Il est une ironie de l'Histoire que l'on constate dans différents pays à différentes époques et que l'on voit se dérouler actuellement devant nos yeux en Tunisie. Aux heures les plus sombres de l'histoire d'un pays ou d'une civilisation, on trouve aux commandes ce que ce pays a produit de plus nul et de plus incompétent. A l'heure où notre pays est confronté à un ensemble de défis et difficultés menaçant la pérennité de l'Etat, le tissu social du pays et même sa sécurité, nous nous retrouvons gouvernés par une bande de gamins indisciplinés et insolents. C'est ce que l'on peut déduire du set de photos publiées par la présidence de la République tunisienne à l'occasion de la visite qu'effectue Kaïs Saïed en Libye. D'abord, nous passons pour des amateurs et des novices quand la cheffe de cabinet Nadia Akacha se trouve parmi la délégation officielle qui accompagne le président. En termes de protocole cela ne se fait pas ! La cheffe de cabinet doit rester en Tunisie pour veiller à la bonne marche des services administratifs de la présidence, c'est comme cela que ça se passe partout dans le monde. Une « référence » administrative doit toujours être présente au palais. Il est inadmissible que le chef de l'Etat et son chef de cabinet soient tous deux absents en même temps. C'est une entorse à la logique, au protocole et à des décennies d'us et coutumes diplomatiques. Voilà pour l'aspect amateur. L'aspect gamin est visible dans la gestion et la communication autour des 300 millions de dollars que la Banque mondiale a alloué à la Tunisie. Le chef de l'Etat a reçu Ferid Belhaj, vice-président de la Banque mondiale. Selon le communiqué de la présidence, la Banque mondiale a alloué cette somme au profit de près d'un million de familles tunisiennes dans le cadre d'un programme social sous la houlette du président de la République. Il s'est avéré que la présidence de la République a tenté de s'accaparer cette « réalisation » et de donner l'impression que cette somme a été donnée à cette institution. Il s'est avéré plus tard qu'il s'agit d'un prêt de la Banque mondiale en faveur de l'Etat tunisien et non au profit de la présidence. Le ou les –nous n'en savons rien- personnes chargées de la communication présidentielle ont braconné pour attribuer le mérite de l'obtention de cet argent à Kaïs Saïed. Le même mode opératoire utilisé pour s'attribuer le mérite de l'arrivée des premières doses de vaccin en provenance de Russie, alors qu'il s'agissait, en réalité, des fruits des efforts d'un homme d'affaires tunisien installé en Russie. Des gamineries au sommet de l'Etat à cause de la petite guéguerre que se livrent Kaïs Saïed, Rached Ghannouchi et Hichem Mechichi. Ce qu'ils ne voient pas, c'est que ce sont les institutions de cet Etat qui pâtissent des comportements absurdes des différents protagonistes. Ces institutions ont été construites à force de sueur et de sang. Des gens sont morts pour qu'elles existent et pour qu'elles continuent d'exister. Les centaines de martyrs que la Tunisie a sacrifié ne sont pas morts pour voir des gamins se tirer les cheveux au sommet de l'Etat.
Mais le mal serait moindre si seulement les gamineries et l'amateurisme étaient circonscrits à la présidence de la République. Cette tendance est élevée au rang de pratique politique par des partis. Prenons pour exemple le dernier communiqué du bloc parlementaire d'Ennahdha. Irrités par Abir Moussi, le bloc s'indigne des agissements de la dame et des violences verbales commises à l'encontre d'une élue. Les élus d'Ennahdha appellent leurs collègues à faire cesser cela et à protéger l'institution du banditisme de Abir Moussi. Ils invitent également le parquet à se saisir de l'affaire. Il est clair que Abir Moussi est loin d'être un ange et que ses agissements sont tout à fait condamnables. Mais que ce le soit par Ennahdha et son bloc est une insulte à l'intelligence de tous ceux qui ont lu le communiqué. Lorsque les élus Al Karama ont fait exactement la même chose à l'aéroport Tunis-Carthage pour intervenir en faveur d'une fichée S17, le bloc Ennahdha et le parti n'ont apparemment ressenti aucune gêne. On a même entendu Abdelkarim Harouni sur Shems FM avec notre consœur Wissal Kasraoui multiplier les acrobaties pour ne pas donner de réaction par rapport à ce qui s'est passé. Lors de l'agression d'un élu par les mêmes bandits d'Al Karama au sein même de l'ARP, il a fallu des mois d'enquête pour que la présidence nahdhaoui de l'assemblée publie un communiqué. Donc, ce ne sont certainement pas les protecteurs des délinquants d'Al Karama qui peuvent aujourd'hui se dresser en donneurs de leçons. Ils n'ont pas la crédibilité nécessaire pour condamner les agissements de quiconque puisqu'ils se taisent quand ça les arrange et protègent ceux qui font ce que eux ne peuvent plus faire.
Les gamins et les amateurs ont désormais nos destinées et celles de ce pays en main. Ils mettent un soin particulier à détruire de façon méthodique le très peu de crédibilité qui leur reste. Cela n'est pas étonnant quand on considère qu'ils sont tous là presque par hasard. Aucun d'eux n'est habité par la fonction, et aucun des trois présidents ne se contente du carré que lui a conféré la constitution. Il faudra aussi s'interroger sur le fait que nous soyons tellement nombreux pour élire des nuls, et leur confier notre pays.