On a eu du spectacle ces dix derniers jours. Le parti vainqueur des élections, Ennahdha, a ramené quelques milliers de « militants » pour encenser son leader Rached Ghannouchi. Le parti principal de l'opposition, le PDL, a ramené lui aussi quelques de milliers de militants pour encenser Abir Moussi. Ici et là, des biftons ont été donnés aux « militants » pour les encourager à se déplacer sur le lieu de la manifestation. Si l'on compte les biftons et les sandwichs distribués et que l'on additionne le prix de location des bus, on en arrive à quelque cinquante dinars par tête de pipe au minimum. Sur ces milliers de participants, on a au bas mot un million de dinars dépensé juste pour encenser Rached Ghannouchi et Abir Moussi. D'où vient l'argent ? Personne ne pose la question. Comment se fait-il que les Tunisiens soient interdits de se déplacer entre les régions, mais que l'on autorise des bus entiers à se déplacer à Sousse et à Tunis pour encenser deux leaders politiques ? Personne n'a la réponse. Pendant ce temps là, le président de la République continue son combat contre son rival Ennahdha. Pour lui, ses adversaires du parti islamiste sont des esclaves qui ne valent pas deux sous. A l'instar d'Ennahdha et du PDL, Kaïs Saïed a montré une nouvelle fois qu'il est à mille lieues des préoccupations réelles du pays. Notre classe politique est exécrable, ça on le sait. Avec ce qui s'est passé cette semaine, on peut dire qu'elle est nauséabonde. Elle est préoccupée par le culte de la personnalité et son combat de coqs alors que le pays est en train de brûler.
L'événement le plus marquant de la semaine n'est ni la démonstration de force de Abir Moussi, ni la danse du coq égorgé (traduction d'une citation arabe) de Rached Ghannouchi et encore moins des « ikhchidiyet » de Kaïs Saïed. Le fait le plus marquant de la semaine est sans conteste la dégradation par Moody's de la note souveraine de la Tunisie. Les politiques tunisiens, tous les politiques, auraient dû freiner des quatre fers pour s'arrêter sur cette dégradation et crier au feu. Ils auraient dû se réunir autour d'une table, organiser des débats et appeler des experts pour trouver une solution à cette catastrophe. Pourtant, aucun (mais aucun !), politique ne s'est attardé dessus ! Ce dont il faut se rappeler, c'est que la note tunisienne a été dégradée de huit crans ces dix dernières années. Ce qu'il faut savoir, c'est que l'on met quasiment autant de temps pour monter d'un seul cran ! L'image est terrible. Et ce qu'il y a d'encore plus terrible est la nonchalance de notre classe politique et, à sa tête, les trois présidents. Rached Ghannouchi, président de l'assemblée, est préoccupé par le culte de la personnalité et la lutte intestine au sein de son parti. Kaïs Saïed, président de la République, vit dans une autre époque, parle un autre langage et ne connait rien à l'économie. Ni à la politique d'ailleurs. Quant à Hichem Mechichi, chef du gouvernement, il n'a qu'un seul crédo : « j'y suis, j'y reste ».
Parlons peu, parlons bien. La nouvelle note de Moody's est justifiée par plusieurs raisons. Les origines de ces raisons sont toutes politiques. Hichem Mechichi n'est pas à l'origine de tous les problèmes, mais c'est lui qui en demeure responsable. La dernière crise gouvernementale, il en est entièrement responsable. Cela fait plus d'un mois que son gouvernement a obtenu la confiance du Parlement, mais les nouveaux ministres n'ont toujours pas siégé. Hichem Mechichi peut toujours dire que c'est de la faute du président de la République qui refuse d'obéir à la constitution et d'organiser la cérémonie de prestation de serment. Ceci est faux. Le prédécesseur de Hichem Mechichi, Elyes Fakhfakh, a été acculé à la démission à cause d'une suspicion de conflit d'intérêts. Hichem Mechichi a quatre ministres qui sont dans cette configuration de conflit d'intérêts et de corruption. La vie publique doit être moralisée, c'est un fait, c'est indispensable dans une démocratie, et c'est ce qu'entend le président de la République en refusant que ces ministres suspects prêtent serment devant lui. Cela fait des mois que les pays amis et voisins ont entamé leurs campagnes de vaccination. Hichem Mechichi peut toujours dire que ce n'est pas lui à l'origine de ce problème, mais c'est lui qui en demeure responsable. Cela fait des mois que les entreprises souffrent des mesures Covid. Plusieurs ont mis la clé sous la porte et ont licencié leurs personnels. Plusieurs, notamment les commerces du soir, l'événementiel, les intermittents du spectacle etc, n'ont pas travaillé depuis des mois. Aucune mesure d'aide gouvernementale n'a été consentie à ces entreprises qui emploient des dizaines de milliers de personnes. Entre temps, les paiements pour le fisc ou pour les charges patronales sont réglés comme du papier à musique. Hichem Mechichi peut toujours dire qu'il n'y peut rien, mais il n'en demeure pas moins qu'il en porte la responsabilité, car on l'a mis là pour pouvoir faire quelque chose justement. S'il n'y peut rien, qu'il libère le plancher ! Il est anormal que le gouvernement qui interdit l'organisation des spectacles et des conférences, le déplacement entre les régions et l'ouverture des commerces du soir, soit le même qui autorise aux partis politiques d'organiser des meetings avec des milliers de personnes. C'est anormal, c'est immoral.
Parce qu'il n'a rien pu faire pour aider les entreprises, parce qu'il est le pion d'Ennahdha, d'Al Karama et de Qalb Tounes, parce qu'il n'a rien fait pour la vaccination des Tunisiens, parce qu'il n'a rien fait pour contrer la dégradation de la note souveraine tunisienne, parce qu'il a engagé des ministres suspects et qu'il se refuse de les limoger, parce qu'il n'a rien fait de bon depuis qu'il est là, le chef du gouvernement Hichem Mechichi se doit de démissionner maintenant. Le bras de fer qu'il mène avec Kaïs Saïed a atteint ses limites, il se doit de jeter l'éponge et de cesser de prendre le pays en otage. Le pays ne peut plus supporter cette instabilité gouvernementale et c'est lui, et uniquement lui, qui est responsable de cette instabilité. Le pays a besoin d'un gouvernement fort, capable de prendre ses problèmes à bras le corps et le gouvernement Mechichi ne répond pas à ce critère fondamental. A un moment ou un autre, il faut dire basta, ça suffit, la crise ne peut plus durer et ce moment est venu. Pour la démocratie, pour la moralisation de la vie publique, pour l'efficacité gouvernementale, par patriotisme, Hichem Mechichi doit quitter tout de suite.