Kaïs Saïed, Emmanuel Macron, affaire de complot… Les 5 infos de la journée    La dette française sous la loupe : Inquiétudes accrues avant la révision des agences de notation    Renforcement de la lutte anticorruption : Engagement ferme de Kais Saied    Tunisie – Saïed s'entretient au téléphone avec Emmanuel Macron    Tunisie – Saïed appelle à mieux contrôler les financements étrangers illégaux des partis    Audition de Khouloud Mabrouk : les précisions du parquet    Tunisie – La situation épidémiologique de la rage est effrayante et le ministère de la santé préconise l'intensification de l'abattage des chiens errants    Tunisie – Démarrage de l'exploitation du nouveau service des archives du ministère de l'intérieur    Le Croissant Rouge met en garde contre la propagation de maladies infectieuses à G-a-z-a    Les ministères de l'éducation et des technologies unis dans la lutte contre la fraude aux examens nationaux    Hamma Hammami : Kaïs Saïed opère de la même façon que Zine El Abidine Ben Ali    Changement climatique: Ces régions seront inhabitables, d'ici 2050, selon la NASA    Allergies aux pollens : Que faire pour s'en protéger ?    Près de 6 000 mères ont été tuées à G-a-z-a, laissant 19 000 enfants orphelins    Kais Saied reçoit les lettres de créance du nouvel ambassadeur du Bahreïn    En 2023, le coût par élève est passé à 2014,7 dinars    Volée il y a 30 ans, une statue de Ramsès II récupérée par l'Egypte    Kenizé Mourad au Palais Nejma Ezzahra à Sidi Bou Said : «Le Parfum de notre Terre» ou le roman boycotté    Centre de promotion des Exportations : Une mission d'affaires à Saint-Pétersbourg    Tunisair : Modification des vols en provenance et à destination de la France pour aujourd'hui 25 avril 2024    Pourquoi | De la pluie au bon moment...    Accidents de travail : Sur les chantiers de tous les dangers    Vandalisme à l'ambassade de France à Moscou : une fresque controversée soulève des tensions    Echos de la Filt | Au pavillon de l'Italie, invitée d'honneur : Giuseppe Conte, un parcours marqué par de multiples formes expressives et une poésie romanesque    Safi Said poursuivi suite à son projet pour Djerba    BH Assurance: Distribution d'un dividende de 1,500 dinar par action à partir du 02 mai    L'Espérance de Tunis vs Al Ahly d'Egypte en demi-finale de la Coupe d'Afrique des clubs Oran 2024    WTA 1000 Madrid : Ons Jabeur défie Slovaque Schmiedlová    Artes : chiffre d'affaires en hausse de près de 22%    OneTech : clôture de la cession de son activité d'emballage pharmaceutique Helioflex au profit du groupe Aluflexpack AG    Volley | La Mouloudia de Bousalem vice-champion d'Afrique : Un cas édifiant !    Le ST reçoit l'USM samedi : Un virage majeur    Météo : Temps passagèrement nuageux et températures entre 18 et 26 degrés    Mahdia : recherches en cours de pêcheurs disparus en mer    Ligue des champions – Demi-finale retour – Mamelodi Sundowns-EST (demain à 19h00) : Pleine mobilisation…    CONDOLEANCES : Feu Abdelhamid MAHJOUB    Mabrouk Korchid : aucune interview que je donne n'est un crime !    La Tunisie invitée d'honneur au Festival international du film de femmes d'Assouan 2024 : En l'honneur du cinéma féminin    Aujourd'hui, ouverture de la 9e édition du Festival International de Poésie de Sidi Bou Saïd : Un tour d'horizon de la poésie d'ici et d'ailleurs    L'EST demande une augmentation des billets pour ses supporters    Nominations au ministère de l'Industrie, des Mines et de l'Energie    Le Chef de la diplomatie reçoit l'écrivain et professeur italo-Tunisien "Alfonso CAMPISI"    Géologie de la Séparation : un film tuniso-italien captivant et poétique à voir au CinéMadart    Hospitalisation du roi d'Arabie saoudite    L'homme qui aimait la guerre    Foire internationale du livre de Tunis : vers la prolongation de la FILT 2024 ?    Soutien à Gaza - Le ministère des Affaires religieuse change le nom de 24 mosquées    Un pôle d'équilibre nécessaire    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Abir Moussi a signé son arrêt de mort politique
Publié dans Business News le 07 - 06 - 2021

Mardi 1er juin 2021, décès du penseur tunisien Hichem Djaït. Du grand Hichem Djaït. Dans les pays qui se respectent et respectent leurs penseurs, quand un grand homme de cet acabit meurt, on lui organise des funérailles nationales. Généralement, les chefs d'Etat se déplacent à ses funérailles pour lui rendre un dernier hommage. Chez nous, cela fait un bail que l'on ne respecte plus nos penseurs et notre élite. Depuis la révolution de la dignité, on a décidé que les citoyens lambda et les grands penseurs et intellectuels sont égaux. Ils sont tous pareils, « wled 9 » (enfants de neuf mois). Qu'il n'y avait plus de grands hommes. Place aux nouveaux apparatchiks que sont Rached Khiari, Fayçal Tebbini, Seïf Eddine Makhlouf, Abir Moussi, et tous ceux qui font la une des médias…
Un pays qui ne respecte pas ses penseurs est un pays qui périclite. Un pays où la racaille est audible, alors que ses intellectuels sont enterrés dans l'indifférence, est un pays qui n'a pas d'avenir. Un pays où les consommateurs se croient plus intelligents que les créateurs est un pays qui meurt. Un pays où les moins que rien injurient ceux qui font bouger les lignes est un pays voué à la disparition. Ce pays s'appelle la Tunisie de 2021.
Qui parmi les hauts représentants de l'Etat était présent à l'enterrement : Rached Ghannouchi ! Qui est cet homme politique qui a eu un comportement d'homme politiquement responsable et reconnaissant des hommes qui ont fait ce pays ? Rached Ghannouchi ! Voilà où on en est ! Rached Ghannouchi, l'islamiste, le méprisé, le dénigré, celui qu'on traite de terroriste, a montré qu'il est plus patriote que les hommes politiques laïcs, républicains et de gauche ! Plus patriote que tous ceux qui crient sur tous les toits qu'ils sont patriotes-nés. On peut gloser jusqu'au matin et remettre en doute la sincérité de Rached Ghannouchi autant qu'on veut, les faits sont là. L'islamiste a été présent à l'enterrement du penseur et pas les autres !
Hichem Mechichi, chef du gouvernement, aurait dû être présent, comme il l'a été à l'enterrement de l'islamiste française d'origine tunisienne, Mehrezia Laâbidi. Kaïs Saïed, président de la République, aurait dû être présent à l'enterrement, comme il l'a été, quelques jours plus tôt, à celui d'Ahmed Mestiri ! Sauf que l'on ne peut pas soupçonner Mechichi d'être un brin intellectuel pour comprendre qui c'est Hichem Djaït. Et il est à craindre que les rumeurs faisant valoir le régionalisme prononcé de Kaïs Saïed à l'encontre des penseurs tunisois, soient bel et bien réelles.

La semaine dernière, Hichem Mechichi est allé quémander de l'argent aux Qataris. Cette semaine, c'était au tour de Kaïs Saïed de faire la manche. Il est allé à Bruxelles et il a demandé aux Européens de rééchelonner les dettes tunisiennes ou de les convertir en investissements. On continue le délire, on développe l'indignité. Bon à rappeler, toutes les dettes ont été souscrites après la révolution de la dignité. Toutes les dettes ont servi au train de vie onéreux de l'Etat. Aucune des dettes souscrites après 2011 n'a servi au développement et aux générations futures. Au lieu de trouver des solutions locales pour honorer nos engagements, au lieu de pousser les gens à travailler, de renvoyer les travailleurs fictifs, de pousser à ce que la production de phosphate et de pétrole retrouve son niveau de 2010, au lieu de tout cela, on préfère quémander de l'argent et hypothéquer nos enfants.
Kaïs Saïed qui fait la manche à Bruxelles n'aurait pas mieux fait, depuis son palais de Carthage, de proposer des lois utiles à la croissance du pays ? N'aurait-il pas mieux fait de proposer des solutions à la crise gouvernementale qu'il a lui-même créée et au blocage de la cour constitutionnelle qu'il a lui-même provoqué ?
Au lieu de dire aux Européens donnez-nous, ne vaudrait-il pas mieux de dire à nos exportateurs, produisez davantage et je serai là pour que Bruxelles facilite votre tâche ? Qu'est-ce qui est plus facile à obtenir, un rééchelonnement de crédit ou des facilités pour nos hommes d'affaires créateurs d'emplois et de richesses ?
Le fait est là, cela fait plus d'un an et demi que Kaïs Saïed est au palais de Carthage et en un an et demi, il n'a toujours pas pondu un seul projet de loi. En un an et demi, il n'a fait que poser des problèmes, jamais de solutions. En un an et demi, il n'a fait que du verbiage. En un an et demi, il n'a fait que porter plainte (sans suite) contre le député islamiste radical Rached Khiari et une autre contre le blogueur Slim Jebali, jeté en prison par la justice militaire parce qu'il a osé critiquer violemment le président de la République dans l'un de ses écrits.

Samedi 5 juin, l'avocate, députée et présidente du Parti destourien libre (PDL) Abir Moussi a organisé une manifestation suivie d'un sit-in à la place du Bardo où se trouve le Parlement. Elle revendique deux choses, le départ de Hichem Mechichi et le départ de Rached Ghannouchi.
Il y a un peu plus de deux mois, j'ai publié une chronique intitulée « Si elle continue comme cela, Abir finira par tuer Moussi ». C'était le 22 mars. Nous sommes en juin et on sonne déjà le tocsin. Abir est à bout. Physiquement déjà puisqu'elle n'a pas pu résister 24 heures à la chaleur estivale. Quand on annonce un sit-in madame, on le prépare !
Elle a montré, samedi, qu'elle n'est pas démocrate et qu'elle ne connait rien aux principes de la démocratie. Cela fait des mois que ses détracteurs disent qu'elle n'est pas démocrate, mais on réussissait toujours à lui trouver des excuses pour justifier ses actes. Là, on ne lui trouve plus d'excuses, Abir Moussi a perdu la plus importante des batailles, la bataille de l'image.
Quelques extraits de ce que j'écrivais en mars : « A un moment, il faudra qu'elle cesse de se donner en spectacle et de faire du spectacle pour que sa juste cause demeure digne d'intérêt et ne soit pas banalisée. Abir Moussi a besoin de souffle et de longue haleine. Elle a besoin d'élargir le cercle de ses soutiens et de ses amis. Or ce que l'on voit aujourd'hui, c'est que dans sa guerre (juste) contre les islamistes, Abir Moussi est en train de s'épuiser et d'épuiser ses soutiens. Peut-être qu'elle est une dame de fer, mais le public tunisien qu'elle est appelée à séduire n'est pas de fer. Peut-être qu'elle est forte, mais ses soutiens ne sont pas aussi forts. A force de lives, de cris, de mégaphone, de bagarres, de différends, de malentendus, Abir Moussi est en train de banaliser sa cause et d'offrir des cadeaux à ses adversaires. De victime, elle se transforme en agresseur. Au moins en perception. En politique, elle est sans savoir que la perception est plus importante que le fait lui-même. »

Quelle est la perception aujourd'hui ? Abir Moussi se trimballe au sein de l'assemblée avec un casque à moto. Un homme (ou femme) politique qui se respecte ne fait pas ça.
Abir Moussi appelle au départ de Rached Ghannouchi. Or Rached Ghannouchi est élu démocratiquement au poste qu'il occupe. Un.e démocrate n'appelle pas, avec un sit-in, au départ d'un élu.
Abir Moussi appelle au départ de Hichem Mechichi. Or Hichem Mechichi a obtenu la confiance de la majorité.
Abir Moussi continue à attaquer les médias. Ses aficionados continuent à injurier, avec les pires bassesses, les journalistes. Un.e démocrate respecte le 4ème pouvoir. Un homme (ou femme) politique qui se respecte ne se met JAMAIS à dos les médias.
Abir Moussi est assise par terre au milieu de la poussière et des cailloux affaiblie par la chaleur. Un homme (ou femme) politique ne se montre jamais amoindri en public. C'est le b.a.-ba de la communication. Il ne doit jamais susciter la pitié et la compassion. C'est le b.a.-ba de la communication.

Qu'aurait dû faire Abir Moussi pour qu'elle préserve son image, auprès du public tunisien et étranger ?
- Cesser de croire que ses aficionados sont le peuple tunisien. Concrètement, Abir Moussi n'a que 190.000 électeurs aux législatives (6,6%) et 135.000 électeurs à la présidentielle (4,02%). S'il est vrai qu'elle caracole actuellement aux sondages, il est également vrai que ces mêmes sondages font valoir qu'elle est en train de régresser (de 37% à 34%) et que 63% des sondés sont encore indécis.
- Cesser de s'attaquer aux médias, car il faut être politiquement idiot pour dénigrer gratuitement les journalistes qui ne font que leur travail et qui sont libres de soutenir qui ils veulent et d'inviter qui ils veulent. L'ère de la Pravda, de L'Action et du Renouveau est révolue. Les médias tunisiens de 2021 font de l'information et non de la propagande. En termes de perception, c'est néfaste, car si Abir Moussi a été incapable de convaincre quelques médias de la justesse de sa cause, qu'en sera-t-il quand il s'agira de convaincre le grand public de voter pour elle et de convaincre les partenaires internationaux de croire en la Tunisie. Elle se leurre si elle pense qu'elle peut gagner la bataille avec les seuls réseaux sociaux. Donald Trump et Moncef Marzouki ont également cru cela. Il n'y a aucun homme (ou femme) politique sensé.e au monde qui croit pouvoir réussir ses batailles sans médias, AUCUN.
- Remplacer son porte-chapeau par des porte-drapeaux, car jusque là on ne voit qu'elle pour représenter le PDL. Il est temps, grand temps, qu'elle désigne des personnes pour représenter le parti dans les différentes manifestations et les différents médias. Un parti dont la seule figure publique s'appelle Abir Moussi ne peut pas perdurer. Il n'inspire pas confiance. Soit Abir Moussi n'a personne pour la remplacer et c'est un drame puisque ce parti donne l'image d'être vide de compétences ; soit elle veut occuper tout l'espace et c'est un drame puisque ce parti donne l'image d'être totalitaire.
- Cesser de faire le clown avec ses casques de moto, ses gilets pare-balles, son mégaphone et ses tenues militaires. Ça plait à quelques esprits vides, mais ça suscite le mépris et le dégoût de ceux qui ont de l'esprit. A moins qu'elle ne cherche à plaire qu'aux personnes vides…
- Cesser de demander le départ de Rached Ghannouchi bêtement. Car pour déloger le président de l'assemblée démocratiquement élu, il faut avoir d'abord une majorité parlementaire (ce qu'elle n'a pas) et proposer un président à la place (ce qu'elle n'a jamais proposé). Abir Moussi peut convaincre ses aficionados de sa sincérité, mais elle ne peut pas convaincre les observateurs avisés, car ce qu'elle raconte s'apparente à de l'idiotie politique.
- Cesser de demander le départ de Hichem Mechichi bêtement, car elle ne propose pas d'alternative non plus. Car pour déloger le chef du gouvernement démocratiquement nommé, il faut avoir d'abord une majorité parlementaire (ce qu'elle n'a pas) et proposer un autre à la place (Art 97 de la constitution). La constitution tunisienne est claire à ce sujet, on doit dans la même séance limoger l'un et le remplacer par un autre.
On va être généreux et on va supposer que Abir Moussi a réussi à obtenir le départ de Hichem Mechichi et à lui trouver un successeur, parmi les siens. Comment va-t-elle réunir les 109 voix nécessaires à cette succession ?
-Cesser de collectionner les ennemis et faire de telle sorte d'avoir des alliés au sein de l'assemblée, car c'est vital en politique. Elle ne peut pas avancer d'un iota, elle ne peut pas faire accepter ses propositions de loi, elle ne peut pas convaincre de la justesse de ses réserves, sans alliés. A l'assemblée, Abir Moussi n'a que des ennemis et ceci est anormal. C'est le b.a.-ba de la politique que d'avoir des alliés sur qui compter pour faire passer ses réformes. Si Abir Moussi se met à dos les médias et les partis politiques et ne compte que sur les quelques milliers (ou dizaines de milliers) qui la soutiennent, elle ne peut en aucun cas partir loin. Cela a beau paraitre comme une évidence, Abir Moussi refuse de voir cela.
- Être constructif avec des propositions concrètes pour résoudre tel ou autre problème social, économique, culturel, financier… et non destructeur cherchant toujours à casser X ou Y. Or on n'entend Abir que pour dénoncer, jamais pour proposer. On ne l'a même pas entendu au décès de Hichem Djaït ! Ceci plait à quelques esprits vides, mais ça suscite la méfiance et le désintérêt de ceux qui ont de l'esprit et savent comment les gouvernements et les Etats se dirigent.

Comme Abir Moussi fait l'exact contraire de ce que font en général les politiques avisés, comme elle s'entête à croire qu'elle a raison envers et contre tous, comme elle est grisée par les chiffres des sondages et par les vivats de ses fans, comme elle n'écoute pas les critiques et n'a d'oreille que pour les bravos, Abir Moussi s'est emprisonnée elle-même dans une tour d'ivoire.
Elle s'est condamnée elle-même à disparaitre avec sa piètre image d'une clown portant un casque de moto, elle a sali elle-même son image avec sa tenue militaire assise par terre affaiblie, elle s'est privée d'elle-même des éventuels soutiens médiatiques nécessaires et inévitables pour faire passer et mettre en valeur ses messages.
Tout ceci est bien dommage, car Abir Moussi est bien partie et a été une des plus courageuses pour affronter la piovra islamiste depuis 2011. Par populisme, par bêtise, par étroitesse d'esprit, par manque d'humilité, elle a implosé en plein vol.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.