déserte pas ! Les raisons ? Elles sont simples. Le parti islamiste ne soutient pas Mechichi pour ses compétences (il n'en a prouvé aucune) ou pour ses beaux yeux, il le soutient parce qu'il a bien voulu accepter de placer ses hommes dans son gouvernement. En clair, le parti islamiste soutient Mechichi parce qu'il a bien voulu être « khammess » (sous-traitant) pour eux. Or, dans la configuration actuelle, le chef du gouvernement n'a réussi à placer aucun de ces ministres. Cette situation alambiquée ne saurait trop durer, car Ennahdha veut gouverner. Le gouvernement, tel dessiné aujourd'hui, va briller par son instabilité et son inefficacité car les ministres aux doubles-portefeuilles ne sauraient occuper longtemps de telles fonctions, c'est intenable. C'est humainement impossible. L'intérim est, par nature, un poste temporaire. Or le chef du gouvernement n'a aucune idée sur le temps que cet intérim va durer. A lire également Kaïs Saïed adresse une correspondance à Hichem Mechichi
Aujourd'hui, Hichem Mechichi refuse publiquement la porte de sortie offerte par le président de la République, celle de remercier quatre des onze ministres et de commencer à travailler. A ses yeux, ce serait se déculotter devant le président de la République et ça il le refuse. Ses mentors, les trois partis Ennahdha Karama Qalb Tounes, le refusent également. Ils ont des comptes à régler avec le président de la République et ils utilisent, pour cela, Mechichi. A lire également Hichem Mechichi : Je ne démissionnerai pas ! Hichem Mechichi refuse de se déculotter devant le président, mais accepte d'être une marionnette entre les mains de Rached Ghannouchi. Il accepte de prendre en otage son propre gouvernement, et le pays avec, par cette solution éphémère qu'est de multiplier les ministres intérimaires. Plutôt que de s'inscrire dans le temps, Hichem Mechichi s'inscrit dans l'immédiat. Son souci n'est pas de résoudre les problèmes du pays, mais comment préserver son poste, comment satisfaire sa ceinture parlementaire et comment marquer des points contre le président de la République. Son souci immédiat est de garder, contre vents et marées, les quatre ministres suspects. « Un politicien pense à la prochaine élection. L'homme d'Etat, à la prochaine génération », a dit James Freeman Clarke. Mechichi ne pense même pas à la prochaine élection, il n'est même pas un politicien. Comment peut-on l'être d'ailleurs quand on suit aveuglément le parti islamiste, le parti accusé de corruption et le parti accusé de violence ?
R.B.H A lire également Composition actuelle du gouvernement Hichem Mechichi